Réflexions sur l’antisémitisme
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Description

L’antisémitisme réapparaît chaque fois qu’une société est fragilisée, dans son économie comme dans ses institutions politiques. Il est la maladie de nos sociétés démocratiques : il vise à en saper les fondements, à nier l’unité que la république entend instaurer entre les citoyens. De l’assassinat d’Ilan Halimi aux attentats de l’Hyper Cacher, en passant par les meurtres perpétrés par Mohamed Merah contre des enfants, ces actes de violence antisémite ont annoncé les attaques terroristes qui ont plus tard ensanglanté la France. Quelles réponses y apporter ? Comment s’en prémunir ? Le punir ou le prévenir ? Quelles raisons peuvent en effet expliquer la montée de l’intolérance et la remise en cause des principes républicains ? C’est à ces questions que s’attache cet ouvrage, qui réunit historiens et philosophes, mais aussi acteurs de terrain. À travers la question de l’antisémitisme, c’est une analyse de la situation actuelle de la France qui est ainsi donnée. Dominique Schnapper est membre honoraire du Conseil constitutionnel, auteur notamment de Travailler et aimer. Paul Salmona est directeur du Musée d’art et d’histoire du judaïsme. Perrine Simon-Nahum est philosophe et directrice de recherches au CNRS. Avec les contributions de Joëlle Allouche-Benayoun, Dan Arbib, Georges Bensoussan, Jean-Yves Camus, Danielle Cohen-Levinas, Emmanuel Debono, Vincent Duclert, Steven Englund, Bernard Godard, Valérie Igounet, Günther Jikeli, Laurent Joly, Marc de Launay, Jean-Pierre Obin, Philippe Oriol, Mgr Pierre d’Ornellas, Philippe Raynaud, Carole Reynaud- Paligot, Jean-Pierre Winter, Paul Zawadzki. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 octobre 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738159083
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , OCTOBRE  2016 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5908-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Avant-propos

Cet ouvrage reprend l’essentiel des contributions au colloque « L’antisémitisme en France –  XIX e - XXI e  siècle » organisé par le musée d’art et d’histoire du Judaïsme et la Bibliothèque nationale de France les 10, 11 et 12 mars 2016. Le projet de cette rencontre est né du besoin, par-delà les émotions du moment – marqué par les assassinats du Musée juif de Belgique en mai 2014, par l’agression de Créteil en décembre, puis par les tueries de janvier 2015 à Paris, et dès avant les événements de novembre 2015 et de juillet 2016 –, non pas de nous indigner ou de déplorer, mais de comprendre le nouvel épisode d’antisémitisme dont nous sommes aujourd’hui les témoins, en le replaçant dans une perspective de longue durée.
Depuis le tournant du XXI e  siècle, des chercheurs et des militants courageux ont dénoncé les nouvelles formes de l’antisémitisme et lutté contre le silence complice qui le dissimule. Notre projet était autre : nous avons rassemblé des historiens et des sociologues qui, à partir de leurs connaissances, nous aident à comprendre comment persiste et se renouvelle l’un des plus vieux récits de l’histoire européenne. Et, au-delà de la résurgence contemporaine de l’antisémitisme, il nous semblait important d’en cerner les spécificités françaises, trop souvent occultées par le nazisme.
Ce colloque a associé de nombreux partenaires auxquels nous exprimons notre reconnaissance : David de Rothschild, président de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, ainsi qu’Alice Tajchman, présidente de la commission « Histoire de l’antisémitisme et de la Shoah » de la Fondation, et Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, qui nous ont apporté un soutien financier décisif ; Sandrine Treiner, directrice de France Culture, qui a donné un large écho au colloque sur ses antennes, notamment dans les « Chemins de la connaissance » produits par Adèle Van Reeth ; Laurent Munnich, directeur d’Akadem, et son équipe, qui ont filmé l’ensemble du colloque.
Notre gratitude va également à Bruno Racine, président de la BNF, à Thierry Grillet, directeur de la diffusion culturelle, et à leurs collaborateurs, qui ont participé à l’organisation de ces journées, ainsi qu’aux équipes du mahJ, en particulier Corinne Bacharach, responsable de l’auditorium et de la communication, et Sophie Andrieu, son adjointe.
Anne Chapoutot en a préparé l’édition avec rigueur et passion. Qu’elle trouve ici le témoignage de notre reconnaissance.
Enfin nos remerciements vont à Odile Jacob et Bernard Gotlieb, qui ont accueilli cet ouvrage avec toute leur générosité.
Paul Salmona, Dominique Schnapper, Perrine Simon-Nahum
Introduction

Dominique Schnapper

L’ampleur de la littérature consacrée à l’antisémitisme a de quoi décourager le chercheur le plus consciencieux. Comme disait Pascal : « Je ne discute jamais du nom pourvu qu’on m’avertisse du sens qu’on lui donne. » Je m’appuierai ici sur les travaux ou les mises au point les plus récents, en particulier sur ceux de Pierre-André Taguieff 1 . Il fait partie de ces quelques-uns qui luttent pour que le phénomène ne soit pas annexé et dissous dans le combat désormais ritualisé, évidemment commun à tous, contre le racisme et l’islamophobie.

La critique du « nom »
Nous avons donné le titre d’« antisémitisme » à ces réflexions, comme d’ailleurs Taguieff l’a fait dans sa dernière mise au point, bien que nous connaissions la critique régulièrement et justement émise contre ce terme. Mais c’est celui qui est d’usage dans la vie publique et nous ne pouvons échapper à la nécessité de l’utiliser puisqu’il est compris par tous et que nous souhaitons être entendus de tous. Mais il doit être analysé et critiqué tant il recouvre des réalités différentes.
C’est un mot, on le sait, emprunté à la langue allemande, qui a été diffusé outre-Rhin par un pamphlétaire et agitateur, Wilhem Marr, fondateur d’une « ligue des antisémites » en septembre 1879, avant d’être repris par les penseurs français de la judéophobie. Il est mal formé. Il renvoie aux Sémites, c’est-à-dire qu’il passe d’une distinction d’ordre linguistique (la distinction entre les langues sémitiques et les langues indo-européennes, distinction d’ailleurs abandonnée aujourd’hui) à une distinction d’ordre ethnique, portant sur les races ou les peuples, comme s’il existait des races ou des peuples indo-européens ou « aryens » et des races ou des peuples sémites. C’est ce qui a permis à certains musulmans de dire qu’ils ne pouvaient être antisémites, puisqu’ils étaient eux-mêmes des Sémites. Il y a plus de deux décennies déjà, Bernard Lewis, reprenant une remarque de Hannah Arendt, avait souligné la vanité de cet argument puisque le terme n’a jamais signifié dans les faits que l’hostilité à l’égard des juifs et non des sémites en général. Les sémites ne désignent pas un peuple ni même des peuples, mais un ensemble de langues. Le fait de partager une même langue ou une langue proche n’a jamais suffi pour former un peuple ni même pour se comprendre d’un peuple à l’autre. Les Anglais et les Américains, pourtant alliés, ont parfois dit avec humour que cela rendait même leurs relations plus difficiles.
Toujours est-il que, quel que soit le bien-fondé de ces critiques, le terme est celui que tout le monde mobilise pour désigner un phénomène qu’Hélène Fein définit en ces termes : « ensemble structuré, latent et persistant, de croyances concernant les juifs en tant que collectivité, qui se manifeste chez les individus par des attitudes, et dans la culture par des images, du folklore, des idéologies, des mythes ainsi que par des actions – discrimination sociale ou légale, mobilisation politique contre les juifs, violence collective ou étatique – dont le résultat est de mettre à l’écart, de déplacer ou de détruire les juifs en tant que juifs 2  ». Par souci de simplification et de clarté, je vous propose d’adopter la simple définition suivante : l’antisémitisme désigne toutes les formes d’hostilité, de haine ou de mépris qui se manifestent par des opinions, des attitudes et des comportements à l’égard des juifs en tant que juifs.
La modernité politique qui a conduit à l’émancipation des juifs dans les démocraties, c’est-à-dire à la proclamation de leur égalité civile, juridique et politique, en rupture avec le monde des statuts divers et inégaux de la prémodernité, a fait naître de nouvelles configurations historiques, pour reprendre le concept de Norbert Elias, au cours desquelles se sont exprimées des manifestations, les unes inventées, les autres renouvelées, qui définissent ce que l’on peut appeler l’« antisémitisme au sens propre », celui qui s’est développé entre le dernier tiers du XIX e  siècle et jusqu’après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette période est caractérisée, de notre point de vue, par l’émancipation qu’elle a accordée aux juifs au nom de la citoyenneté moderne, par l’exaltation du nationalisme et du sentiment national, et par la structuration de la société par la science. C’est au nom d’un argumentaire racial, fondé sur des présupposés scientifiques, que l’antisémitisme a été l’une des grandes forces politiques des siècles de la modernité.

Antijudaïsme chrétien et antisémitisme moderne
Dans l’interprétation de ces deux moments de l’histoire – prémoderne, puis moderne –, on a longtemps souligné la discontinuité entre l’antijudaïsme religieux de la prémodernité et l’antisémitisme racial de la modernité. Dans la société prémoderne, pétrie de religiosité et structurée par le christianisme, l’hostilité à l’égard des juifs serait née de la rivalité entre l’église et la synagogue. Les juifs étant dénoncés comme le peuple déicide, les chrétiens devaient protéger leur existence en tant que témoins, mais les réduire à un statut dévalorisé et humiliant. C’est ainsi qu’à partir du siècle des croisades, se sont multipliés des discriminations, des persécutions et des massacres, qui ont culminé avec l’expulsion des juifs hors des nations de l’Europe de l’Ouest à partir des XII e et XIII e  siècles, et, finalement, avec l’expulsion d’Espagne en 1492, devenue le symbole de la fin d’un certain monde. Dans l’univers chrétien d’alors, le sentiment dominant était la haine, alors que, dans l’univers musulman de la même époque, où les juifs étaient protégés par le statut, lui aussi dévalorisé et humiliant, de dhimmi , c’était plutôt le mépris.
Avec l’avènement du monde profane né de la modernité politique, dans une société animée par la valeur accordée à la science, l’antisémitisme racial aurait remplacé l’antijudaïsme religieux au nom de la science biologique et de la légitimité scientifique elle-même, autrement dit au nom de l’idée, qui aurait été scientifiquement établie, de la détermination des comportements humains par la race. Or cette transformation aurait été lourde de conséquences. On peut changer de religion et le juif peut devenir chrétien par le baptême, mais, si la race détermine les comportements des êtres humains, le juif, s’il pouvait se convertir au christianisme, n’échappait pas pour autant aux conséquences de sa naissance à l’intérieur du peuple juif. Il était dés

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