Changer la ville : Pour une nouvelle urbanité
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Description

Après vingt ans de politique de la ville, on constate aujourd’hui que la ségrégation n’a cessé de croître, que la mixité sociale n’a cessé de régresser et que dans nombre de quartiers la ghettoïsation progresse. Jean-Pierre Sueur propose une relecture critique des politiques correctrices de la ville mises en œuvre depuis plusieurs années et indique les voies possibles pour s’attaquer enfin aux causes et changer la ville, véritable défi républicain. Trois leviers seront fondamentaux pour inventer dés aujourd’hui l’urbanité de demain et refuser la fatalité de la ville ghetto pour les plus défavorisés et de la ville prison dorée pour les élites : un changement institutionnel conférant à la ville le poids qui lui revient de droit face au monde rural, et ce au plus haut niveau ; un changement dans les structures de décision des agglomérations ; des financements partagés entre l’État et les collectivités locales pour accélérer les réformes. Agrégé de lettres, docteur ès lettres, maître de conférence à l’université d’Orléans, Jean-Pierre Sueur a été député et secrétaire d’État. Il est aujourd’hui maire d’Orléans et président de l’Association des maires des grandes villes de France.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 1999
Nombre de lectures 3
EAN13 9782738161116
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , MAI  1999 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6111-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Avant-propos

Le rapport est, en France, un genre singulier. Lorsqu’un gouvernement choisit de demander un rapport sur un sujet, ce peut être – vieille technique – pour l’enterrer. Mais ce machiavélisme au petit pied n’est pas aussi répandu qu’on veut bien le dire et se retourne invariablement contre ses instigateurs. Si le problème existe, à quoi bon l’enterrer ? Il resurgira de toute façon.
Non, le plus souvent, commander un rapport, pour un gouvernement, c’est tout à la fois reconnaître le problème, c’est prendre acte de sa complexité – pourquoi demander un rapport si la solution coule de source ? –, c’est affirmer qu’il s’en occupe, qu’il va agir, mais que l’action est différée, retenue, le temps de la réflexion. C’est un engagement et une promesse.
Le rapport, c’est encore, pour le gouvernement, une manière de se protéger. Car le texte n’engagera évidemment que ses rédacteurs. Il arrive pourtant que ses propositions soient largement pesées et soupesées en comité interministériel avant publication. Dans ce cas, le rapport s’inscrit clairement dans une stratégie : il s’agit de savoir jusqu’où on peut, ou on ne peut pas, aller trop loin. Il arrive aussi que le gouvernement joue le jeu et fasse entièrement confiance aux rédacteurs. Dans ce second cas, qui est le plus favorable et le seul qui, intellectuellement, tienne la route, les conclusions du rapport s’écartent plus ou moins largement des présupposés qui avaient justifié sa commande. Cela peut conduire à différer sa remise ou à compromettre sa publication.
Ainsi, en 1982, le gouvernement de l’époque m’avait commandé un rapport sur « le bénévolat des retraités et préretraités ». Des assises nationales des retraités et personnes âgées, qui s’étaient tenues quelques mois plus tôt, avaient, en effet, conclu que c’était là une question prioritaire. Je me mis à la tâche, avec une équipe de spécialistes, de responsables d’associations et de syndicalistes. Très vite, nous nous sommes demandé pourquoi cette question du bénévolat était devenue si cruciale, et si prioritaire. La réponse apparut rapidement : ce regain d’intérêt pour le bénévolat allait de pair avec la montée en puissance des pré-retraités.
Puisque des centaines de milliers de salariés se trouvaient exclus prématurément – souvent dès cinquante ans – du monde du travail, il fallait songer à leur « utilité sociale » et leur proposer de nouvelles activités dans le cadre du bénévolat. Mais fallait-il accepter que le bénévolat devînt une manière de « faire passer la pilule » de la préretraite et d’exclusions prématurées du monde du travail peu justifiées, sauf dans le cas des métiers pénibles ? Plutôt que de panser les plaies, ne fallait-il pas éviter qu’elles ne s’ouvrent ? La première partie de notre rapport fut donc un plaidoyer contre les préretraites et pour les modalités alternatives qui permettraient de mieux organiser le temps de travail tout au long de l’existence, bref un plaidoyer pour le temps choisi. Une fois ce préalable posé, une seconde partie déclinait toutes les conditions qui favoriseraient le développement « sur des bases claires » du bénévolat – de l’utilité sociale – des retraités.
Comme le rapport n’était pas conforme aux espoirs qu’on avait mis en lui puisque les préretraites étaient alors une formule largement préconisée et amplement mise en œuvre, je ne pus jamais le remettre au Premier ministre – un ami très cher, pourtant – qui l’avait commandé. Je le rendis à son successeur. Il parut en 1985 à La Documentation française sous le titre Changer la retraite 1 . Il est épuisé depuis longtemps.
Je ne sais pourquoi cet épisode me revint à l’esprit lorsque Martine Aubry me demanda, en septembre 1997, de rédiger un rapport sur la politique de la ville. Ou plutôt, je sais très bien pourquoi. J’imaginai tout à fait ce que pouvait être un nouveau rapport (après cinq ou six autres) sur la « politique de la ville ». Ce serait un nouveau rapport sur les quartiers en difficulté. On évaluerait, dans un premier temps, les politiques menées en faveur ou en direction de ces quartiers durant les vingt dernières années. On ausculterait les procédures depuis les opérations « développement social des quartiers » jusqu’aux récents « contrats de ville ». On discuterait de la pertinence des différents périmètres et zonages . On suggérerait des améliorations procédurales. On proposerait des solutions, des remèdes pour que, dans ces quartiers, les choses aillent mieux ou moins mal.
Qu’on m’entende bien. Je crois, en effet, que nombre de quartiers s’enfoncent dramatiquement dans la détresse, l’exclusion et le non-droit. Mais je suis intimement persuadé qu’il existe une manière de concevoir la politique de la ville qui contribue à la stigmatisation de ces quartiers, qui les isole des autres et qui n’apporte pas de réponse de fond aux problèmes qui sont les leurs, même si, par ailleurs, un remarquable travail de terrain est mené dans ces quartiers. J’ajoute que ce travail de terrain est nécessaire quelle que soit la conception que l’on se fait de la politique de la ville : il ne justifie pas une conception plutôt qu’une autre.
Cette manière de concevoir la politique de la ville à laquelle je ne puis souscrire souffre de deux défauts : elle est réparatrice et elle est statique. Réparatrice, elle présuppose qu’on peut améliorer les choses peu à peu, par une série d’actions limitées, portant à la fois sur le social et sur le bâti, sans qu’il soit nécessaire de se poser la question de la structure des ensembles urbains dans lesquels ces quartiers s’inscrivent. Statique, elle considère la ville comme une collection d’espaces juxtaposés dont il serait hors de portée ou hors sujet de repenser l’organisation d’ensemble.
Traiter de l’organisation d’ensemble, c’est forcément s’intéresser à l’agglomération et se poser la question de l’exercice du pouvoir politique au sein de l’aire urbaine réelle. Si l’agglomération n’est qu’une juxtaposition, une collection ou même une fédération de communes, comment s’étonner de ce que les Programmes locaux de l’habitat n’aient, au total, qu’un effet très limité ? L’addition des stratégies propres développées par les différentes communes produit chaque jour une ségrégation accrue et des écarts croissants entre les territoires au sein du même ensemble urbain. C’est pourquoi le niveau de la décision est essentiel. La ville réelle, aujourd’hui, c’est l’agglomération : comment espérer mener une politique de la ville cohérente s’il n’existe pas une puissance publique à ce niveau ? Les élus n’ont de comptes à rendre qu’à leurs électeurs, qui sont ceux de leurs communes. Tant que les choses sont ce qu’elles sont, comment s’étonner du fait que les stratégies communales l’emportent sur les logiques d’agglomération ? Un maire de la région Île-de-France nous a expliqué qu’il avait été contraint de faire seul un Programme local de l’habitat parce qu’aucun de ses collègues maires des communes limitrophes ne voulait « partager » avec lui sa population… qui compte beaucoup de pauvres. Ce fait se passe de commentaire.
Mais au-delà de la question du « pouvoir d’agglomération », d’autres questions, d’une plus grande ampleur, m’apparaissaient indissociables des problèmes posés par la « politique de la ville ». Elles sont liées à la place de la France urbaine au sein de notre système institutionnel. La France a beaucoup changé en un siècle. De majoritairement rurale qu’elle était, elle est devenue majoritairement urbaine. 80 % des Français vivent dans les villes. Or, en dépit de la décentralisation – qui n’a pratiquement rien changé à cet égard –, la France urbaine reste fortement sous-représentée au sein de nos institutions. Du poids des 36 700 communes, à celui du Sénat, en passant par le mode d’élection des conseillers généraux et le découpage des circonscriptions législatives, c’est tout un système qui joue contre la ville et contre l’urbain. Comment dès lors s’étonner, pour ne prendre qu’un seul exemple, que les sommes affectées au cours des six dernières années aux programmes de la « politique de la ville » par l’ensemble des départements français soient aussi dérisoires ? La réponse ne fait pas de doute : les élus sont – logiquement – déterminés par leur électorat, et c’est tout un système qui est en cause.
Ces questions, et bien d’autres, m’ont conduit à la même conclusion : ou bien on veut une nouvelle fois se contenter de « panser les plaies » – ce qui est évidemment nécessaire –, et ce rapport ne servira à rien : on sait ce qu’il faut faire ; ou bien ce rapport portera sur les causes autant que sur les conséquences, il proposera un ensemble cohérent de réformes, un plan de grande ampleur, une mobilisation nationale pour la ville du futur… et alors il ne sera peut-être pas inutile.
Martine Aubry accepta d’emblée cette perspective large. Écrite avec l’aval du Premier ministre, la « lettre de mission » qu’elle m’adressa me demandait de réfléchir à la ville du XXI e  siècle et à toutes les réformes institutionnelles, urbanistiques, sociales, culturelles qui permettraient de surmonter les difficultés auxquelles se trouvaient confrontées les « politiques de la ville ». En un mot, ce

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