Veux-tu me conter ton histoire ?
246 pages
Français

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Description

Depuis toujours, d’innombrables ouvrages célèbrent les féeries africaines, la nature enchanteresse, les prodigieux couchers de soleil, la faune mythique, les immenses forêts gorgées de sève, où bruissent des oiseaux de toutes les couleurs... Toutefois, ce merveilleux décor possède son envers. Dans le monde des affaires, l’Afrique est surtout considérée comme un gigantesque centre commercial.
Au sein de multiples comptoirs implantés par d’opulentes sociétés internationales, des employés « à peau claire », englués dans la chaleur visqueuse, travaillent à longueur de jour en qualité d’agents comptables, boutiquiers, magasiniers...
Parmi eux vivent certains jeunes gens romanesques qui, sur la foi d’un contrat mirifique, ont débarqué en toute confiance sur le sol africain pour y vivre de riches aventures. Loin des féeries susdites, ils se heurtent rudement à la réalité nue...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332698872
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-69885-8

© Edilivre, 2014
Du même auteur
Du même auteur :
– Jacobello Del Fiore – Ed. Privat – 2006
– Histoire de José B. – Ed. Golias – 2009
– Aventures en Castille du jeune Miguel de Cervantès – Ed. Golias – 2011
– Le livre de Canaan – Ed. Golias – 2012
– Rose Claire Lacombe – Edilivre-Paris – 2013
A vingt ans, frappé par un deuil cruel, je suis parti en Afrique noire dont la couleur convenait à mes états d’âme.
En quête d’un emploi suffisamment rémunéré pour subvenir à mes besoins, je fis la connaissance de la COCOBAKOU ( Co mpagnie Co mmerciale du Ba s- Kou ilou). Ses dirigeants recherchaient un jeune Français habile de ses mains et susceptible de prendre en charge l’entretien général du comptoir de Port-Seguso.
J’occupais ce poste depuis un semestre quand le directeur, monsieur Bussolini, nous signala l’arrivée d’Eddie Prohat…
1 Un être inimaginable
Lors de la venue d’un nouveau au comptoir de la COCOBAKOU, la consigne voulait que la dizaine de jeunes gens, qui composait l’effectif européen, s’offrît une soirée de détente. Monsieur Bussolini l’exigeait pour resserrer nos liens confraternels.
L’organisation des réjouissances ne fut pas une partie de plaisir. Plongé dans la touffeur tropicale, paralysé par l’observance des routines, aucun de nous ne savait plus faire la fête. Hermann Dugonnet, homme de l’Est et responsable du service des transports, mit un point final aux palabres. Le gros buveur de bière, qui cachait le regard de Caïn sous des verres fumés, fouilla dans ses archives et proposa le programme qu’il avait jadis mis au point pour la réception de Robert Ebauby.
Hirsute, débraillé, largement trentenaire, l’Alsacien évoqua à nouveau l’inoubliable bamboula en se tordant de rire. Perplexe, je l’écoutai. Je suis Robert Ebauby et j’ignorais que ma venue eût procuré tant de satisfaction.
A la sortie de l’aérodrome, Bamoizot m’attendait dans la camionnette affectée au transport de la morue séchée. Le crâne poli à la pierre ponce, Bamoizot était l’ingénieur chargé des travaux neufs et de l’entretien général. Il se présenta aussi comme le meilleur cascadeur poids lourds de la côte Ouest et entendit me le prouver. Au hasard des rues, il roulait en dépit du bon sens et fonçait sur la foule, en avouant son faible pour les aveugles et les paralytiques.
Dans la fournaise de la fin de journée, il ne m’épargna aucun des charmes de Port-Séguso : la plage minée, la darse aux murènes et l’asile psychiatrique bourré d’opposants au régime. Sous le regard des miradors, on emprunta la route interdite, qui bordait la frontière angolaise. Quelques giclées de mitraillettes furent saluées à grands coups de trompe. Afin que la visite fût complète, mon guide fit un détour par le village indigène et stoppa devant la case de Mama Trou, la culottière patentée de la Compagnie.
Bamoizot m’expliqua que, selon le rite, chaque recrue de la COCOBAKOU passait dans les mains de l’aïeule. Jadis, quand elle étiquetait des ballots de cotonnade, le feu se déclara dans son hangar. Mama Trou harangua les négrillonnes qui transpiraient sous son coupe-coupe. Du brasier, elles sortirent des tonnes de tissus et sauvèrent la société de la faillite. Depuis, en souvenir de cet exploit, la Direction réservait à l’héroïne la fabrication des flottants du personnel.
Bamoizot me poussa vers la glorieuse cousette au cuir défraîchi. Le sourire de l’ancêtre dévoilait une quenotte unique. Ebloui par le vestige, je prêtai peu d’attention aux gestes de la professionnelle. Elle dégrafa ma ceinture pour définir la taille, fit glisser le pantalon sur les genoux, pour déterminer la rondeur des cuisses. Toujours souriante, elle me pria d’écarter les pieds. Alors, telle une pieuvre, sa main putassière fondit sur sa proie. Emprisonnant les testicules, la vieille maquerelle investit l’ensemble de l’appareil, en glapissant comme une sage-femme : « C’est un garçon. »
En remontant dans la camionnette, Bamoizot m’enjoignit de laisser libre la place du mort pour monsieur Romarin, le chef des Marchandises Générales. Au point de rendez-vous, j’aperçus un vieillard à barbe blanche, tordu comme un pied de vigne. Ecroulé sur une borne, il paraissait attendre le camion-balai. Sur ordre, je le hissai à bord. Bamoizot me glissa à l’oreille : « Trente ans de séjour. Autant d’absinthe. Irrécupérable ! »
Romarin eut l’ombre d’un sourire. Il souleva une paupière. « Vous êtes le nouveau ? dit-il. Attention à la déshydratation. N’oubliez pas de boire ! » Puis, il ronfla jusqu’à la gare d’autobus. On le mit dans le car de Dolosie, un bourg en brousse où il terminerait sa tournée d’inspection des boutiques. Après son départ, Bamoizot m’entraîna à l’assaut d’un tertre de rocaille, haut comme un monument aux morts. Sur le sommet, il salua, tel un nazi, une plantureuse bâtisse entourée de hangars. « Fini de rire, camarade ! aboya-t-il. Voici la COCOBAKOU. »
En passant le porche, je crus lire sur le fronton : « Le travail par la joie » en lettres gothiques. Je me frottai les yeux. Mon esprit, déjà, me jouait des tours. Je ne sais pas lire le gothique. Le long d’un couloir, Bamoizot me fit courir, la valise sur l’épaule, et me poussa dans une cabine de douche, en m’ordonnant de ne pas lambiner. A peine commençais-je de me rafraîchir que strida la sonnerie du dîner. Mal essoré, je choisis une tenue de saison : pantalon de toile et chemise légère. En entrant dans la salle à manger, je crus m’être trompé de planète.
Autour d’une table fleurie, richement damassée, de jeunes lords devisaient gravement avec l’accent de la City. Rasés, parfumés, aussi fringants que le vice-roi des Indes, ils portaient smoking, papillon noir et escarpins vernis. Un boy servait en gants immaculés. Yamba, le cuisinier, arborait une toque du Klu-Klux-Klan. A ma vue, le groupe détourna la tête avec dégoût. L’un d’eux me pria d’aller rectifier ma tenue ou de me restaurer ailleurs. Mortifié, je me hâtai vers ma valise pour y prendre une cravate et un complet veston. Revêtu chaudement, je les trouvai, à mon retour, nus comme des lombrics. Hilares, ils me souhaitèrent un bon appétit, à grandes claques dans le dos…
Par acclamations, le plan Ebauby fut accepté et chacun se réjouit de se gausser bientôt aux dépens d’Eddie Prohat.
Le soir de son arrivée, Dugonnet distribua les costumes loués chez le fripier Boulou et fils. L’ensemble des commis s’empaqueta dans ces habits d’enterrement. Nous ressemblions tous à des maffiosi. La salle à manger étincelait. Dans la chaleur infernale, nous mourions de soif.
Après le troisième apéritif, Bamoizot fit irruption.
– La soirée est fichue, dit-il, essoufflé. On arrête tout. Je rentre de l’aéroport. L’avion avait une heure de retard. Prohat n’était pas dans l’appareil. Il serait descendu à l’escale de Kinshâville. On ne l’a pas revu…
On se débarrassa aussitôt des défroques qui collaient à la peau. L’ordre de servir fut donné à Yamba. Le potage bouillant fut avalé dans un silence froid. Mayoyone, un rouquin qu’on appelait Fleur de Maïs, osa poser la question qui lui brûlait les lèvres. Il s’inquiétait de savoir si monsieur Bussolini était déjà au courant. Bamoizot répondit qu’en passant devant le bureau du patron, il avait vu de la lumière. Zélé, il se précipita pour donner la nouvelle.
Très pâle, je reposai ma serviette. La défection de Prohat me reléguait au poste inconfortable du dernier arrivé à la COCOBAKOU. A ce siège à haut risque, le pourcentage de déchet restait très élevé. De toutes ses forces, monsieur Bussolini haïssait chaque nouvelle recrue. Il affirmait que l’imbécile, par son inexpérience, attirait le malheur sur la Compagnie. Pour conjurer le sort, monsieur Bussolini le poursuivait, le bousculait, en l’injuriant sans cesse. Dégoûté, certain demandait à reprendre l’avion ou le prochain bateau. Dans l’attente de son remplacement, Bussolini rassemblait son équipe. « Messieurs, proclamait-il, je vous exprime ma fierté. Seuls, ceux qui ont le courage d’admettre mon amicale pression, sont dignes d’émarger sur mon rôle de paye. Je vous prédis une grande carrière dans les pays chauds, si vous vous pénétrez de la simplicité de mon Evangile. De la sueur, du sang, jamais de larmes ! »
Remonté en première ligne sous le regard du dictateur, je tentais de refouler les miennes. Tandis que j’entrevoyais mes fins dernières, le groupe débattait du destin d’Eddie Prohat. Bénézet, un saint homme, ancien Père Blanc reconverti dans la gestion financière, craignait qu’il ne lui fût arrivé malheur. Dans une république aussi populaire que le Kouilou, un être humain n’osait pas disparaître de son plein gré. Plût au Ciel que Prohat n’eût laissé aucune trace ! Dès l’aube blême, monsieur Bussolini lancerait à sa recherche la maréchaussée locale. Sous les godillots à clous, les retrouvailles seraient saignantes…
– Bonsoir, Messieurs ! lança une voix claire.
Un grand garçon pénétra, d’un pas vif, dans la salle à manger. Brun, la touffe ébouriffée, il avait un visage rond, un regard gamin, l’allure d’un adolescent en pleine croissance. Il jeta son sac de voyage dans un coin et, la main tendue, fit le tour de la table. Délibérément, il s’assit à une place vide et, d’un geste, héla le serveur.
– Vous resterait-il, monsieur, quelques os à ronger ? Je vais tâcher de combler mon retard.
D’autorité, comme s’il nous avait quittés la veille, Prohat nous fit le récit de son aventure.
Vers midi, l’avion avait atterri à Moyeu-Moyeu, l’aéroport de Kinshâville. Les passagers furent prévenus que, pour des raisons techniques, le vol vers Port-Séguso était retardé. L’annonce enchanta Prohat. Plutôt que de rissoler comme u

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