- Droit à l'information environnementale : permettre l'accès aux données, limiter le secret industriel et le secret défense, assurer l'effectivité de l'accès à l'information, protéger les lanceurs d'alerte et étendre la liberté d'expression en matière environnementale, renforcer l'information des consommateurs, sanctionner pénalement la rétention d'information environnementale, mettre en oeuvre une déontologie de l'information. - Expertise : sujets, procédure, Haute Autorité de l'expertise. - Responsabilité : responsabilité civile et pénale ; propositions de modifications du Code civil, du Code de commerce et du Code monétaire et financier en vue de faire de la France un pays pionnier de responsabilité sociale des entreprises et de généraliser la prise en compte de l'environnement ; responsabilité administrative ; transcription de la directive responsabilité environnementale ; accès à la justice, charge de la preuve et réparation du préjudice. Lepage (C). Paris. http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/document.xsp?id=Temis-0060596
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue
Français
Extrait
Mission Lepage rapport final 1èrephase
SOMMAIRE 1. 5LE DROIT A LINFORMATION ENVIRONNEMENTALE1.1.Permettre l'accès aux données. 71.2. 13Limiter le secret industriel et le secret défense1.3. 17Assurer l'effectivité de l'accès à l'information1.4.Protéger les lanceurs d'alerte et étendre la liberté d’expression en matière environnementale 201.5. 27Renforcer l'information des consommateurs1.6.Sanctionner pénalement la rétention d'information environnementale 301.7.La déontologie de l’information 312.LEXPERTISE 332.1.Les sujets d’expertise 352.2.Des experts responsables 382.3. 43Une procédure d'expertise contradictoire, pluraliste et ouverte2.4. 49La Haute autorité de l'expertise3.LA RESPONSABILITE 513.1.La responsabilité pénale 583.2.La responsabilité civile 65Propositions de modifications du Code civil 65Propositions de modifications du Code de Commerce : Faire de la France un pays pionnier de la Responsabilité Sociale des Entreprises 75Propositions de modifications du Code Monétaire et Financier : Généraliser la prise en compte de l’environnement 803.3.La responsabilité administrative 883.4.La transcription de la directive responsabilité environnementale 953.5.L’accès à la justice, la charge de la preuve et la réparation du préjudice 105ANNEXE I : LETTRE DE MISSION 107ANNEXE II : COMPOSITION DE LA MISSION 108ANNEXE III : RESUME DES PROPOSITIONS DU RAPPORT 110ANNEXE IV : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES DANS LE CADRE DE LA MISSION DE MADAME LEPAGE 118
Mission Lepage – rapport détape
2
Les propositions qui suivent sinspirent très précisément des conclusions du grenelle de lenvironnement et sinscrivent dans les orientations du discours du Président de la République. Leur contenu, largement débattu au sein du groupe de travail qui a accompagné le responsable de cette mission, est le résultat dune synthèse entre ce qui est apparu, du fait de lexpérience, indispensable pour donner une effectivité au droit de lenvironnement lato sensu, inspiré des bonnes pratiques européennes, et la nécessité de promouvoir un développement économique durable.. Notre préoccupation a été dêtre pragmatique, parfaitement au fait de la situation compétitive dans laquelle se trouve notre pays, mais inspirée par le souci de prévenir, grâce à des mécanismes appropriés, les conséquences humaines, sanitaires, écologiques et aussi économiques des choix technologiques contemporains. Prévenir les risques, cest dabord en déterminer le champ et le contenu. Cest ensuite, fixer des règles du jeu telles que lintérêt économique des parties prenantes se fasse dans le sens de la sécurité et de la prévention, lesquelles impliquent la responsabilité et la transparence. Cest la raison pour laquelle information, expertise et responsabilité font un tout, quil convient de lier. Cette liaison est dautant plus évidente que les coûts effectifs, liés à des choix technologiques erronés, sont de plus en plus lourds, en sus des coûts humains. Ainsi, les Pays-Bas ont évalué à 19 milliards deuros le coût du retard émis à interdire lamiante, non compris les coûts sanitaires et lindemnisation des victimes. Une information transparente, fondée sur une expertise rigoureuse et une répartition claire des responsabilités, garantit une meilleure qualité des choix, un processus plus démocratique et donc une relation de confiance qui nexiste plus et qui, pourtant, participe au dynamisme et à la bonne santé dune société. Cest dans cet état desprit que ce rapport a été rédigé après avoir entendu les représentants du monde économique et bancaire, des associations et certains organismes scientifiques. Les propositions qui suivent font un ensemble cohérent et sappuient les unes sur les autres. Il va de soi que de réduire les unes ou les autres réduit, au-delà de la mesure supprimée, lefficacité et la cohérence de lensemble proposé. 3 Mission Lepage – rapport détape
Trois parties seront examinées : I le droit à linformation II lexpertise III: la responsabilité
Mission Lepage – rapport détape
4
A titre préliminaire, il convient de préciser le champ dapplication du présent rapport. Par environnement, il faut entendre lenvironnement au sens communautaire du terme, incluant limpact sanitaire de lenvironnement. Cest donc le concept denvironnement-santé qui a été retenu, auquel sagrège, à certains égards, la consommation dans la mesure où les consommateurs sont, de manière croissante, des acteurs de lenvironnement et où les produits consommés sont impactés par la qualité environnementale et sanitaire. Cest la raison pour laquelle le terme ONG dans ce rapport intègre les associations de consommateurs. 1.le droit à linformation environnementale Sept thèmes sont étudiés dans cette première partie : 1.laccès aux données 2.le secret industriel et le secret défense 3.leffectivité de laccès à linformation 4.la protection des lanceurs dalerte 5.linformation des consommateurs 6.la création dun délit de rétention dinformation 7.la déontologie de linformation Le droit à linformation en matière environnementale et sanitaire est un droit spécifique dans la mesure où il est reconnu au niveau constitutionnel par la charte de l'environnement1, au niveau communautaire2 international par la et convention d'Aarhus, et enfin par la jurisprudence de la convention européenne des droits de l'homme3.
1personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par laArticle 7. de la Charte de 2004 : « Toute loi,da'ccéderauxinformationsrelativesàle'nvironnementdétenuesparlesautoritéspubliquesetdeparticiperà2En particulier Directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant la'ccèsdupublicàli'nformationenmatièrede'nvironnementetabrogeantladirective90/313/CEEduConseil.3Notamment les arrêtsHertel c. Suissedu 25 août 1998,Recueil des arrêts et décisions1998-VI, § 46 ;Bladet Tromsøet Stensaas c. Norvège, 20 mai 1999, CEDH 1999-III,VgT Verein gegen Tierfabriken c. Suisse, du 28 juin 2001, CEDH 2001-VI, §§ 70 et 72,Vides Aizsardzibas Klubs c. Lettonie, no57829/00, du 27 mai 2004, § 42, etSteel et Morris c. Royaume-Uni, du 15 février 2005, no68416/01, CEDH 2005-II, §§ 88-89 5 Mission Lepage – rapport détape
Si un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires reconnaissent ledroitàli'nformationenvironnementaleducitoyenenFrance,leurapplicationeffective demeure très insuffisante. En effet, quatre types de blocage apparaissent, qui limitent singulièrement le'ffectivitédudroitàli'nformation,notammentsionlecompareàlasituationqui prévaut aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. •Lafaiblesse des donnéesgénérales de nature environnementale, leur très grande dissémination dans de nombreux organismes, labsence de volonté de mise à disposition des données et rapports par l utilisation des moyens modernes informatisés, ce qui rend très difficile l'accès à linformation ; •Uneculture du secret qui est renforcée en France par deux séries de facteurs. D'une part, la communication des documents administratifs par les administrations se heurte à un mauvais vouloir très fréquent alors même que les dispositions prévoyant la nomination dune personne déterminéedanschaqueadministrationpourêtreli'nterlocuteurdupublicenmatièredi'nformationnesontquepasoupeuappliquées.Da'utrepart,la rédaction donnée par la loi du 17 juillet 1978 aux exemptions de communicationfaitquebiensouventlarègledusecretle'mportesurtouteautre considération ; •Labsenced’indicateurs pertinents aux consommateurs de permettant faire des choix avertis en fonction de critères environnementaux ou sanitaires. Plus généralement, la construction dindicateurs pertinents est indispensable à linformation ; •Lefonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs et surtout ses pouvoirs ne permettent pas à la (CADA) libertéd'accèsàli'nformationdese'xprimerefficacement.Lefaitqui'ls'agissed'uneinstancepurementconsultative,quinepeutimposersesdécisions et qui ne peut prononcer aucune sanction nuit nécessairement à son efficacité. Dès lors, la volonté exprimée par le Président de la République, à la suite des propositions faites dans le cadre du Grenelle de lenvironnement, de faire prévaloirundroitàli'nformation–audelàdunsimpleettropsouventhypothétique droit à la communication de documents - conduit obligatoirement à réformer à la fois les conditions de mise à disposition, de production, de signalement et de discussion de linformation.
Mission Lepage – rapport détape
6
1.1. Permettre l'accès aux données. Laccès aux données doit être compris comme unemise à disposition activedes informations et non comme une simple réponse à des demandes dinformation. Les différents types de données Il convient de distinguer trois types de données : •lesdonnées brutes4, cest à dire toutes les données générales telles que'llessontdéfiniesàl'article124-2ducodedele'nvironnement5. Ces données devraient être en permanence libres d'accès et gratuites, avec une obligation de mise à disposition par tous les organismes publics qui les ont produites ou qui en sont détenteurs dans un délai maximal de deux mois, sauf cas particuliers6. Par ailleurs, ces données brutes devraient également être fournies de manière localisée, permettant ainsi de garder la traçabilité des données antérieures ainsi que de toutes les données relatives aux différentes déclarations et autorisations délivrées par territoire pertinent. •Lesdonnées de nature scientifique et autres permettant de nourrir un débat contradictoire sur tous les plus grands sujets scientifiques et technologiques. Les résultats des différentes études menées dans le monde sur les thèmes adéquats pourraient y figurer ainsi que, dans les conditions qui sont examinées ci-dessous, les alertes validées.
4 philosophiques et scientifiques qui sont derrière la primordiale des présupposésIl est précisé que la question mise en place de ces données n'est pas traitée ici 5eottueniofmrtaionEs«cotmociemdisneéréelatonrmatinforornnneivà'lviedusensautenemrtipahctnesérpdisponible, quel qu'en soit le support, qui a pour objet : 1ºL'étatdesélémentsdele'nvironnement,notammentl'air,la'tmosphère,le'au,lesol,lesterres,lespaysages,les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2ºLesdécisions,lesactivitésetlesfacteurs,notammentlessubstances,lé'nergie,lebruit,lesrayonnements,lesdéchets,lesémissions,lesdéversementsetautresrejets,susceptiblesd'avoirdesincidencessurlé'tatdeséléments visés au 1º ; 3ºLé'tatdelasantéhumaine,lasécuritéetlesconditionsdeviedespersonnes,lesconstructionsetlepatrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; 4º Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2º ; 5º Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législativesetréglementairesrelativesàle'nvironnement»6 6 Il faut effectivement réserver le cas de données très complexes. Comme en matière épidémiologique où le temps peut être plus long car le traitement et la présentation des données sont très délicats. 7 Mission Lepage – rapport détape
•Lesdonnées particulières servant ou ayant servi de base à la délivrance des autorisations. Ceci implique en particulier que soient rendues publiques les données brutes et ayant permis aux experts des différentes commissions de rendre leur avis, sur labsence ou la présence de risques relatifs à lenvironnement ou, ce qui revient au même, à la santé dun élément de lécosystème, ce qui doit être séparé dans le dossier du secret de fabrication. Il va de soi que ces avis et les procès-verbaux qui les accompagnent, ainsi que les opinions minoritaires émises, devraient également être rendues publiques. Mettre en place un organisme pour une politique active d’accès aux données Les dispositions du code de lenvironnement tendant à une politique de diffusion publique des données environnementales figurant aux articles L. 124-7, L. 124-8 et R. 124-5 du code de lenvironnement, ne sont pas suivies deffet. Unbouleversement des pratiques de l’administration est nécessaire pour quil en aille différemment. Ceci impliqueun organisme coordinateur efficace, à limage des agences de lenvironnement qui existent désormais dans nombre dautres pays (agence de lenvironnement en Grande-Bretagne par exemple). La lecture du décret no 2004-936 du 30 août 2004 relatif à lInstitut français de lenvironnement (IFEN) pourrait faire penser que lon dispose aujourdhui dune institution à la hauteur des exigences en matière de collecte, de diffusion et daccès aux données. Mais en réalité, lIFEN, qui a perdu sa relative autonomie détablissement public en devenant par le même décret un service à compétence nationale directement rattaché au ministère chargé de lécologie, ne peut pas réaliser lensemble de ses missions sans moyens matériels et juridiques supplémentaires. Il faut également rappeler que, sagissant des données brutes relatives à lenvironnement, et notamment le point 1 du renvoi 5 de la page précédente, il faut également i) garantir la permanence de leur mesure et ii) permettre leur analyse par le support cartographique qui est nécessaire. Or ce dernier nest pas accessible, dans les mêmes conditions rendant inopérantes les conditions de leur utilisation.
Mission Lepage – rapport détape
8
Un régime de communicabilité à revoir La non-communicabilité de documents préparatoires a longtemps entraîné une inaccessibilité de données environnementales pertinentes, au moment où elles présentent une utilité pour évaluer le risque ou lutilité environnement dune pratique ou dun projet. Depuis la loi du 26 octobre 2005 et afin de se conformer aux directives 90/313 puis 2003/4/CE, le critère de communicabilité en matière environnementale est désormais que les documents soient achevées, sans que le fait quils seraient préparatoires à une décision qui nest pas encore intervenue permette de refuser de les communiquer dans lattente que cette décision intervienne. En outre, les dispositions de larticle L. 124-5 ouvrent droit à toute information relative aux émissions de substances dans lenvironnement et ne permettent pas dopposer le secret en matière industrielle et commerciale pour refuser laccès à ce type dinformation. Cette avancée doit être relativisée sur 3 points au moins. Premièrement, de lindication même de la CADA dans son dernier rapport dactivité, laccès à linformation environnementale demeure un « régime peu connu », notamment en raison de sa complexité. Les administrations tardent à remplir les obligations édictées par larticle L. 124-7, tout comme à désigner et faireconnaîtrelespersonnesresponsablesdela'ccèsauxdocumentsadministratifs désignées en application de l'article 24 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et R. 124-2 du code de lenvironnement. Deuxièmement, la définition du champ dapplication de ces dispositions plus favorables que le régime de droit commun daccès aux documents est trop restrictive, en raison des trop nombreuses exceptions qui persistent. Cette question est développée infra dans le point 1.2. Enfin, et surtout, la réglementation française conserve une conception trop restrictive de la communication, en sopposant à la communication de « documents en cours délaboration » (art L. 124-4, II, 1°du code) . Pourtant, larticle 7 de la Charte de lenvironnement proclame le droit de « participer à lé'laborationdesdécisionspubliquesayantuneincidencesurl'environnement»,ce qui ne peut se faire dans le cadre législatif actuel.
Mission Lepage – rapport détape
9
Sagissant des données brutes, la notion de « en cours délaboration » sapplique aux données « provisoires », les temps de validation pouvant être très longs, cela revient à priver le public de données récentes, les seules pertinentes pour des alertes. Un délai raisonnable, permis par les techniques modernes, devrait sappliquer en priorité aux données brutes, de manière à les rendre accessibles, même sous forme provisoire, aux utilisateurs extérieurs, à charge pour ceux-ci de les utiliser à bon escient. Plus fondamentalement encore, l’accès à l’information environnementale ne pourra être effectif que si l’on passe d’un droit à communication pour les particuliers à une obligation d’information des autorités publiques. Cette nette évolution aurait également pour avantage d’améliorer la capacité du citoyen à s’informer, permettant ainsi progressivement de répondre à la nécessité du devoir de chacun d’informer autrui, par une démarche pro-active et pas seulement passive . oProposition n° 1 : Reconnaître à la charge de toutes les autorités publiques et des organismes publics sous tutelle une obligation d'information en matière environnementale et sanitaire, de tous les éléments qu'elles ont produits ou dont elles sont détentrices et éliminer les éléments structurels de blocage dans les statuts des établissements concernés . oProposition n° 2 :
Créer, en application de l'article L. 124-1 du code de l'environnement, une obligation de mise à disposition en ligne, donc sans passer par la demande préalable obligatoire, de toutes les informations et données brutes dont dispose l'administration, l'accès à l'information s’effectuant de manière gratuite et avec une totale liberté d'accès sous la réserve évidente de l’utilisation à des fins commerciales de ces données, sans valeur ajoutée.