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Jacques Attali: «L’Afrique verra son tour venir»

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Description


Comprendre le passé pour prévoir l’avenir, et surtout dans le présent, agir, protéger, trouver des solutions pour aider les 8 milliards de Terriens. C’est l’objectif que s’est fixé Jacques Attali à la fois économiste, banquier, chef d’entreprise, philanthrope et essayiste. Il est l'invité spécial d'Éco d'ici Éco d'ailleurs.

Jacques Attali publie « Le monde, modes d’emploi » (Flammarion), un ouvrage sur l’avenir de la planète et les menaces qui le guettent : conflits armés, crise financière, crise climatique et crise démocratique. Dans cet entretien avec Bruno Faure, il est largement question du devenir de l’Afrique, un continent qui d’après le créateur de l’ONG Action contre la Faim sera bientôt au cœur des décisions mondiales. 
Dans cet entretien, Jacques Attali développe également ses thèses sur les relations entre le Nord et le Sud, la montée en puissance de l’Inde, le déclin progressif des États-Unis et les ambitions, selon lui, surévaluées de la Chine. Il est également interrogé sur les questions agricoles, le problème de la dette, la montée en puissance de l’intelligence artificielle, Elon Musk et la réforme des retraites menée en France par Emmanuel Macron. 
Avec la participation de Paul Ginies, consultant international en matière d’éducation, de formation et de nouvelles technologies, directeur général d’Eranove Academy à Abidjan (Côte d’Ivoire). 
► Pour aller plus loin : Histoires et avenirs de l'éducation (Flammarion)
 
Extrait de l'entretien avec Jacques Attali
RFI : La guerre en Ukraine se prolonge. Plus d’un an après l’invasion russe, quels sont les enjeux pour le continent africain ?  
Jacques Attali : L'Union africaine le dit et le redit, l’un des grands enjeux du continent, c'est de se nourrir, comme pour tout le monde. Toute la difficulté est de construire une agriculture qui soit une occasion de capture du carbone, ce qui est possible. L'efficacité, la productivité agricole, c'est même une grande chance pour l'avenir et il est évident que l'Ukraine, qui produit une partie importante des engrais et une partie importante des productions de céréales du monde, est essentielle pour l'Afrique par l'impact sur les prix que la réduction de la production ukrainienne et russe représente. Donc c'est vital pour l’Afrique qu'il y ait la paix en Europe. 
L’Afrique est-elle victime de l’évolution du commerce international ? 
Aujourd'hui, l'intégration mondiale commerciale est absolument énorme et l'idée d'une autarcie ou d'un isolement n'a pas de sens. Par contre, certaines régions ont un commerce qui n'est pas très équilibré, par exemple l'Afrique a un commerce qui est beaucoup trop tourné vers le reste du monde et pas assez tourné vers l'intérieur de l'Afrique. Les colonisateurs ont développé beaucoup les régions côtières pour exporter les produits bruts vers le reste du monde et pas pour développer l'énorme marché interne qui supposerait des trains, des routes, des infrastructures intra-africaines qui sont clairement ce qui manque aujourd'hui. 
Est-ce qu'un jour Lagos ou Abidjan, ou une autre grande ville africaine pourrait devenir le nouveau cœur commercial du monde ? 
D'ici à 2050, c'est peu vraisemblable. Mais après 2050, les États-Unis auront beaucoup décliné. La Chine aura raté le coche et ne sera pas devenue la superpuissance mondiale. L'Inde sera potentiellement le lieu de la superpuissance et l'Afrique verra son tour venir avec des ports en Nigeria ou en Côte d'Ivoire qui sont certainement parmi les mieux placés en Afrique pour être des cœurs régionaux et absolument essentiels.  
Face au problème de la dette, certains pays n'ont pas forcément la planche à billets américaine, est-ce inquiétant selon vous ?  
C'est très inquiétant, surtout quand les termes de l'échange ne sont pas bons. On le voit dans beaucoup de pays africains, le cours des matières premières, en particulier agricoles, n'est pas bon, parce qu’ils n'ont pas obtenu la capacité de transformer ces matières premières sur place et que la transformation se fait ailleurs. Quand vous produisez des noix de cajou ou du cacao et que vous ne pouvez pas ou n'avez pas le droit de les transformer sur place, vous perdez l'essentiel de la valeur ajoutée de vos propres produits. Cela par la décision unilatérale des multinationales. C'est là je crois l'essentiel de ce qui se joue et qui est la cause de l'endettement de ces pays. 
L'un des drames actuels de l'Afrique, ce sont les problèmes alimentaires au Sahel, en Afrique de l'Est. En 1979, vous avez participé à la création de l’ONG Action contre la faim. Quel bilan faites-vous de ces dernières décennies d’action humanitaire parfois remise en cause aujourd’hui sur le terrain ? 
C'est difficile, mais l'action humanitaire ne doit pas être la solution. Moi, je rêve d'un monde où on aurait plus besoin d'Action contre la faim ou plus besoin des organisations humanitaires. Il y a eu pendant cette période d'énormes progrès agricoles qui ont été faits parfois d'une façon désordonnée, avec un usage excessif des engrais azotés qui seront reconnus bientôt comme nocifs et qu'il faudra certainement mettre à l’écart. D'autres ressources ont un potentiel extraordinaire comme l'alliance de nutriments intelligents et d'une capture du carbone qui va permettre à l'agriculture de servir à améliorer le climat en capturant le carbone et à augmenter sa rentabilité, son efficacité et sa productivité. Il y a encore aujourd'hui près d'un tiers de la population de la planète qui ne mange pas à sa faim. 
Face à la crise climatique, l’Afrique doit-elle moins exploiter son pétrole, comme le demandent certains ? 
Demandez à des pays qui ont l'énergie fossile ou qui la découvrent aujourd'hui de se passer d'une ressource extraordinaire alors que les pays développés ont tout fait pour l'utiliser et que c'est par leur faute qu'on se trouve dans cette situation. C’est à juste titre que les pays du Sud disent aux pays développés :  “écoutez, c'est vous qui avez créé le problème, ne nous demandez pas à nous de le résoudre”. Pour autant, on est sur une seule petite planète et même les pays qui ont des ressources en pétrole devraient comprendre que c'est dans leur intérêt de créer des conditions pour d'autres ressources énergétiques. Ces mêmes pays ont aussi accès à l'énergie éolienne et solaire, à toutes les formes d'énergies nouvelles qui vont être extraordinairement utiles et à des capacités de capture du carbone qui sont extrêmement positives pour le climat.  
Comment faire pour développer les systèmes d’éducation en Afrique ?
C’est l’un des enjeux majeurs, car il n’y a pratiquement pas d'éducation pour l'essentiel de la population africaine aujourd'hui, mis à part les classes moyennes supérieures et les élites financières. On est à une moyenne de 100 élèves par classe, et ça va encore augmenter avec la croissance démographique. Donc il est extrêmement urgent, si on veut éviter ce que j'appelle la barbarie de l'ignorance qui sera comblée par toute une série de sectes et d'intervenants de toute nature, de mettre beaucoup plus de moyens sur l'éducation primaire et l'éducation professionnelle tout au long de la vie. Cela vaut en Afrique mais aussi en Inde et en Amérique latine. Imaginez une planète où plus personne ne saurait lire et écrire, ça serait l'horreur totale. Donc il faut mener quatre combats en même temps : un combat pour le climat, un combat pour l'éducation, un combat pour la santé et un combat pour la démocratie. 
Vous reprenez l'expression de « Sud global », un ensemble hétérogène de pays non alignés de pays en développement et de pays émergents, et vous dites que c'est un concept dangereux. Pourquoi ? 
C'est un concept dangereux, en particulier pour tous les gens au Sud qui se battent risquent leur vie, et meurent pour les droits de l'Homme, la démocratie, les libertés. Mettre tous les pays du Sud dans le même sac contre les pays du Nord, c'est mettre des dictatures en avant au détriment des démocraties. Certes les démocraties des pays du Nord comme ceux des pays du Sud ne sont pas idéales, loin de là. La démocratie française ne l'est pas, la démocratie américaine peut-être encore moins. Les démocraties brésilienne, indienne ou nigériane non plus, avec des progrès remarquables par rapport aux systèmes antérieurs. Mais mettre tous les pays du Sud ensemble, c'est les mettre en fait sous l'ombrelle chinoise et russe qui ont tout intérêt à faire croire que le Sud est uni parce que ça leur permet de faire disparaître la grande question qui se joue en Ukraine et la bataille pour les libertés, les droits de l'homme et la démocratie.
Pour les Africains, comment faire des affaires avec tout le monde sans être à nouveau soumis, comme au temps de la colonisation ?
Travailler avec des Chinois, oui, mais aussi avec des Turcs, des Russes, des Français, des Américains, des Anglais. Il faut avoir la plus grande diversité possible de partenariats et aussi, ce qui est trop souvent oublié et négligé, des partenariats entre Africains. Le commerce intra-africain va être l'essentiel si l'Afrique veut réussir. 
 
► Retrouvez cet entretien en vidéo sur la chaîne Youtube de RFI.

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Informations

Publié par
Date de parution 17 mai 2023
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 44 Mo

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