Trajectoires de la neutralité
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Trajectoires de la neutralité , livre ebook

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Description

Au cours des débats sur la Charte des valeurs de la laïcité, qui ont animé le Québec d’août 2013 à avril 2014, la neutralité de l’État en matière religieuse et les conditions de sa mise en oeuvre ont été âprement discutées. Quels sont les enjeux autour desquels se cristallisent les tensions générées par l’application du principe de neutralité ? Que font les États laïques en matière de régulation de la diversité religieuse pour établir des régimes de « reconnaissance » implicite ? Et comment l’interaction entre acteurs religieux et État produit- elle des situations pratiques où ce principe est directement mis à l’épreuve ? Ces questions ne se posent pas uniquement au Québec ; des discussions similaires ont lieu dans d’autres contextes et appellent une mise en perspective
de l’idée du Québec comme « société distincte ».
Cet ouvrage donne un aperçu de la variété et de la complexité des trajectoires de la neutralité étatique pluraliste avec des études de cas ancrées dans différents espaces nationaux et des analyses issues des sciences sociales, humaines et juridiques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 avril 2014
Nombre de lectures 3
EAN13 9782760633506
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cet ouvrage est le résultat d’un atelier ayant réuni des chercheurs européens et nord-américains en octobre 2012 à l’Université de Montréal à l’initiative de Valérie Amiraux (Université de Montréal), David Koussens (Université de Sherbrooke) et David Gilles (Université de Sherbrooke). Cette rencontre a été rendue possible grâce à la collaboration et au soutien du Centre d’excellence de l’Union européenne (Université de Montréal), de la Chaire de recherche du Canada en étude du pluralisme religieux, de la Chaire de recherche sur les religions en modernité avancée de l’Université de Sherbrooke, du Centre de recherche sur la société, le droit et la religion de l’Université de Sherbrooke (SoDRUS), de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, du projet PLURADICAL (FQRSC), du Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM) et du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM). La publication aux Presses de l’Université de Montréal est financée par le projet PLURADICAL du FQRSC, la Chaire de recherche sur les religions en modernité avancée de l’Université de Sherbrooke et la Chaire de recherche du Canada en étude du pluralisme religieux. Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Vedette principale au titre: Trajectoires de la neutralité (PUM) Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3348-3 1. Laïcité. 2. Religion et État. I. Amiraux, Valérie. II. Koussens, David, 1976- . BL2755.T72 2014 322’.1 C2014-940706-8 Mise en pages et epub: Folio infographie ISBN (papier): 978-2-7606-3348-3 ISBN (pdf): 978-2-7606-3349-0 ISBN (epub): 978-2-7606-3350-6 Dépôt légal: 2 e trimestre 2014 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2014 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Introduction
La neutralité de l’État à l’épreuve du pluralisme
Valérie Amiraux et David Koussens
Lors d’une conférence de presse tenue le 10 septembre 2013, le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne du Québec annonce les grandes lignes d’un projet de loi en vue d’adopter une «Charte des valeurs» du Québec. Situant ce projet dans la poursuite de «la démarche de séparation des religions et de l’État, entamée il y a plus de 50 ans dans le sillage de la Révolution tranquille», le ministre le justifie par la triple nécessité de «définir des règles claires pour tout le monde», d’«affirmer les valeurs québécoises» et d’«établir la neutralité religieuse de l’État 1 ». Il précise alors que «la contribution des Québécoises et des Québécois de toutes origines a permis de bâtir une société ouverte qui partage des valeurs fondamentales. Ces valeurs qui définissent la société québécoise et en constituent le contrat d’adhésion sont, notamment, l’égalité entre les femmes et les hommes, la neutralité religieuse des institutions et la reconnaissance d’un patrimoine historique commun 2 ». Le 7 novembre 2013, après la tenue d’une rapide consultation publique sur internet, le ministre dépose à l’Assemblée nationale du Québec un projet de loi 60 intitulé «Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement 3 ».
Dans l’argumentation du ministre, la neutralité de l’État s’apparente à une valeur nationale dont la trajectoire linéaire serait intimement liée à l’histoire de la province. Présentée comme un principe politique constituant (avec d’autres) l’un des fondements de la société, elle serait, à l’instar de l’identité nationale, menacée sur plusieurs fronts et plus spécifiquement par l’immigration croissante et le pluralisme de fait qui en découle, mais aussi par la politique du multiculturalisme canadien et une conception qualifiée, par certains observateurs, de «légaliste» des aménagements de la diversité religieuse. En l’espèce, les juges adopteraient des décisions en porte-à-faux avec la «réalité», entendue ici au sens de volonté populaire et non de réalité empirique, au détriment des droits et des principes culturels que la majorité reconnaît comme siens. Dans le débat autour du projet de loi 60, ces critiques de la procédure judiciaire se doublent d’un procès des experts dont les analyses, souvent présentées à l’appui d’enquêtes empiriques, seraient empreintes de «rectitude politique» et entachées de «relativisme culturel». La formalisation juridique de la neutralité dans une charte est alors présentée comme une garantie de son effectivité réelle, assurant la séparation des Églises et de l’État ainsi que la laïcité de l’État et de ses institutions. Cette formalisation par le droit de la neutralité comme valeur constituerait le fondement d’un nouveau lien politique solide, assurant autant la garantie des droits des minorités que la reconnaissance de l’importance du patrimoine historique (catholique) des Québécois dans l’espace public.
La neutralité comme valeur?
Les modalités selon lesquelles se structure le débat sur la neutralité de l’État et des institutions publiques au Québec, dont nous avons rapidement esquissé les grandes lignes des discussions les plus récentes, partagent de nombreux traits communs avec celles que l’on retrouve dans d’autres contextes nationaux. Cet ouvrage part donc de ce constat simple, mais dont les conséquences sont complexes: si l’expérience de la diversité n’est pas une épreuve facile pour les démocraties libérales occidentales, elle l’est encore moins lorsqu’elle met en scène des éléments religieux dont les sociétés sécularisées peinent à saisir le sens. C’est en effet souvent à partir d’une interprétation d’irrationalité que les religions minoritaires vont être jugées par les acteurs sociaux ou politiques, notamment en lien avec le fait qu’elles sont – parfois à tort – perçues comme «étrangères» aux trajectoires historiques des cultures nationales dans les sociétés sécularisées. Ce qui dans cette expérience de l’altérité sera perçu comme source d’inconfort fait dès lors place à de multiples spéculations destinées à rendre lisible l’objet même de ce malaise: les manifestations d’un religieux que l’on peine à comprendre et dont les expériences semblent irrémédiablement inintelligibles.
Dans les débats qui ont émergé ces dernières années en Amérique du Nord comme dans beaucoup d’États de l’Union européenne, les différents acteurs publics qui s’y sont engagés – groupes religieux, partis politiques, universitaires, représentants syndicaux, médias, mouvements féministes ou autres groupes d’intérêts – invoquent plusieurs répertoires normatifs pour désigner et parfois disqualifier les pratiques religieuses visibles dans la sphère publique. Sont alors mobilisées les notions de droits de l’homme (liberté de conscience et égalité), d’identité nationale, d’ordre public, de valeurs communes ou de laïcité. L’opposition est ainsi de plus en plus fréquente entre le religieux «culturel» (comme dans le cas des débats sur le crucifix dans les institutions publiques au Québec et en Italie) ou «acceptable» (volonté d’instaurer un «islam de France»), et celui qui heurte, choque, voire menace et que l’on ne pourrait tolérer dans des sociétés démocratiques (référendum sur les minarets en Suisse; interdiction du voile intégral ou controverses sur les sectes en France; politisation des discussions sur le halal en France et au Québec; débat sur la constitutionnalité de la criminalisation de la polygamie en Colombie-Britannique).
L’intensification des débats autour de la visibilité du religieux dans les espaces publics produit plusieurs effets. En premier lieu, l’expression des convictions de certains citoyens interpelle la société et les pouvoirs publics, donnant lieu à des surenchères discursives autour de termes souvent employés comme synonymes (liberté religieuse, laïcité, neutralité de l’État). En second lieu, cette inflation des débats publics est d’autant plus puissante dans ses effets auprès des opinions publiques que l’expression pratique de certaines convictions (le port du voile intégral, la polygamie, la circoncision) semble contrevenir à des droits fondamentaux auxquels les sociétés occidentales renouvellent à ces occasions leur attachement, les érigeant au rang de principes moraux constitutifs de leurs identités nationales. L’égalité entre hommes et femmes et la liberté d’expression en sont les deux illustrations les plus répandues. En troisième lieu, ces controverses religieuses favorisent l’émergence de rhétoriques très similaires d’un pays à l’autre, alors même que les contextes nationaux divergent tant sur le plan social (sécularisation de la société) que politique (laïcisation des institutions de l’État). Dans les débats publics, la neutralité se trouve alors instrumentalisée et essentialisée. Elle devient l’ultime rempart face aux univers et expressions d’un religieux minoritaire perçu comme menaçants.
L’ensemble de ces controverses nationales, où la neutralité est parfois invoquée comme une valeur, ce qui est le cas dans le contexte du débat québécois sur le projet de loi 60, met très directement à l’épreuve la mise en œuvre pratique, réelle, de la neutralité de l’État, constamment obligé de procéder à des arbitrages pour déterminer le poids qu’il importe d’accorder à des valeurs parfois présentées ou perçues comme concurrentes. Dans les débats dont cet ouvrage propose plusieurs études de cas réalisées dans des contextes variés, la neutralité apparaît alors dans toute sa complexité. Obligation qui s’impose à l’État, elle représente moins une valeur sociét

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