Comment les salariés perçoivent-ils la protection de l emploi ?
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À partir du Panel européen de 1999 et de l'enquête « Work Orientations » de l'ISSP (International Social Survey Programme) de 1997 on construit différents indicateurs du sentiment de sécurité de l'emploi pour 23 pays de l'OCDE qui sont ensuite confrontés à certaines mesures synthétiques des caractéristiques des institutions en vigueur sur les marchés du travail de ces pays. Une corrélation négative apparaît entre le sentiment de sécurité de l'emploi et l'indicateur OCDE de rigueur de la législation sur la protection de l'emploi. En outre, ce sentiment de sécurité de l'emploi est corrélé positivement à l'indicateur OCDE de générosité des systèmes d'indemnisation du chômage. Les interprétations que l'on peut proposer de ces résultats restent spéculatives. Cependant, ils semblent indiquer que la protection de l'emploi, telle qu'elle est conçue dans les pays d'Europe continentale et telle qu'elle est mesurée par l'indicateur OCDE, ne serait pas une bonne protection contre le sentiment d'insécurité de l'emploi, rôle protecteur que semblerait bien jouer, en revanche, l'assurance-chômage.

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Langue Français

Extrait

EMPLOI
Comment les salariés
perçoivent-ils la protection
de l’emploi ?
Fabien Postel-Vinay et Anne Saint-Martin*
À partir du Panel européen de 1999 et de l’enquête « Work Orientations » de l’ISSP
(International Social Survey Programme) de 1997 on construit différents indicateurs du
sentiment de sécurité de l’emploi pour 23 pays de l’OCDE qui sont ensuite confrontés à
certaines mesures synthétiques des caractéristiques des institutions en vigueur sur les
marchés du travail de ces pays. Une corrélation négative apparaît entre le sentiment de
sécurité de l’emploi et l’indicateur OCDE de rigueur de la législation sur la protection
de l’emploi. En outre, ce sentiment de sécurité de l’emploi est corrélé positivement à
l’indicateur OCDE de générosité des systèmes d’indemnisation du chômage.
Les interprétations que l’on peut proposer de ces résultats restent spéculatives.
Cependant, ils semblent indiquer que la protection de l’emploi, telle qu’elle est conçue
dans les pays d’Europe continentale et telle qu’elle est mesurée par l’indicateur OCDE,
ne serait pas une bonne protection contre le sentiment d’insécurité de l’emploi, rôle
protecteur que semblerait bien jouer, en revanche, l’assurance-chômage.
Les auteurs remercient Andrea Bassanini, Andrew Clark, Pierre Cahuc, Éric Maurin, Glenda Quin-
tini, Jean-Marc Robin, Raymond Torres et deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques cons-
tructives sur cet article. Les auteurs gardent, bien entendu, l’entière responsabilité d’éventuelles
erreurs ou imprécisions.
* Fabien Postel-Vinay appartient à PSE, Crest-Insee, CEPR et IZA (fpastel@pse.ens.fr et Anne Saint-Martin à l’OCDE
(anne.saint-martin@oecd.org).
PSE (Paris-Jourdan Sciences Économiques) est une unité de recherche conjointe CNRS-EHESS-ENPC-ENS. Cet article
ne représente que le point de vue des auteurs, il n’engage pas l’OCDE ni ses pays membres.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 372, 2004 41eaucoup d’économistes soutiennent qu’une ciements pourrait accroître à la fois l’efficacité
économique et le bien-être collectif. Bprotection de l’emploi plus sévère découra-
gerait les licenciements mais aussi les embau-
ches, et n’aurait qu’un effet ambigu et de faible Reste que la protection de l’emploi pourrait
ampleur sur le taux de chômage global. Ainsi, creuser les inégalités entre les travailleurs
l’effet principal de la protection de l’emploi employés et les chômeurs – qui subissent son
serait d’augmenter la durée moyenne du chô- effet sur les embauches et l’éventuel allonge-
ment de la durée moyenne de chômage qu’ellemage et l’ancienneté moyenne en emploi. En un
provoque. En outre, des études plus récentes surmot, la protection de l’emploi rendrait la bar-
l’économie politique des institutions, dont cel-rière entre chômage et emploi plus imperméa-
les du marché du travail, s’interrogent sur lesble. Ces conclusions, suggérées par plusieurs
raisons pour lesquelles un degré de protectionmodèles théoriques utilisés pour l’analyse de ce
de l’emploi excessif par rapport à un optimumproblème (1), sont susceptibles d’être corrobo-
social pourrait émerger (Saint-Paul, 2000 ;rées par l’examen des données (2). Si un certain
Boeri et al., 2003). Une des hypothèses force denombre d’évaluations suggèrent que la protec-
ces études est que la protection de l’emploi esttion de l’emploi pèserait à la fois sur les embau-
essentiellement soutenue par les travailleursches et les licenciements, son effet sur le chô-
ayant un emploi – les insiders. Comme les insi-
mage reste mal établi sur le plan empirique :
ders sont majoritaires dans l’économie, ce
bien que certaines études concluent qu’elle
seraient eux qui décideraient du niveau de pro-
aurait tendance à accroître le chômage, nom- tection de l’emploi adopté, et ils auraient
breuses sont celles qui ne trouvent aucun effet d’autant plus intérêt à protéger leurs emplois
significatif. que le niveau de rente associé à cet emploi est
élevé. Comme par ailleurs la protection de
Il n’existe, en revanche, que très peu de contri- l’emploi, en renforçant la position des tra-
butions empiriques abordant la question des vailleurs dans les négociations avec les
effets de la protection de l’emploi sur le bien- employeurs, est elle-même une source de rente,
être des agents économiques, même si cette elle s’auto-renforce : plus les emplois des insi-
question a déjà fait l’objet de certaines études ders sont protégés, plus ces derniers réclame-
théoriques. Tout d’abord, un débat a cours raient de protection. (1) (2)
depuis assez longtemps sur le niveau efficace
ou socialement optimal de protection de On examine, dans cet article, ce que les données
l’emploi face à telle ou telle imperfection de peuvent apprendre sur la façon dont les agents
marché. Ces études, très majoritairement économiques – en particulier les principaux
construites sur le modèle d’appariement de concernés, c’est-à-dire les salariés du secteur
Mortensen et Pissarides (1994), concluent de privé – perçoivent la sécurité et la protection de
façon récurrente que l’économie décentralisée l’emploi. Ces thèmes ressurgissent assez régu-
aurait, en réalité, tendance à ne pas supprimer lièrement dans le débat public français, notam-
assez d’emplois, et que la protection de ment à travers la question de « l’insécurité
l’emploi – qui accentue cette tendance – serait sociale » posée régulièrement au fil de
donc un outil de politique économique ineffi- l’annonce de plans sociaux. L’expression par
cace. Elle pourrait, par exemple, réduire la les citoyens d’un sentiment fort d’insécurité de
capacité des entreprises à s’adapter à un envi- l’emploi à l’occasion de ces débats est de nature
ronnement qui évolue très rapidement sous à orienter les choix du législateur. Il est donc
l’effet de la mondialisation, des nouvelles tech- important d’essayer de comprendre ce qui gou-
nologies et des changements organisationnels verne la formation de ce type de sentiment, et
qui en résultent. Des contributions récentes d’analyser la façon dont il est lié à la politique
viennent, cependant, nuancer ces conclusions, économique.
avançant que certaines dispositions relatives à
la protection de l’emploi permettent de corriger
le fait que les entreprises n’internalisent pas 1. L’analyse théorique des effets agrégés de la protection de
l’emploi a d’abord fait largement usage de modèles de demandecertains éléments du coût social des licencie-
de travail dynamique. Aujourd’hui, le cadre très majoritairement
ments dans leurs décisions privées (cf. en parti- adopté pour cette analyse est le modèle d’appariement de
Mortensen et Pissarides (1994), qui présente l’avantage de don-culier Cahuc et Jolivet, 2003 ; Blanchard et
ner une représentation explicite, maniable et crédible des fluxTirole, 2004). Dans ce dernier cadre, l’équilibre d’emplois et de travailleurs. On trouvera une présentation récente
et complète de la littérature théorique sur la protection dede marché ferait apparaître trop de licencie-
l’emploi dans Cahuc et Zylberberg (2001).ments par rapport à ce qui serait souhaitable du
2. Voir par exemple Addison et Texeira (2003) pour une revue de
point de vue de la collectivité, et taxer les licen- la littérature empirique sur la protection de l’emploi.
42 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 372, 2004Partant de données subjectives de satisfaction sentiment exprimé par les individus vis-à-vis de
au travail (3), on construit trois indicateurs du la sécurité de l’emploi qu’ils occupent à des cri-
« sentiment de sécurité de l’emploi » pour une tères objectifs (Campbell et al., 2001 ; Green
vingtaine de pays de l’OCDE. Ces indicateurs et al., 2000 ; Manski et Straub, 1999 ; OCDE,
sont ensuite reliés à une mesure de la « rigu

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