Savoir attendre : Pour que la vie change
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Description

« Qu’est-ce qui guérit, qu’est-ce qui fait changer ? C’est la nature, disaient les anciens, c’est la force de la vie. Alors la seule question est : comment piéger la vie, comment la faire venir ? » François Roustang pousse plus loin sa description des conditions du changement. Face au mal-être, il propose un cheminement paradoxal : dans le voisinage de nos souffrances extrêmes et que nous croyons intimes, laisser surgir, malgré nos peurs, d’autres ressources en nous, faire confiance à l’expérience du sentir, qu’on vit notamment dans l’hypnose, pour passer de la souffrance à un art de vivre. Voici donc comment, enfin, « laisser la vie multiforme nous conduire ». François Roustang est l’un de ceux qui, en France et depuis plus de vingt ans, s’interrogent avec le plus de force critique sur le sens et les mécanismes de la relation thérapeutique. Cela l’a amené à redécouvrir la fécondité de l’hypnose pour produire un changement profond. Il est notamment l’auteur d’Influence, de Qu’est-ce que l’hypnose ?, de Comment faire rire un paranoïaque, de La Fin de la plainte et d’Il suffit d’un geste.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 avril 2006
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738188793
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

François ROUSTANG
SAVOIR ATTENDRE
Pour que la vie change
 
Du même auteur chez odile jacob
Comment faire rire un paranoïaque , 1996 ; « Poches Odile Jacob », 2000.
La Fin de la plainte , 2000 ; « Poches Odile Jacob », 2001.
Il suffit d’un geste , 2003, « Poches Odile Jacob », 2004.
© Odile Jacob, mars 2006 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-8879-3
www.odilejacob.fr
Table

Prologue
1. Laisse s’opérer le changement
De quoi avez-vous peur ?
Basculement ou levier
Point d’appui
Le chat qui se repose
À quoi sert l’hypnose
Indifférence à la guérison ?
2. Indifférence au succès
Qu’est-ce qu’une psychothérapie ?
Exercice de l’impuissance
Impersonnalité
Je ne suis que ce que je sens
3. Laisse ta souffrance prendre sa place
Le refus de l’événement
Accepter ?
Affronter ?
Faut-il souffrir pour savoir ?
Attention
Sérénité
Silence
4. Le savoir disparu dans l’action
Renoncer au pourquoi
Renoncer au psychisme
Le golfeur qui ne réfléchit plus
Clarté aveugle
Vigilance, négligence
5. Cesser de réfléchir
À côté du problème
Comment suspendre la pensée
Le lieu qui pense
Laisser se faire
Le réel qui n’est pas là
Le renversement
6. L’hypnose : pratique aveugle ?
Je veux comprendre
Multiplicité des interprétations
L’illusion du sens
Pourquoi l’hypnose ?
L’idiotie
Mise en mouvement
Aveugle et transparente
7. Une relation dans le champ sensoriel
Transe
Moins qu’humain ?
Ouverture
Il n’y a pas de relation
8. Théorie autodégradable
9. Laisse-le exister
Disponibilité
À distance
Modification
Spécificité ?
Chamanisme ?
10. Faire dégorger les escargots dans le sel
« Das ewige Geltenlassen, das Leben und Lebenlassen. »
 
G OETHE , Dichtung und Wahrheit , ch. 18, cité par Charles Du Bos dans ses Approximations qui traduisait ainsi : « L’éternelle propension de Goethe à laisser chaque chose, chaque être avoir cours selon sa valeur propre, à vivre lui-même et à laisser vivre autrui. »
 
« Dazu gehört dass der Mensch mit Geist, Herz und Gemüt, kurz in seiner Ganzheit, sich zur Sache verhält, im Mittelpunkt derselben steht und sie gewähren lässt. »
 
« Il faut que l’homme, avec son esprit, son cœur, son âme, bref, dans sa totalité, se rapporte à la chose, se tienne au milieu d’elle et la laisse faire. »
 
H EGEL ,
Encyclopédie des sciences philosophiques ,
addition au § 449.
 
« Lass dich die Bedeutung der Worte von ihren Verwendungen lehren. »
 
« Laisse l’emploi des mots t’enseigner leur signification. »
 
W ITTGENSTEIN , Recherches philosophiques ,
II, xi.
 
Prologue
 

« Attendre, se rendre attentif à ce qui fait de l’attente un acte neutre, enroulé sur soi, serré en cercles dont le plus intérieur et le plus extérieur coïncident, attention distraite en attente et retournée jusqu’à l’inattendu. Attente, attente qui est le refus de rien attendre, calme étendue déroulée par les pas. »

  Maurice B LANCHOT , L’Attente, l’oubli .
– Tu peux m’expliquer ton métier ?
– Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu viens chez moi pendant les vacances, tu me vois toujours descendre dans mon bureau. Pourquoi tu me demandes ça aujourd’hui ?
– La professeur de français nous a expliqué hier le mot psychologie. À propos de Madame Bovary. Elle nous a dit que cela venait du grec, que c’était l’étude de l’âme, de l’âme humaine. C’est quelque chose comme ça que tu fais ?
– Flaubert ne serait pas très content que l’on utilise ce mot pour parler de son héroïne. Moi, je ne l’emploie pas à propos de mon travail, parce que cette pseudoscience est une invention récente de notre culture pour justifier son exaltation de l’individu. Je crois que le mot « psychologie » a été créé ou mis en valeur par Condillac qui voulait remplacer l’astrologie par l’analyse des sentiments.
– Alors, tu voudrais réhabiliter l’astrologie toi aussi ?
– Oh non ! Je pense juste que la psychologie n’existe pas parce que l’âme ou la psyché ou le psychisme n’existent pas. Il n’y a pas d’âme sans corps et pas de corps sans rapport à l’espace et à l’environnement. « Le corps humain est la meilleure image de l’âme humaine. » C’est Wittgenstein qui dit cela. C’est du corps qu’il faut s’occuper, pas du corps vu par la médecine scientifique, mais du corps qui parle, qui se meut, qui s’émeut.
– Mais c’est bien quelque chose d’étudier ses pensées, ses sentiments, ses émotions ? C’est bien quelque chose de les considérer, de les dire, de les analyser ? La littérature en est pleine.
– Tu as raison. Enfin, peut-être pas… Comment les dramaturges et les romanciers nous font-ils entrer dans les pensées et les sentiments de leurs personnages ?
– En les formulant.
– Je ne crois pas. Ils font vivre leurs personnages sous nos yeux. Ils nous montrent comment ils marchent, comment ils causent, comment ils se comportent. Pense à Phèdre. Comment nous fait-elle savoir son trouble intérieur ? « Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent, quelle importune main… » Pense à Fabrice à Waterloo. Tout Stendhal, c’est du cinéma, et le plus souvent du cinéma muet. Et l’inspiration selon Faulkner. Il nous dit que Le Bruit et la Fureur a été écrit à partir d’une image : la petite culotte de Quentin aperçue lorsqu’elle est montée dans l’arbre.
– Bon, mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de corps dans ton travail ? Si tu ne veux pas de la psychologie, par quoi tu la remplaces ?
– Il ne s’agit pas de la remplacer, mais de faire tout autre chose.
– Mais quoi ? Tu ne veux plus t’occuper des états d’âme des gens qui viennent te voir ?
– Je vais te raconter une petite histoire. Il s’agit d’une jeune fille qui a fait une longue thérapie. Elle s’est plainte de ses petits et grands malheurs pendant des mois, voire des années. Un jour, elle s’est trouvée beaucoup mieux et a décidé de mettre un terme à ces rencontres. Comme la thérapeute lui demandait ce qui, à ses yeux, avait été décisif pour opérer son changement, elle avait répondu : « Parce que dès le début vous ne m’avez pas écoutée. » Grand étonnement de la thérapeute qui écoute ses patients avec beaucoup d’attention et de respect. Ensuite elle a compris : à aucun moment, elle n’avait pris au sérieux les misères et les interminables explications de la jeune fille. Elle attendait autre chose, elle attendait que toutes ces récriminations passent à la trappe.
– S’il suffit de ne pas écouter les plaintes, de ne pas prendre au sérieux les peines et les dires, d’être à la limite de la désinvolture, ce ne doit pas être un métier trop difficile à pratiquer. Tu ne me feras pas croire que c’est à cela que tu passes des heures et des journées.
– Détrompe-toi. Il faut un long apprentissage pour rester attentif à quelqu’un qui s’égare dans des propos inutiles, qui tourne sans se lasser autour des questions qui empoisonnent son existence pour éviter de les aborder, qui ne peut ou ne veut pas voir ce qui lui crève les yeux ou qui, l’ayant vu, s’empresse de lui tourner le dos. C’est comme attendre patiemment que la tempête se calme pour pouvoir reprendre la mer. Une façon d’écouter et d’être là qui dissout les graisses de nos propos pour n’en laisser subsister que la bonne chair.
– Je ne comprends pas bien ce que tu fais. Il me semble que tu invites à la passivité. Tu parles de rester attentif, d’attendre patiemment, d’être là. Je ne vois vraiment pas comment cela pourra en quoi que ce soit aider ceux qui viennent te voir.
– D’accord. Cela peut donner une impression de passivité. C’est vrai que l’attente, par exemple celle du spectateur, qui n’est nullement impliqué dans le spectacle, est passive. Elle n’a pas d’influence sur ce qui se passe sur la scène (encore qu’un parterre désabusé ou enthousiaste ne puisse pas manquer d’avoir un effet sur les acteurs). Mais il y a une autre attente, celle qui mobilise les forces et les rend disponibles. Marcel Mauss, le grand ethnologue, que certains croient avoir dépassé, faisait de l’attente la clef de la compréhension de ce qu’il nommait l’homme complet ou l’homme total. L’attente était pour lui aux confins d’une multitude de phénomènes physiologiques, psychologiques, sociaux, économiques, politiques. Elle les rassemble et les anime.
– Si je comprends bien, par ton attente paisible, sans rien dire et sans rien faire, tu mobiliserais les forces du patient et les lui rendrais disponibles, les mettrais à sa disposition. C’est très beau, mais c’est tout de même un peu mystérieux.
– Qu’est-ce que tu trouves là de mystérieux ? C’est ni plus ni moins mystérieux que d’autres phénomènes humains ; ce n’est pas plus mystérieux que l’amour, la haine, la jalousie, etc. La seule différence, c’est que nous ne nous y attardons pas, que nous ne nous y exerçons pas. Un ami me disait l’autre jour qu’attendant le métro ou le bus il s’apprenait à attendre, ne cherchant pas à se distraire de l’attente en prenant un journal ou un livre, ne faisant rien d’autre que d’attendre. Il s’agit d’une attente sans contenu. On n’attend rien, on attend tout simplement. On devient attente.
– Je ne vois tout de même pas l’intérêt d’un tel exercice. Quand on attend sans pouvoir rien faire d’autre, il nous est normal, par exemple, de penser à un projet et de l’élaborer quelque peu.
– Pourquoi pas ? Mais ce n’est pas de cela que je veux parler. L’attente dont je parle est faite pour créer un état de disponibilité, pour nous mettre en état de souplesse à l’égard des choses, des personnes ou des événements. Plus précisément, lorsqu’il s’agit d’une attente en présence d’un patient, c’est comme si, à force d’attendre tout et n’importe quoi, on le décantait. L’anecdotique qui l’encombre laisse place à la clarté, à quelque chose de fluide qui l’habite tout entier.
– Attends, je vais essayer de faire ce que tu dis. Tiens, j’ai dit « Attends », ça veut dire quoi ?
– Ça veut dire au moins que tu m’écartes, que tu veux que je te laisse faire toute seule.
– Alors je ne fais rien ? J’attends seulement, mais je n’attends rien ? Co

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