Psychopathologie des violences collectives
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Psychopathologie des violences collectives , livre ebook

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Description

Des prises d’otages aux attentats, de la répression à la torture, mais aussi du bizutage aux tournantes, les violences collectives sont quotidiennes, à l’étranger comme en France. Quel est leur but ? Comment parvient-on à terroriser une population ? Qu’est-ce qu’un traumatisme intentionnel ?Françoise Sironi, spécialiste internationalement reconnue, a soigné des victimes des Khmers rouges, elle a été en mission au Kosovo et a fondé un centre de réhabilitation de vétérans russes des guerres en Afghanistan et en Tchétchénie. Elle a créé une nouvelle approche, la psychologie géopolitique clinique, qui étudie et prend en charge ce nouvel aspect des relations sociales et internationalesElle montre comment les conflits violents créent des traumatismes psychiques aussi bien chez les agresseurs que chez les agressés. Et elle expose les thérapies qu’elle a mises au point. Françoise Sironi est maître de conférences en psychologie clinique et pathologique à l’université Paris-VIII et enseigne la psychologie géopolitique à l’Institut d’études politiques de Paris. Elle a publié Bourreaux et Victimes. Psychologie de la torture.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2007
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738191854
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

FRANÇOISE SIRONI
PSYCHOPATHOLOGIE DES VIOLENCES COLLECTIVES
Essai de psychologie géopolitique clinique
 
© Odile Jacob, janvier 2007 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-9185-4
www.odilejacob.fr
Table

Avant-propos
Introduction
première partie. Les traumatismes intentionnels
Chapitre 1. IMPACT DE L’HISTOIRE COLLECTIVE SUR LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE
Articulation entre histoire collective et histoire singulière
Fabrication et instrumentalisation des émotions politiques
Chapitre 2. SPÉCIFICITÉ DES TRAUMATISMES INTENTIONNELS
Une entité psychopathologique à part
Entre déni et manipulation
Fonction psychopolitique des traumatismes intentionnels
Chapitre 3. LA FABRICATION DES TRAUMATISMES INTENTIONNELS
Par l’attaque et l’instrumentalisation des objects culturels
Par l’utilisation massive de la torture
Chapitre 4. PSYCHOTHÉRAPIE
Psychopathologie de l’intentionnalité malveillante
Illustration : impact à long terme des marquages traumatiques
Une approche psychothérapique spécifique
Chapitre 5. COMMENT TRAITER LES AUTEURS DE VIOLENCES COLLECTIVES ?
Les mécanismes de fabrication des combattants par la guerre
Création d’un centre de réhabilitation des vétérans
Une question de psychologie géopolitique clinique
Psychothérapie. Terminer la métamorphose
Chapitre 6. PRÉVENIR LA VENGEANCE
Quelles sont les situations qui fabriquent la vengeance ?
Analyse psychologique de la vengeance
Traitement géopolitique clinique de la vengeance
deuxième partie. La psychologie géopolitique clinique
Chapitre 3
Chapitre 7. POUR EN FINIR AVEC LA MALTRAITANCE THÉORIQUE
Des outils théoriques et cliniques inadéquats
Déculturation et action humanitaire à caractère psychologique
Chapitre 8. FONDEMENTS DE LA PSYCHOLOGIE GÉOPOLITIQUE CLINIQUE
Définition et caractéristiques
De l’ethnopsychiatrie à la psychologie géopolitique clinique
Les champs d’application contemporains
Illustration clinique
Chapitre 9. COMPRENDRE LES NOUVELLES STRATÉGIES D’EXISTENCE
Chapitre 10. DES PRATIQUES CLINIQUES INNOVANTES AUX LIEUX D’INTERFACE ENTRE LES MONDES
Construire une éthique de la multiplicité
Adopter une position de diplomate
Conclusion
Notes
Bibliographie
À mes parents,
Élise et Pellegrino
 
« Si les psychologues ne produisent pas aussi sur le politique, le politique un jour se passera des psychologues et rendra impossible un travail qui suppose l’interlocution entre des sujets capables et libres de parler. »

  Patrick S CHMOLL , 2003.
 
Introduction
 
Les violences de l’histoire collective ont un impact majeur sur la psychologie singulière des individus. Elles engendrent des souffrances psychologiques, de la psychopathologie ou des sociopathologies lourdes de conséquences individuelles et collectives. Ces troubles ne sont pas réductibles aux formes habituelles de psychopathologies dues aux problématiques intrapsychiques liées à la petite enfance. Elles sont délibérément induites par la dimension politique. D’où la nécessité, d’une part de mieux connaître la spécificité des traumatismes intentionnels (délibérément induits par des humains), et d’autre part d’introduire une dimension géopolitique à la psychologie clinique et pathologique.
Pendant la Première Guerre mondiale, la morbidité chez les personnes civiles, c’est-à-dire le pourcentage de la population civile, blessée ou décédée, par rapport à la morbidité globale (incluant appelés et militaires) s’élevait à 5 %. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la morbidité civile s’élevait à 50 %. En 1996, le nombre de civils blessés ou tués par les guerres et les conflits contemporains s’élevait à… 90 % 1 .
Avec la fin des systèmes totalitaires et avec la chute de l’empire soviétique, s’effondra un mode de structuration de la pensée : le système binaire. La fin de la logique des deux blocs, Est et Ouest, a réactualisé une autre dichotomie, l’opposition entre universalité et particularismes. Nous sommes arrivés à un temps de l’histoire du monde où la fin de l’opposition binaire a permis de penser la multiplicité. Nous vivons donc désormais à l’ère planétaire.
Mais la coexistence des multiples hétérogénéités humaines, religieuses, politiques et culturelles ne va pas de soi. « Quant à la paix comme possible, à laquelle travaillent les diplomates, écrit Isabelle Stengers, elle n’a pas pour visée une entente “par-delà les différences”… Elle est affaire de communication transversale entre hétérogènes. Si elle est acceptée par les différentes parties, ce sera pour des raisons distinctes, non pour une raison commune qui aurait prévalu, par-delà l’hétérogène 2 . »
Comme toute mutation radicale, la mondialisation des échanges, des pratiques, des savoirs, ainsi que la circulation planétaire des humains, peuvent engendrer à la fois le meilleur et le pire. Un monde nouveau est incontestablement en train de se construire. Il nous faut complexifier nos repères théoriques, en psychologie comme ailleurs, et raisonner dans une nouvelle dimension, à la fois planétaire et locale. Désormais, les problèmes des humains, leur psychologie, s’appréhendent de manière plus adéquate si nous intégrons les paramètres culturels, géopolitiques et les traces à long terme que les violences collectives laissent sur l’histoire des humains et des peuples. Inscrire la psychologie dans le champ politique, culturel et historique contemporain, est l’objectif de cette approche nouvelle qu’est la psychologie géopolitique clinique.
La psychologie géopolitique clinique, qui est issue de l’ethnopsychiatrie, analyse et construit des solutions concrètes à apporter aux problématiques cliniques et pathologiques émergeant aux lieux d’interface entre les mondes :
– Pratiques thérapeutiques qui s’exercent, en Occident, auprès des populations migrantes ou des populations culturellement, socialement ou politiquement marginalisées.
– Pratiques cliniques et thérapeutiques s’adressant à des populations ayant connu un processus de déculturation massif, du fait des guerres, des invasions de territoire ou d’attaques de leurs objets culturels.
– Pratiques cliniques et thérapeutiques dans le cadre des actions humanitaires à caractère psychologique intervenant à l’issue des conflits, dans différentes zones géographiques de la planète.
Cette approche psychologique des traumatismes liés aux violences de l’histoire collective (guerres, massacres, génocides, déplacements de populations,…) et aux souffrances que peuvent engendrer les grandes mutations contemporaines (technologiques, sociales, économiques, culturelles,…), a été mise en pratique sur des « terrains géopolitiques » et dans des situations cliniques très diversifiées.
Ce livre en rend compte. Mais au-delà, il se veut surtout être une contribution engagée à la construction d’une vraie mondialité, intelligente et humaniste.
 
PREMIÈRE PARTIE
Les traumatismes intentionnels
Chapitre 1
IMPACT DE L’HISTOIRE COLLECTIVE SUR LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE
Les événements traumatiques que traversent les groupes, les civilisations et les cultures, façonnent leur histoire. Ces événements modèlent également les types de désordres psychiques qui apparaissent dans la population générale. Les conflictualités du monde contemporain se sont complexifiées et diversifiées depuis la fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin. Dans le champ de la psychopathologie traumatique, nous sommes aujourd’hui confrontés à des patients ayant connu des guerres de basse intensité, des attaques terroristes, des conflits ethniques, des tortures, des génocides, des déplacements de population et des exils forcés. Cela nous amène à considérer avec sérieux la place qu’occupe l’histoire collective (politique, culturelle, ethnique, religieuse, sociale) dans la psychologie individuelle.

Articulation entre histoire collective et histoire singulière
L’articulation entre histoire collective et histoire singulière constitue le terreau de la fabrication et de l’instrumentalisation de ce que nous appellerons les émotions politiques 1 . Que signifie « articulation » entre histoire singulière et histoire collective ? Georges Devereux considère la question du rapport entre deux champs ou deux disciplines, et ce à partir du référentiel psychosomatique. Nous l’envisagerons à partir du référentiel psychopolitique. Dans un article intitulé « Dedans et dehors. La nature du stress », Georges Devereux écrit : « Le lieu véritable qu’il lui sied d’étudier [à l’écologie médicale] est précisément cette courbe, qui “sépare” en théorie, mais “unifie” en pratique, l’homme et son milieu. C’est le “Je” – ce sont les événements et les processus dont le lieu géométrique est (et crée) cette ligne de démarcation imaginaire – qui concerne le psychosomaticien. Ce qui se passe entièrement du côté intérieur de la ligne peut être étudié par le médecin… ce qui se passe de l’autre – extérieur – par le sociologue… La différence principale entre “l’externaliste” et “l’internaliste” est que le premier dit que les phénomènes d’interaction se produisent sur cette courbe, alors que le second dit que ce sont les phénomènes d’interaction perçus qui créent – et qui sont – cette courbe. » Georges Devereux conclut son article ainsi : « S’attacher à l’étude des événements situés sur cette courbe – à l’étude des événements qui, en un sens, créent et constituent cette courbe (entre “dedans” et “dehors”) – permettrait au psychosomaticien d’ouvrir des voies nouvelles pour toutes les sciences de l’homme, et même de la Vie tout court 2 . » Georges Devereux avait raison !
L’histoire collective est dans un rapport de complémentarité avec l’histoire singulière, qui est dans un rapport de complémentarité avec l’histoire des émotions créées par le politique, chez chacun d’entre nous. Il s’agit alors de complexifier l’histoire d’un individu (normale ou pathologique) en considérant plusieurs matrices de sens qui vont synergiser. Lorsque nous rencontrons une butée dans une des matrices de constr

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