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Côté Maroc, Nouvelle noire - Tome 6 , livre ebook

Editions Marsam

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Extrait

Description

Le Jury du sixième prix de la nouvelle noire organisé en 2013 a sélectionné douze nouvelles reproduites dans le présent ouvrage qui vient enrichir la collection “Côté Maroc, nouvelle noire” :

Sujets

Roman

Informations

Publié par	Editions Marsam
Date de parution	01 janvier 2013
Nombre de lectures	2
Langue	Français
Poids de l'ouvrage	3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Côté Maroc 6

Editions

Le Concours national de la nouvelle noire de Marrakech, lancé par l’Institut Français de Marrakech depuis 2008, permet aux écrivains marocains ou résidant au Maroc, experts ou amateurs de produire des nouvelles noires. Il participe aux actions menées pour promouvoir l’écriture en langue française au Maroc. Le choix de la « nouvelle noire » permet de mettre un cadre précis au récit pour en tirer une cohérence des textes reçus. De plus, le «noir» est un genre peu connu au Maroc, mais internationalement lu et pratiqué ; il se prête très bien à ce type de récit et mérite éga-lement plus d’attention, à la fois de la part du public et de la part des écrivains.

Ouvrage publié avec le soutien du Service de Coopération et d’Action Culturelle auprès de l’Ambassade de France au Maroc.

© Editions Marsam - 2013 Ateliers : 6, rue Ahmed Rifaï(Près place Moulay Hassan ex. Pietri)Rabat Bureaux : 15, avenue des Nations Unies - Rabat Tél : 05 37 67 40 28 - Fax : 05 37 67 40 22 e-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr Compogravure flashage Quadrichromie

Impression Imprimerie Bouregreg

Dépôt légal : / 2013 I.S.B.N. : 9954-21-

Côté Maroc 6

Editions

Nouvelle Noire - Tome 6

Sommaire

Une certaine idée de Charles Bronson

La comateuse

Variations sur un thème Ponziani

Le pot de Mayonnaise

Pour un sobriquet !

Epitaphes

L'accusé de réception

Meurtre au naturel

Message subliminal

Ecrit sur le net…

A chacun sa place

A double tranchant

Hicham Lasri

Omar Oulmahdi

My Youssef Maftah El Kheir

Jean-Marc Martinez

My Abdelaziz Sabti

Ahmed Abounacer

Rachid Assebab

Wiame Chafik

Ghizlane Echbarti

Aïcha Elwafa

Frédéric Le Gallois

Mohamed Meghraoui

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Nouvelle Noire - Tome 6

Les membres du jury

Pierre Raynaud - Président du jury Directeur de l'Institut français de Marrakech.

Odile Nublat Responsable du Pôle Livre et médiathèques de l'Institut fran-çais du Maroc.

Claude Cortier Attachée de coopération à l'Institut français du Maroc.

Miloudi Hamdouchi Auteur, professeur universtaire.

Rachid Chraïbi Directeur de la Galerie et des éditions Marsam.

Jamila Hassoune Libraire, Activiste civique, Consultante culturelle.

Lila Lamrous Maître de conférences en langue et littérature française.

Coordination-: Hakim Daigham, responsable de la média thèque de l’Institut français du Maroc, site Marrakech.

Couverture © Daphné Callignon + arrangement Quadrichromie

Une certaine idée de Charles Bronson er 1 prix, Hicham Lasri

— Police ! Attrapez le voleur ! Police ! Un vieillard sprinte. Il a les jambes longues et le souffle court. Il poursuit un voleur qui vient de dérober un Smartphone à une minette, qui attend un bus, habillée en femme fatale. C'est la première fois qu'un peu de courage bourgeonne entre les jambes du vieillard et le pousse à un acte aussi vain, saisissant et inconsidé-ré que de jouer les bons samaritains. Il ne voit que les jeans usés du voleur. Il commence à hurler à l'intention des avatars qui circulent comme des Sims dans la ville.

— Police ! Police ! Attrapez le voleur !

Personne ne fait attention à ce pauvre vieillard auréo-lé d'une aura de moisissure.

Le voleur s'éloigne. La pression sanguine dans ses globes oculaires, transforme tout ce qui bouge en taches de couleurs en forme de barbe à papa dans l'esprit de Daoud Reddad. Il essaie de hurler, mais rien ne sort de ses poumons. Il s'étouffe.

— Attrapez le voleur ! Police ! Police !

Pour détourner la douleur , Daoud se pose une ques-tion de forme : pourquoi les crottes de pigeon sont noires sur les voiture blanches, et blanches sur les voi -tures noires ? Il n'a pas de réponse. Et la question n'est

Nouvelle Noire - Tome 6

pas assez absurde pour détourner la douleur. Le voleur est parti. La douleur reste !

Flic de proximité dans un quartier populaire sans visage à Casablanca, Daoud est aux abois. Il contemple la compassion dans les yeux d'une fillette qui passe par là. Dans une série télé, on appelle ce genre d'apparition en pop-up, figuration.

Daoud perd son premier stylo après cinquante mètres de course. Il n'arrive plus à demander aux zombies qui l'entourent de capturer le voleur . Vingt-cinq autres mètres, il perd son deuxième stylo. Il s'arrê-te pour souffler. Ses côtes sont des touches de piano qui font une terrifiante musique. Il a la respiration sifflan-te. Il se baisse pour tenir ses genoux et perd son troi-sième stylo. Il regarde longuement son stylo qui gît par terre. Il se dit que, s'il se penche pour le ramasser, il y a des chances qu'il s'écroule. Charles Bronson ne s'es-soufflait jamais quand il coursait les malfrats.

Daoud Reddad, ditrotalaou poulpe, a 25 ans de ser-vice dans le compteur et presque rien sur le compte en banque. Depuis quelques années, il a plus de poils dans les oreilles que sur le caillou. Il adore Charles Bronson, mais ne sait pas qu'il est mort depuis vingt ans. On l'ap-pelle le poulpe pour une raison graphique : il a l'habitu-de de mettre trois stylos Bic dans les poches de ses che-mises et les stylos Bic ont tendance à déverser l'encre dans ses poches. Il n'en faut pas plus pour enflammer l'inconscient collectif qui échafaude une mythologie.

« La vieillesse est une malédiction ! », puis sa respi -ration de plus en plus sifflante l'empêche de s'écouter

Une certaine idée de Charles Bronson

réfléchir. Il se lève et regarde le voleur qui n'est qu'une silhouette floue dans un océan de scintille-ments. Daoud n'a jamais été du genre à courir derrière quoi que ce soit. Bon à rien, mauvais en tout, il s'est toujours réfugié derrière son statut deflicaillonpour se la couler douce. Pourquoi chercher un bonheur fugace quand on a la stabilité du malheur ? Pourquoi se tuer à la tâche quand on sait que l'entro-pie, la rouille et l'inertie font un travail formidable ?

Pendant qu'il médite sur le néant qui pousse le vide, un autre flic prend le relais et le dépasse comme un boli-de en traquant le voleur. Quelques minutes après, Daoud voit arriver le jeune flic qui tient le voleur par la ceinture tandis que les badauds s'agglutinent autour d'eux. Le jeune homme fait un clin d'œil à Daoud qui veut se redresser pour sauver la face, mais se retrou-ve coincé dans sa position. « La vieillesse est une malé-diction ! »

Le brouhaha s'éloigne de lui le laissant à l'écou-te de sa respiration mélodique : mélange de flûte de pan et de crevaison de pneu. «L'âge est une malédiction !»

Il tente de détourner la douleur une deuxième fois en ressassant toutes les informations inutiles dont four -mille son esprit : la commission générale de terminolo-gie et de néologie tranche : le termehashtagdevient le motdièseen français. On lui souhaite le même succès que le mot courriel. Tout est parti, sauf la douleur.

Daoud se retrouve dans une salle d'attente de médecin. Il regarde les autres malades qui tartinent les sièges. Des débris, des vieux, des épaves, des semi-vivants. Tout le monde cultive une note particulière avec une respiration sifflante. Il y a quelque chose de mélo-

Nouvelle Noire - Tome 6

dique dans cette salle d'attente. C'est pourquoi, il n'y a pas de musique d'ambiance. Une pensée de Daoud. La porte du médecin s'ouvre laissant s'échapper un cafard étrange et gluant avant que Daoud ne s'immisce.

— Crache ! Le médecin lui tend une sorte de bassine en plas-tique. Et il utilise une allumette géante pour fouiller le crachat jaunâtre comme si c'était de la moutarde ou du wasabi. Daoud a la respiration toujours sifflante. — Depuis quand tu courses les voleurs, toi ?Ping! Sourire faussé de Daoud.Pong! L'échange dure un moment tandis que le médecin remplit une ordonnance. Crache ! Daoud regarde la main du médecin, hausse un sour-cil, se racle la gorge et lui crache sur la main. Le méde-cin évite le crachat de justesse. Incompréhension de Daoud. Rire cristallin du médecin. Il frotte ses doigts devant le visage de Daoud et répète sur un autre ton : «Crache la monnaie». Mon assistante a toujours peur de te demander de payer les consultations… pas moi !... Flic ou pas flic, tout le monde crache la monnaie ! Malentendu résolu. Daoud se déleste de deux cents dirhams.

Daoud a toujours la mobylette, achetée vingt ans plus tôt, qu'il conduit comme on mène une princesse au bal. Il met son casque et traverse la ville en ébullition comme chaque fois qu'il rentre chez lui. Il lève le bras droit pour tourner à droite. Il lève le bras gauche pour tourner à gauche. Ramant le long de la ville à force de lever ses deux bras, il termine devant une façade jau -nâtre et hideuse. Une bâtisse en forme de Tetris où il habite depuis toujours. Il met une chaine et un cadenas à sa mobylette et monte les dizaines de marches qui le séparent de son canapé.