Quand l’informatique réinvente la sociologie
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Description

Le tout social est plus lent, plus fragile, plus raciste, plus communautariste, plus délétère et plus inégal que les individus qui le constituent. Si les pères de la sociologie, Durkheim, Comte, avaient disposé d’un ordinateur à leur époque, voilà sans doute le type de sociologie informatisée qu’ils auraient préféré inventer pour analyser ces réalités.

Hugues Bersini est professeur d’informatique et directeur du laboratoire d’intelligence artificielle à l’Université libre de Bruxelles. Ses travaux de recherche couvrent l’intelligence artificielle, la bioinformatique, le génie logiciel, les systèmes complexes et les sciences cognitives. Il est Membre de l’Académie royale de Belgique.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 6
EAN13 9782803105076
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

QUAND L'INFORMATIQUE RÉINVENTE LA SOCIOLOGIE !
Quand l’informatique réinvente la sociologie !
Hugues bersini Membre de l’Académie, Classe Technologie et Société
Académie royale de Belgique
rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique
www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique
ISBN : 978-2-8031-0506-9

© 2015, Académie royale de Belgique
Collection Transversales
Classe Technologie et Société
Volume 2
Diffusion
Académie royale de Belgique
www.academie-editions.be
Crédits
Conception et réalisation de l'eBook : Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Illustration de couverture : © Lena Bukovsky, Shutterstock
Bebooks - Editions numériques
Quai Bonaparte, 1 (boîte 11) - 4020 Liège (Belgique)
info@bebooks.be
www.bebooks.be

Informations concernant la version numérique
ISBN 978-2-87569-198-9
 
A propos
Bebooks est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
Introduction
Login : Émergences faibles
Pour autant que j’en sache, et c’est peu de chose, la sociologie prend naissance dès que les individus constituant son sujet d’étude sont « atomisés » et « agrégés », afin de s’intéresser à des phénomènes collectifs qui, tout en transcendant le comportement des individus en question, présentent certaines régularités originales et dignes d’être étudiées en tant que telles. Exemple des plus élémentaires, le comportement d’une foule prise de panique dans un couloir d’une salle de spectacle. Obsédés et « aspirés » par les issues de secours, les individus se cognent, se gênent. Chacun tente éperdument de survivre, aussi naïvement qu’énergiquement, de se frayer un chemin dans le peu d’espace vital que les autres lui laissent, donnant naissance à un comportement de groupe, qui bien qu’apparemment erratique, laisse présager certaines régularités, de par la simplicité des interactions des individus en présence (tout comme un liquide s’écoulant dans un conduit et s’engouffrant dans les espaces vides).
Il devient possible d’étudier ce tout collectif, identifier certaines variables agrégatives et tenter de dégager et confirmer l’une ou l’autre loi comportementale susceptible de relier ces variables entre elles. La vitesse de déplacement de cette foule pourrait n’être fonction que du nombre d’individus qui la compose et de la largeur du couloir dans lequel elle s’engouffre. Que la foule soit composée de Louis, Louise, Juliette ou Marcel n’a vraiment guère d’importance ici. Ce ne sont que petits automates insignifiants qui n’ont d’autre choix que d’obéir à quelques règles comportementales des plus élémentaires, nonobstant l’éventuel chaos collectif et cet écoulement turbulent d’une grande complexité susceptible d’en résulter. Le comportement collectif peut s’avérer surprenant et contre-intuitif au regard de celui des individus qui constituent ce même collectif… D’où l’intérêt. Ainsi, il a été démontré qu’en présence d’une seule issue de secours vers laquelle se ruent les individus paniqués, et au-delà d’une certaine vitesse individuelle, les chocs et frictions dont sont victimes ces individus vont diminuer le débit traversant cette issue. À titre individuel, chacun court plus vite vers la sortie mais, paradoxalement, la franchira plus lentement.

Foule amassée devant la seule issue possible

Un obstacle placé devant l'évacuation facilite paradoxalement l'écoulement en cas de panique
Plus étonnant encore, lorsqu’une seule issue est accessible par une foule qui fuit paniquée un lieu devenu menaçant, l’installation d’un ou de plusieurs obstacles en plein milieu de cette issue permet d’éviter qu’un amoncellement de personnes se retrouve coincé, parfois mortellement, dans cette unique échappatoire.
Le point le plus fondamental ici et qui motive pour l’essentiel toutes les pages qui vont suivre, est ce « fossé explicatif » qui s’installe souvent entre les niveaux microscopiques (les règles comportementales élémentaires suivies par chaque individu) et macroscopiques (l’apparition de ces « apparemment » nouveaux phénomènes collectifs, surgissant lorsqu’on agrège l’observation de ces mêmes individus dans le temps et dans l’espace).
Lorsque vous vous éloignez d’un tableau pointilliste, vous n’en apercevez plus les myriades de points dont la texture est faite, mais uniquement des motifs colorés, ceux qui en font la signification première, celle voulue au départ par le peintre, malgré les petits coups nerveux portés au tableau. Cette profusion de confettis s’agglomère en patches de couleur qui, ensemble, révèlent le visage du peintre, les baigneurs ou les calanques marseillaises. Comprenez bien ici l’effet clé de ce recul, c’est un élément fondamental de toute notre approche, la raison d’être de ce livre ! En assemblant les éléments constitutifs en des motifs macroscopiques, et en se concentrant sur ceux-là seuls, le recul génère du nouveau, de l’inattendu.
C’est ce même recul pris sur les systèmes que nous étudierons par la suite, qui nous fait « apparemment », je le répète — ce mot a énormément d’importance ici —, découvrir de nouveaux phénomènes, de nouvelles régularités, invisibles de « plus près », imperceptibles lorsqu’on maintient le nez collé au tableau. Ce fossé explicatif, par l’étonnement qu’il provoque, par l’apparition surprenante de ce « tout » sans commune mesure au niveau des parties (et la surprise s’avère excellente conseillère en science), devient le départ de nouvelles investigations et de progrès considérables dans la compréhension et la maîtrise de ces mêmes phénomènes.

Paul Signac , La calanque (1906). Huile sur toile, 73 × 93 cm. ©[Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles/photo : Photo d’art Speltdoorn & Fils, Bruxelles]
Les exemples des sociétés animales sont légion, essaims d’insectes, bancs de poissons, vols d’oiseaux, exhibant des comportements collectifs bien plus riches que celui pris isolément de chaque participant au groupe. Entre deux chemins menant du nid à la nourriture, une colonie de fourmis choisira toujours le plus court, même si chacune d’entre elles se contente, et de déposer sa phéromone le long du chemin et de toujours choisir, devant une bifurcation, la branche présentant la plus grande densité de cette phéromone. On comprend aisément comment la colonie dans son ensemble se concentre graduellement sur la plus courte des deux branches du Y. Le phénomène s’amplifie de lui-même : plus les fourmis empruntent un chemin donné, plus la phéromone se densifie sur celui-ci, et plus cette phéromone se densifie, plus les fourmis l’empruntent. Malgré l’existence du héros « Z » dans le dessin animé Fourmiz qui, pour épater la princesse Balla, prend en charge le destin de sa colonie, aucune fourmi prise isolément n’a « conscience » de participer à cette formidable aventure collective de la découverte du chemin le plus court pour conduire le plus rapidement qui soit à la nourriture.


Les trois règles comportementales suivies par chaque oiseau : cohésion, séparation, alignement, et le genre de résultats à l’écran qu’une simulation informatique du comportement d’un essaim d’oiseaux peut produire 1 .
L’élégant ballet de ces nuées d’oiseaux, spectacle gratuit que le ciel souvent nous offre, tient pourtant à quelques règles comportementales d’une très grande simplicité et que chaque oiseau respecte en fonction de ses plus proches voisins : s’en tenir à distance modérée, suivre la direction et la vitesse moyenne de ceux-ci, éviter les obstacles qui se dressent devant lui. Là encore, et notre éloignement est patent, c’est le vol de tous que l’on admire, se fondant doucement dans le ciel à coups d’arabesques réjouissantes, et non pas les oiseaux singuliers qui l’animent et que l’on distingue à peine. Observant et jalousant ces essaims sauvages, maquillant le ciel, s’éloignant dans les airs, symboles pour lui de liberté et d’anarchie, Brassens chante : « Ô

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