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01 janvier 1998
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M. Gilbert Guillaume
L'introduction et l'exécution dans les ordres juridiques des États
des résolutions du Conseil de sécurité des Nations-Unies prises
en vertu du chapitre VII de la Charte
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 50 N°2, Avril-juin 1998. pp. 539-549.
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Guillaume Gilbert. L'introduction et l'exécution dans les ordres juridiques des États des résolutions du Conseil de sécurité des
Nations-Unies prises en vertu du chapitre VII de la Charte. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 50 N°2, Avril-juin
1998. pp. 539-549.
doi : 10.3406/ridc.1998.1176
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1998_num_50_2_1176R.I.D.C. 2-1998
IV.A
L'INTRODUCTION ET L'EXÉCUTION
DANS LES ORDRES JURIDIQUES
DES ÉTATS DES RÉSOLUTIONS
DU CONSEIL DE SÉCURITÉ
DES NATIONS UNIES PRISES
EN VERTU DU CHAPITRE VII
DE LA CHARTE
Gilbert GUILLAUME *
1. Dans le présent rapport seront en premier lieu examinées, de
manière générale, les relations entre droit international et droit interne
français. Les solutions ainsi dégagées seront ensuite appliquées aux déci
sions unilatérales des organisations internationales, avant que soit abordée
la question des résolutions du Conseil de sécurité.
I. LES RELATIONS ENTRE DROIT INTERNATIONAL
ET DROIT INTERNE FRANÇAIS
2. Il est communément admis que le droit français consacre une
conception moniste des rapports entre droit international et droit interne
et assure la suprématie du premier sur le second.
1. Le droit conventionnel
3. En ce qui concerne les traités et accords, cette suprématie prend
des formes différentes, selon que l'on considère les rapports de ces engage-
* Juge à la Cour internationale de Justice. 540 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1998
ments internationaux avec la Constitution, la loi ou les décisions de l'Exéc
utif.
4. L'article 54 de la Constitution précise tout d'abord que l'autorisa
tion de ratifier ou d'approuver un traité ou accord comportant une clause
contraire à la Constitution ne peut intervenir qu'après révision de cette
dernière. Le Conseil constitutionnel peut de ce fait être amené à statuer
sur la conformité des traités et accords avec la Constitution selon les
procédures fixées par celle-ci en ses articles 54 (demande d'avis l) et 61
(saisine à l'occasion de l'examen du projet de loi autorisant la ratification
ou l'approbation du traité ou accord). En revanche, une fois ce dernier
entré en vigueur, le Conseil constitutionnel ne s'estime pas compétent
pour contrôler par voie d'exception la constitutionnalité d'une convention
à l'occasion d'une saisine relative à une loi ultérieure. En outre un particul
ier n'est pas recevable à demander au juge judiciaire ou administratif
d'écarter l'application d'une convention au motif que celle-ci serait cont
raire à la Constitution 2.
5. L'article 55 de la Constitution dispose par ailleurs que « les traités
ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord
ou traité, de son application par l'autre partie ».
Ce texte consacre expressément la supériorité en droit interne français
du traité sur la loi. Cette supériorité implique cependant que soient remplies
trois conditions.
a) La convention doit avoir été « régulièrement ratifiée ou approu
vée ». Mais les tribunaux se bornent à constater l'existence même de la
ratification ou de l'approbation et se refusent à apprécier la régularité de
cette ratification ou approbation 3.
b) La convention doit avoir été « publiée » au Journal officiel de la
République française. Mais le Gouvernement est tenu de procéder à une
telle publication pour toute convention de « nature à affecter par son
application les droits et obligations des particuliers » (article 3 du décret
du 14 mars 1953 modifié par décret du 11 avril 1986).
c) La convention doit enfin être appliquée par l'autre partie 4.
Conformément à la jurisprudence internationale 5, les tribunaux ont
en outre décidé que seules les stipulations conventionnelles ayant un
caractère auto-exécutoire (« self-executing »), c'est-à-dire créant des droits
1 Cette procédure a été utilisée à cinq reprises : décision du 19 juin 1970 du Conseil
constitutionnel sur les ressources propres de la Communauté économique européenne ; déci
sion des 29-30 déc. 1970 concernant l'élection du Parlement européen au suffrage universel ;
décision du 29 mai 1985 portant sur le protocole additionnel à la Convention européenne
des droits de l'homme relatif à l'abolition de la peine de mort ; décisions des 9 avril et
12 sept. 1992 concernant le Traité de Maastricht.
* Cour de cassation, en. crim., 27fév. 1990, Bulletin n° 96, p. 251.
3 Conseil d'État, 5 fév. 1926, Dame Caraco, Recueil, p. 125.
4 Selon la jurisprudence, l'absence de réciprocité rend inapplicable l'engagement inter
national (v. Conseil d'État, Ass., 29 mai 1981, Rekhou, Recueil p. 220 ; Cour de cassation,
ch. crim., 29 juin 1972, Maies, Bulletin, p. 595).
5 Affaire de la Compétence des tribunaux de Dantzig, C.P.J.I. 1928, série B — n° 15,
p. 18. GUILLAUME : ÉTATS ET RÉSOLUTIONS DE L'ONU 541 G.
et des obligations dans le chef des particuliers, peuvent être invoquées
par ces derniers devant le juge 6.
Dans la pratique, les trois premières conditions prêtent rarement à
discussion. En revanche, il peut être plus délicat de distinguer dans une
convention les simples engagements interétatiques et les normes auto
exécutoires 7.
Par ailleurs, si les tribunaux ont toujours reconnu la supériorité des
traités sur les lois antérieures contraires, ils ont hésité pendant longtemps
à se déclarer compétents pour faire prévaloir ces mêmes traités sur les
lois postérieures. Le pas a cependant été franchi maintenant et tant la
Cour de cassation que le Conseil d'État se refusent à appliquer toute loi,
quelle qu'en soit la date, incompatible avec un traité. Ce dernier prévaut
et la solution s'impose, qu'il s'agisse de conventions internationales ou
de règlements communautaires. Les uns et les autres l'emportent sur la
loi8.
6. En ce qui concerne enfin les décisions prises par le Président de
la République ou le Gouvernement, la jurisprudence est ancienne et const
ante. Ces décisions peuvent être annulées par le juge de l'excès de pouvoir
par voie d'action si elles sont contraires à un traité. De plus, le traité
peut être invoqué par voie d'exception pour écarter l'application de déci
sions prises contrairement à ses stipulations. Cette solution vaut même
si la décision de l'exécutif pourrait à première vue trouver une justification
dans la loi, dès lors que cette dernière est incompatible avec les engage
ments internationaux invoqués 9.
Au total, les accords et traités visés à l'article 55 de la Constitution,
dès lors qu'ils contiennent des clauses « auto-exécutoires », peuvent être
invoqués devant le juge administratif et devant le juge judiciaire. Ils
peuvent même être invoqués devant le Conseil constitutionnel agissant
6 V. par exemple, Conseil d'État, Ass., 8 mars 1985, A. Garcia Henriquez, Recueil,
p. 70. 7 C'est ainsi que la Cour de cassation a jugé que la Convention des Nations Unies
sur les droits de l'enfant du 26janv. 1990 était dépourvue d'effet direct en droit français
(Cour de cassation, lre ch. civ. 10 mars 1993, Lejeune, Dalloz 1993, p. 361 ; Ch. soc, 13 juill.
1994, CPAM de Seine-et-Marne c. Ponnan et autres, Dalloz 1995, p. 91), alors que le
Conseil d'État examine un à un chacun des articles de cette Convention pour déterminer
s'il présente un caractère auto-exécutoire (pour l'article 9, v. Conseil d'État, 29 juill. 1994,
Préfet de la Seine maritime, Recueil, p. 954 ; pour les articles 12 et 14, 3 juill. 1996 (non
publié) ; pour l'article 16, De Mirpence, 10 mars 1995, Recueil, p. 610 ; pour les articles 24,
26 et 27, GI