Retour à la vie : Quinze ans d’anorexie
90 pages
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Retour à la vie : Quinze ans d’anorexie , livre ebook

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Description

Marta Aleksandra Balinska est une rescapée. À 23 ans, elle ne pèse que 26 kilos. Après quinze années de souffrance, de combat contre la maladie, mais aussi contre les traitements qu'elle subit, inadaptés et souvent inhumains, elle s'en sort. Aujourd'hui, elle témoigne. Pour dénoncer la brutalité, les préjugés dont les anorexiques sont victimes, elles qui sont souvent considérées comme complaisantes face à leur mal. Et pour redonner espoir. Marta Aleksandra Balinska est actuellement chercheur en santé publique chez Aventis-Pasteur. En 1996, le Grand Prix littéraire du Medec a couronné son précédent livre Une vie pour l'humanitaire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2003
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738185990
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marta Aleksandra Balinska
RETOUR À LA VIE
Quinze ans d’anorexie
Postface Entretien avec Stanislaw Tomkiewicz
© Odile Jacob, janvier 2003 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-8599-0
www.odilejacob.fr
Table

Chapitre premier. POURQUOI J’ÉCRIS
Chapitre II. LES PREMIERS SIGNES DU MAL
Chapitre III. LE VERDICT
Chapitre IV. LA CHUTE
Chapitre V. L’ENFERMEMENT EN HÔPITAL PSYCHIATRIQUE
Chapitre VI. DES APPELS À L’AIDE DÉSESPÉRÉS
Chapitre VII. NOUVELLE HOSPITALISATION, NOUVEL ÉCHEC
Chapitre VIII. LA SOUFFRANCE INEXPRIMÉE
Chapitre IX. À LA RECHERCHE D’UNE IDENTITÉ
Chapitre X. LE TOURNANT
Chapitre XI. DES RENCONTRES INATTENDUES
Chapitre XII. ESPÉRANCES DE VIE
Chapitre XIII. RÉFLÉCHIR SUR L’ANOREXIE
Postface. Entretien avec STANISLAW TOMKIEWICZ
REMERCIEMENTS
Mais moi, je suis né et je viens
  D’un blanc, d’un chantant jardin,
D’une vallée, d’un bosquet, d’une rivière
  Étrangère.
On peut me rejeter de ces terres,
On peut me barrer le retour,
  On peut me chasser au-delà des clôtures,
    M’effacer des vivants, m’exclure,
  Mais comment peut-on m’interdire
    Le désir ?

  Stanislaw Balinski (1898-1984)
[traduit du polonais par l’auteur].
 
Je dédie ce livre à ma mère
qui n’a jamais désespéré.
 
Chapitre premier
POURQUOI J’ÉCRIS
Je suis une rescapée. Après une quinzaine d’années d’anorexie mentale aiguë, j’en suis sortie. Je ne dirai pas : je m’en suis sortie, car je suis incapable de savoir si l’amélioration de mon état est due à des interventions, à des actions de ma part ou si elle s’est faite d’elle-même par un processus « chimique » que j’ignorerais. Pourtant, il y a une dizaine d’années j’étais, aux yeux de tous, une anorexique chronique courant malgré moi vers la mort puisque, à 23 ans, je ne pesais plus que 26 kg pour 1,65 m.
Une fois anorexique, l’est-on toujours ? L’anorexique, même « guérie », est-elle 1 toujours en rémission, comme l’alcoolique qui s’efforce de ne pas boire ? Personnellement, je ne me sens plus guettée par l’anorexie, je suis même convaincue que jamais plus je ne tomberai dans la spirale de l’amaigrissement aveugle. Mais le geste spontané de me nourrir, l’appétit naturel et la tolérance innée de mon propre physique sont sans doute perdus à jamais. Il serait de toute façon illusoire de penser que les cicatrices de quinze ans d’anorexie – morales, psychiques et physiques – puissent complètement disparaître. Comme toute maladie grave, l’anorexie quitte sa victime en lui laissant un certain handicap. En revanche, comme toute expérience qui nous amène aux portes de la mort, elle nous laisse un goût pour la vie et une jouissance de l’existence probablement bien plus prononcés que chez les autres.
J’estime que je suis une miraculée. Quand j’aperçois dans la rue des femmes d’âge mûr qui, visiblement, souffrent d’anorexie dans sa forme grave et durable, j’ai des frissons dans le dos et je me dis : « Ce pourrait être moi. » De même, quand je vois des jeunes filles dans le même état, je n’ose même pas penser au traitement qu’elles subissent, aux paroles qu’elles doivent entendre, à leur grande et terrible solitude dans une maladie si mal comprise, voire pas comprise du tout.
C’est avant tout pour elles que j’écris, car j’ai l’espérance – peut-être folle – qu’elles verront dans mon récit un éclairage de leurs propres problèmes.
Mais je n’écris pas uniquement pour elles. J’écris aussi pour leur entourage, pour ceux qui veulent les aider, les traiter. Et j’ai un objectif très précis en tête.
Je voudrais que ce livre serve à élargir le débat autour de l’anorexie mentale. Faisons preuve d’humilité et reconnaissons, pour commencer, qu’on ne comprend presque rien à cet état. Les théories sur ses origines sont légion ; les preuves n’existent pas. En l’occurrence, trop de « certitudes » font plus de tort que de bien et ne feront certainement pas avancer les recherches. Aussi, je m’oppose formellement au traitement le plus accepté de l’anorexie : le fameux « contrat » selon lequel l’anorexique accepterait d’être punie jusqu’à ce qu’elle atteigne un certain poids. Le plus souvent, ce système donne des résultats dans l’immédiat, mais qu’en est-il du moyen et du long terme ? A-t-on aussi réfléchi au fait que ce traitement est dépourvu d’humanité et détruit les règles de base de l’éthique médicale ?
C’est comme si tout était permis dès lors qu’il s’agit d’une anorexique : elle serait irresponsable, butée, menteuse… donc, il faut la manipuler avec force et sans pitié. Car, avouons-le, trop souvent il y a beaucoup d’agressivité et de mépris dans l’attitude des soignants envers l’anorexique. Pourquoi les méprise-t-on ? Parce que, quelque part, on ne peut pas se défaire de l’idée qu’elles ont choisi d’être anorexiques. Une anorexique n’est pas vue comme victime de sa maladie au même titre que ceux qui souffrent d’un état « purement » organique. Pourtant, je suis persuadée que c’est seulement en la considérant comme une malade comme les autres qu’on arrivera à un traitement intelligent et humaniste.
Dans ce livre, je présente l’histoire de ma lutte contre ce que l’on appelle l’anorexie mentale. À partir de ma propre expérience, je souscris à la thèse que l’anorexie est provoquée par un enchevêtrement très complexe de susceptibilités physiologiques et de troubles psychologiques allant bien au-delà de ses symptômes primaires (le manque d’appétit). Sur le plan symbolique, l’anorexie apparaît, pour moi, avant tout comme une quête d’identité dans un monde de souffrance, une espérance de vie si cruellement déçue que l’être se replie sur lui-même, se vide et, parfois, disparaît.
Certains pourront m’objecter que j’étais un cas « atypique » par ma conscience aiguë de ce qui m’arrivait, par ma haine de l’anorexie, même si j’ai été incapable de la surmonter pendant de longues années. Peut-être. Mais existe-t-il jamais un cas véritablement « typique » ? Et pour ceux que l’on considère comme l’étant, c’est-à-dire les anorexiques qui nient l’existence d’un problème, ne faudrait-il pas pouvoir trouver la clé d’entrée à leur logique, en apparence illogique, plutôt que de souligner ad nauseum leur égarement ? Il est vrai que celui qui n’est pas passé par l’anorexie ne peut comprendre l’anorexique, ne peut comprendre cet état étrange et foncièrement antinaturel qui s’est emparé d’elle, mais il peut tenter de comprendre ce qui l’a conduite à de tels extrêmes et, surtout, ce qui pourrait l’aider à sortir de son isolement.

  On croit se souvenir de son passé, mais les vagues du temps émoussent les épisodes les plus durs : sans mon journal intime, j’aurais été – même moi, « ex-anorexique » – incapable de restituer la profondeur de la souffrance entraînée par cette maladie. Ce journal est un témoignage : un témoignage de l’évolution d’une anorexie mentale, mais un témoignage aussi des différents traitements que j’ai subis, des paroles d’experts sur mon état… J’ose espérer que les nombreux passages que j’ai cités aideront à une meilleure compréhension de la mentalité anorexique – mentalité qui est rarement entièrement révélée à l’entourage en raison du caractère hermétique de cet état pathologique, mais aussi parce que beaucoup d’anorexiques ont appris à se méfier des autres.
Une meilleure compréhension de l’anorexie dans toutes ses manifestations – plutôt qu’une simple concentration sur le côté alimentaire – devrait pouvoir aider ceux qui sont concernés, directement ou indirectement, à appréhender cette maladie ; j’espère donc que l’analyse d’une anorexie vue de l’intérieur peut contribuer à cette tâche. J’irai même plus loin : une meilleure compréhension de l’anorexie pourrait conduire des médecins de famille, des professeurs et autres personnes s’occupant de jeunes à dépister les premiers stades de la maladie et à éviter, peut-être, à quelques-unes la souffrance qu’entraîne la pleine crise de l’anorexie. Il me semble évident, en tout cas, que plus l’anorexie est récente, plus il y a de chances de tirer l’individu hors de son mal.
Si des personnes souffrant aujourd’hui d’une anorexie trouvent dans les pages qui suivent les éléments d’une meilleure compréhension de leur propre état (car il faut connaître l’ennemi pour le combattre), j’aurai réussi dans ma tâche. Si, enfin, mon texte parvient à ouvrir une brèche dans le mur trop solide des préjugés sur l’anorexie, je serai entièrement satisfaite.
 

Note du chapitre premier
1 . Dans ce livre, je parlerai toujours de l’anorexique au féminin, par analogie à moi-même, tout en étant consciente que les hommes peuvent aussi souffrir de cet état. Les noms des personnes citées dans ce livre ont été volontairement omis ou modifiés sauf dans des cas exceptionnels.
Chapitre II
LES PREMIERS SIGNES DU MAL
Comment devient-on anorexique ?
Est-ce une maladie « comme les autres » ou se « laisse-t-on » inconsciemment entraîner dans l’anorexie ?
Le cliché veut que les futurs anorexiques soient des filles un peu rondelettes, influencées par la mode, qui se soumettent à un régime draconien pour plaire aux autres et en particulier aux garçons. Mais le cliché veut aussi que l’anorexie soit un rejet de la féminité. Entre ces deux concepts, il y a une certaine contradiction ; or la peur de l’homme, du masculin ne veut pas nécessairement dire rejet de la féminité. En ce qui me concerne, à 13 ou 14 ans, je ne suivais pas la mode, je n’avais jamais pensé à faire un régime ni à plaire aux garçons. Certes, j’étais coquette : je l’avais toujours été. Certes, je me plongeais dans les romans du XIX e  siècle et m’identifiais à leurs héroïnes, vivant intensément leurs histoires d’amour. Certes, la figure de la jeune femme pure qui sacrifie son bien-être pour une cause sublime m’attirait beaucoup, mais je n’étais aucunement séduite par les valeurs de mes contemporaines, surtout en Amérique, où je vivais à l’époque. Je ne les accompagnais pas dans les « booms », je ne me maquillais pas et je ne m’intéressais pas aux vêtements. Je me sou

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