Quelqu un arrive, Franz Kafka
142 pages
Français

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Quelqu'un arrive, Franz Kafka , livre ebook

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Description

C'est dans l'œuvre qu'il n'a pas lui même publiée et en particulier dans ses textes les moins connus et les moins commentés que Kafka se livre le plus ouvertement. Bien sûr, c'est d'abord dans ses journaux, mais c'est aussi dans Description d'un combatet dans les Recherches d'un chien que l'on peut découvrir la mission qu'il s'est donnée, son mandat. Il y apparaît une grande communauté de pensée avec Heidegger. Heidegger avait-il lu Kafka ? Très probablement, bien qu'il n'en ait rien laissé paraître.
Kafka est là, au départ le plus matinal de l'homme, à la naissance ; sa vie n'est que naissance, commencement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 février 2011
Nombre de lectures 2
EAN13 9782414411559
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

www.edilivre.com
 
Edilivre Éditions APARIS
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50 – mail : actualites@edilivre.com
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
ISBN : 978-2-4144-1038-5
 
© Edilivre Éditions APARIS, 2011
 
 
« Je suis une fin ou un commencement. »
Franz Kafka, 4 ème cahier in-octavo
 
 
Il y a deux Kafka. Il y a l’artiste écrivain, celui qui a la passion de la littérature et de l’écriture, celui qui a publié, de son vivant, une œuvre qui a pu être rangée sous l’étiquette de « littérature mineure » alors que le projet de Kafka, loin de rentrer dans cette catégorie, se voulait universel. Et il y a le chercheur, le penseur, celui qui a l’obsession de trouver par lui-même, en lui-même, le bon sol pour naître et pour vivre, celui qui considère qu’il n’est pas né encore, qu’il est mort en ce monde, qu’il est le survivant, qu’il peut être un commencement, qu’il peut être celui qui naît authentiquement.
Dans l’œuvre que Kafka a lui-même publiée, le penseur, le lutteur à mort qu’il est, ne se livre pas ouvertement. Il ne se sent pas prêt. Il n’a aucune possession en ce monde, pas même son corps. Il lui faut vivre quand même. Comme nous tous, mais bien moins que la plupart d’entre nous, il accepte quelques protections, quelques masques : sa profession, ses amis, ses penchants littéraires.
Ici, c’est du lutteur à mort qu’il va être essentiellement question.
 
Introduction Ma lecture de Kafka
Je n’ai pas aimé les trois grands romans 1 – inachevés – de Kafka. Je m’y suis ennuyé. Une fois le ton donné, au bout d’une trentaine de pages, cela tourne en rond comme, au sens propre, K. tourne en rond autour du château. Inspiré par son étrangeté au monde, bien réelle, Kafka nous livre des histoires où c’est à n’y rien comprendre. On peut y voir une forme d’humour par l’absurde. On peut tenter de les interpréter, d’y trouver des éléments autobiographiques. Pendant la période où Kafka était à la mode, les auteurs en vue n’ont pas manqué de le faire 2 . Beaucoup de lecteurs, cependant, ont apprécié cette étrange littérature, certainement parce qu’elle est étrange.
Le seul roman de Kafka que j’ai aimé, c’est celui dont on s’accorde à dire, du fait du nombre de ses pages, qu’il est une nouvelle, c’est La métamorphose . Je mets à part les Recherches d’un chien , ouvrage que je considère comme un essai philosophique. Il reprend, sous une autre forme, moins difficile à lire, quoique encore particulière, certains thèmes de la Description d’un combat , que je range dans la même catégorie. En dehors de ses journaux intimes, c’est dans les Recherches d’un chien que Kafka se livre le plus ouvertement, bien que caché, encore, sous l’apparence d’un chien. Mais ici, l’interprétation s’impose, la société canine représente la société humaine et le chien narrateur est Kafka. Cette transposition, qui semble inutile, facilite l’expression de l’artiste Kafka qui répugne à faire le philosophe, le penseur. La pensée qui se dégage des Recherches est proche, incroyablement proche, de celle qui apparaîtra, quelques années plus tard, dans l’œuvre de Heidegger.
On sait que Kafka n’aimait pas ses romans. On connaît la liste, parmi ses œuvres de fiction, de celles qu’il préférait : Le verdict, Le soutier, La métamorphose, La colonie pénitentiaire, Un médecin de campagne, Un artiste de la faim . S’il les préférait, ce n’est pas parce qu’elles répondaient mieux que les autres à son objectif majeur. Il les préférait parce qu’elles étaient à son goût d’artiste : écrites d’un seul jet, inspirées, sorties du fond de lui-même, presque de son inconscient. A Felice, le 2 juin 1913, il écrit : « Trouves-tu un sens quelconque au Verdict , je veux dire un sens droit, cohérent, facile à suivre ? Moi pas, et du reste je n’y vois rien que je puisse expliquer. » Le 25 septembre 1917, il note dans son journal : « Je puis encore tirer une satisfaction passagère de travaux comme le Médecin de campagne , à supposer que je parvienne à en écrire d’autres (très improbable). Mais le bonheur, je ne pourrai l’avoir que si je réussis à soulever le monde pour le faire entrer dans le vrai, dans le pur, dans l’immuable. »
Voilà l’objectif majeur de Kafka ! Son projet est de faire entrer le monde « dans le vrai, le pur, l’immuable ». Il faut prendre ceci au pied de la lettre. L’ambition est énorme. Quelques jours plus tard, le 10 novembre 1917, il écrit : « Jusqu’ici je n’ai pas noté les choses décisives, le fleuve que je suis forme encore deux bras. Le travail qui m’attend est énorme. » Il ne lui reste alors même pas sept ans à vivre.
Il n’y a, sur le fond, aucun changement entre le Kafka qui écrit Description d’un combat en 1903, celui qui commence un journal en 1910, et celui qui, vers la fin de sa courte vie, en 1922, écrit les Recherches d’un chien . Unité de la pensée, stabilité de l’état d’esprit, c’est le constat que l’on peut faire. Les seules différences se remarquent dans la maîtrise du style et la forme de l’expression. L’artiste affine et confirme un style remarquablement sobre 3 qu’il met au point assez rapidement. Le fond est stable. Quel est-il ? Est-ce seulement cette volonté de se donner entier à la littérature, au détriment d’une vie de famille ? Est-ce la peur de la solitude, elle qui serait le corollaire de ce choix ? Est-ce son étrangeté de juif tchèque de langue allemande ? Ou encore, comme on a pu le lire ici ou là, sa prescience des catastrophes à venir, sa prescience d’un monde de bureaucrates et d’automates ? Rien de tout cela, bien que la solitude de celui qui veut consacrer sa vie à l’œuvre, sans se laisser distraire par le monde ordinaire, et en particulier par la vie de famille, soit un thème récurrent et d’importance. Kafka a hésité, puis a choisi l’œuvre. Mais cette œuvre, que dit-elle ?
Kafka pensait avoir échoué. Il n’a pas effectué le travail énorme qu’il prévoyait. S’il a souhaité que disparaisse la totalité de ce qu’il avait écrit, c’est parce qu’il avait conscience de son échec relativement à l’ambition première, démesurée. Le 21 janvier 1922, un peu plus de deux ans seulement avant sa mort, il note dans son journal : « Jamais tâche, que je sache, ne fut aussi difficile pour personne. On pourrait dire : ce n’est pas une tâche, pas même une tâche impossible, pas même l’impossibilité en soi, ce n’est rien, ce n’est même pas tant un enfant que l’espoir d’une femme stérile. Mais c’est cependant l’air que je respire tant que je dois respirer. »
Ce livre n’est pas une biographie de Kafka. Il en existe d’excellentes, notamment, en français, celle de Claude David. Il s’intéresse au penseur Kafka et non pas à l’artiste Kafka. Il met en avant cette partie de l’œuvre où la pensée est exprimée de la manière la plus directe, la plus en accord avec l’objectif majeur.
Il y a deux Kafka. Il y a Kafka l’artiste écrivain, celui qui a la passion de la littérature et de l’écriture, celui qui a publié, de son vivant, une œuvre qui a pu être rangée sous l’étiquette de « littérature mineure » 4 alors que le projet de Kafka, loin de rentrer dans cette catégorie – dont, le 25 décembre 1911, dans son journal, il a tenté d’établir les caractéristiques en pensant à la littérature juive actuelle, à Varsovie et à Prague, et certainement pas à la sienne à venir –, se voulait universel. Et il y a Kafka le chercheur, le penseur, celui qui a l’obsession de trouver par lui-même, en lui-même, le bon sol pour naître et pour vivre, celui qui considère qu’il n’est pas né encore, qu’il est mort en ce monde, qu’il est le survivant, qu’il peut être un commencement, qu’il peut être celui qui naît authentiquement. Entre l’artiste et le penseur, il y a une relation et une tension. L’artiste n’a pas voulu, dans l’œuvre qu’il a publiée ou qu’il a projeté de publier (ses grands romans inachevés), que cette relation soit claire et directe. Le 22 janvier 1918, Kafka écrit dans son journal (troisième cahier in-octavo) :
« Le point de vue de l’art et celui de la vie sont, même dans l’artiste, des points de vue différents.
L’art vole autour de la vérité, mais avec la volonté bien arrêtée de ne pas se brûler. Son talent consiste à trouver dans le vide obscur un lieu où, sans qu’on ait pu le savoir auparavant, les rayons lumineux peuvent être puissamment interceptés. »
L’artiste, dans l’œuvre publiée par ses soins et dans les grands romans inachevés, a pris le pas sur le penseur. Le penseur est resté en retrait pour obéir aux impératifs artistiques, mais aussi parce qu’il ne s’estimait pas prêt à décliner ouvertement au monde sa vérité pure et simple ; il ne voulait pas se brûler. Il ne sera jamais prêt. Kafka s’avançait masqué. C’est dans ses journaux intimes 5 que le penseur se livre. Description d’un combat (j’y inclus Regard ), l’ouvrage de jeunesse, et les Recherches d’un chien , ouvrage de la maturité, sont, de ce point de vue, à mettre à part. Dans ces deux ouvrages, jusqu’à présent très peu commentés, les grands thèmes de son combat et de sa recherche sont bien présents, bien que masqués par des artifices formels.
La pensée de Kafka se montre proche de celle, à venir, de Heidegger. La différence entre les deux penseurs est essentiellement une différence de culture philosophique et artistique. Heidegger est le penseur érudit, le professeur de philosophie dont le but est le dévoilement de la vérité de l’être. Kafka est le penseur artiste, dont le but est de vivre, et de faire vivre le monde, selon cette même vérité de l’être qu’il veut mettre au jour – c’est dans sa chair et sans concession au monde qu’il a voisiné avec l’être. Au fond, la pensée est la même, le questionnement est le même. Le sens que donne Kafka au mot « commencement » ou au mot « naissance » est le même que celui que leur donnera, un peu plus tard et indépendamment, Heidegger.
 
Chapitre 1 Un filou démasqué
Regard ( Betrachtung ) est l’un des p

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