Penser en images : Et autres témoignages sur l'autisme , livre ebook

Odile Jacob - Temple Grandin

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131 pages

Français

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Extrait

Description

" Les mots sont comme une seconde langue pour moi. Je traduis tous les mots, dits ou écrits, en films colorés et sonorisés ; ils défilent dans ma tête comme des cassettes vidéo. Lorsque quelqu'un me parle, ses paroles se transforment immédiatement en images. Ceux dont la pensée est structurée en langage ont souvent du mal à comprendre ce phénomène mais, dans mon métier - je conçois des équipements pour les animaux d'élevage -, penser en images est un formidable atout. "À mi chemin entre l'essai et le récit autobiographique, Penser en images est une étude sur l'identité autistique, sur ses manques, ses faiblesses et ses forces. Il nous éclaire sur les formes d'intelligence propres aux autistes, sur les émotions qu'ils éprouvent, sur leurs aptitudes visuelle, mnésique, langagière ou sociale, mais aussi sur le diagnostic de l'autisme, les derniers traitements médicaux en cours ou encore les méthodes éducatives les plus avancées. Ce livre trace une sorte de pont entre deux mondes qui, d'ordinaire, ne communiquent pas et nous permet de voir fonctionner, de l'intérieur, un esprit très différent du nôtre. Autiste surdouée, spécialiste du comportement animal, Temple Grandin est professeur à l'université du Colorado et conceptrice mondialement reconnue d'équipements agricoles. Elle est aussi l'auteur de Ma vie d'autiste, paru aux Éditions Odile Jacob en 1994.

Sujets

Psychology

Neuropsychology

Sociologie, société et politique

Informations

Publié par	Odile Jacob
Date de parution	01 mai 1997
Nombre de lectures	5
EAN13	9782738143112
Langue	Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Ma vie d’autiste , Paris, Éditions Odile Jacob, 1994.
Ouvrage paru aux États-Unis chez Doubleday, New York sous le titre : Thinking in Pictures and Other Reports from My Life with Autism © 1995 Temple Grandin
Pour la traduction française :
© O DILE J ACOB , MAI 1997 15 RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-4311-2
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Je dédie ce livre à ma mère. Sans son amour, son dévouement et sa perspicacité, je n’aurais pu réussir.
Remerciements

Je voudrais remercier Diedra Enwright qui a retranscrit le manuscrit. Je voudrais aussi remercier Betsy Lerner, mon éditeur, pour sa patience et pour l’aide qu’elle m’a apportée dans l’organisation de ma pensée. L’enchaînement et l’organisation logiques sont difficiles pour un penseur visuel dont les idées sont des images. Je suis également très reconnaissante au professeur Oliver Sacks qui m’a merveilleusement soutenue. Les autres personnes qui ont permis à ce projet d’aboutir sont Pat Breinin, mon agent, et Brandon Saltz, assistant d’édition chez Doubleday. Je remercie aussi Mark Deesing, Mary Tanner et Julie Struthers pour leur travail de documentation. Enfin, je voudrais remercier le professeur Gilbert Lelord qui a relu la traduction française de ce livre.
Préface

En 1986, paraissait un livre assez extraordinaire, un livre sans précédent, inimaginable d’une certaine façon : Ma vie d’autiste 1 de Temple Grandin. Sans précédent, parce que aucun « récit de l’intérieur » n’avait jamais été écrit sur l’autisme ; inimaginable parce que les médecins soutenaient depuis plus de quarante ans que les autistes n’avaient pas de vie intérieure ou bien qu’elle était inaccessible et informulable ; extraordinaire, enfin, à cause de sa très grande franchise et de sa clarté. La voix de Temple Grandin nous parvenait d’un endroit d’où aucune voix ne nous était jamais parvenue, dont on niait même l’existence – et elle parlait en son nom, mais aussi au nom des milliers d’autres adultes autistes, souvent très doués, qui vivent parmi nous. Grâce à elle, nous avons vu, nous avons découvert qu’il pouvait y avoir des êtres tout aussi humains que nous, construisant leur monde et vivant leur vie de façon si différente qu’elle en est à peine imaginable.
Encore aujourd’hui, le terme d’« autisme » continue de faire peur – on imagine un enfant qui ne parle pas, qui se balance, hurle, vit dans un monde auquel on n’accède pas, coupé de tout contact. On parle presque toujours d’enfants autistes, jamais d’adultes autistes, comme si ces enfants ne grandissaient pas ou disparaissaient mystérieusement de notre planète, de notre société. Ou encore, on imagine un « prodige » autiste, un être étrange avec des manières et des stéréotypies bizarres, très loin de la vie ordinaire, mais doué de mystérieux talents, remarquable par ses capacités de calcul, de mémorisation, de dessin, etc. – comme le personnage du film Rain Man . Ces images ne sont pas fausses, mais elles négligent les autres modes d’autisme qui ne sont pas aussi handicapants (même s’ils impliquent des formes de perception et de pensée éloignées de la « norme ») et qui (surtout si le niveau d’intelligence, de compréhension et d’éducation est élevé) permettent de mener une existence pleine et accomplie, avec une forme particulière de clairvoyance et, aussi, de courage.
Hans Asperger qui a décrit les formes « supérieures » d’autisme en 1944 avait clairement perçu cet aspect du problème, mais son ouvrage écrit en allemand est resté ignoré pendant une quarantaine d’années. Ensuite, en 1986, a paru le livre étonnant de Temple Grandin. La narration de ce cas a eu un effet net et salutaire sur la pensée médicale et scientifique ; il a permis (il a même exigé) qu’on ait une conception plus large et plus généreuse de la signification de l’« autisme ». Mais le livre de Temple valait aussi comme un témoignage fascinant.
Voilà déjà dix ans que Temple a publié son premier livre, dix ans au cours desquels elle a poursuivi son étrange chemin, solitaire et obstiné, réussissant à se faire sa place – elle est professeur spécialisé dans le comportement animal et conçoit des équipements pour l’élevage industriel –, se battant pour la compréhension et le respect des animaux, se battant pour une meilleure connaissance de l’autisme, se battant avec les images et les mots, se battant surtout pour comprendre cette espèce bizarre – la nôtre – et pour définir sa valeur et son rôle dans un monde qui n’est pas celui des autistes. La voilà qui se lance de nouveau dans l’écriture (elle a écrit pendant ces dix années de nombreux articles pour des journaux scientifiques ou pour des conférences) et qui nous livre un autre ouvrage entre le récit et l’essai, plus complet et plus mûrement réfléchi que le précédent, Penser en images .
Penser en images nous permet de voir et de revivre ce qu’a été l’enfance de Temple – les odeurs, les bruits, les sensations tactiles qui l’envahissaient et auxquels elle ne pouvait échapper ; ses hurlements ou ses balancements sans fin ; son repli sur soi, loin des autres ; les crises de colère au cours desquelles il lui arrivait de jeter ses excréments ; ou, enfin, sa capacité à s’absorber pendant des heures (avec un degré de concentration étonnant et un isolement complet) sur quelques grains de sable ou sur le dessin de ses doigts. Nous percevons le chaos et la terreur qui ont marqué cette enfance dominée par la peur, les risques d’institutionnalisation et d’enfermement qui ont menacé cette existence. Nous avons l’impression d’acquérir, avec elle, les premiers rudiments du langage, cette force presque mystérieuse grâce à laquelle elle pouvait espérer se maîtriser mieux, entrer en contact avec autrui et en relation avec le monde. Nous revivons ses années d’école – son incapacité totale à comprendre les autres enfants ou à se faire comprendre d’eux ; son immense besoin, et sa peur, du contact physique ; ses rêveries étranges – le rêve d’une machine qui lui procurerait la sensation physique de « l’étreinte », cette sensation qu’elle recherchait avidement mais qu’elle voulait, d’une certaine manière, pouvoir contrôler ; l’influence décisive qu’eut sur elle un homme remarquable, un professeur de sciences qui sut voir, derrière les bizarreries et les signes pathologiques, le potentiel extraordinaire de cette étrange élève et qui eut l’intelligence de canaliser ses idées obsessionnelles et de l’amener à entreprendre une carrière scientifique.
Nous partageons aussi, même si nous ne pouvons pas tout à fait les comprendre, sa passion extraordinaire pour les animaux d’élevage et sa capacité à les comprendre, ce qui lui a permis avec le temps de devenir une spécialiste mondialement reconnue de la psychologie et des comportements du bétail, d’inventer des machines et des installations pour l’élevage industriel et d’être un ardent défenseur du respect que nous devons aux bestiaux. (Elle avait d’abord pensé intituler ce livre Le Point de vue d’une vache .) Nous voyons également – et c’est, pour nous, le plus difficile à comprendre – combien un autre esprit la laisse perplexe, comme elle est impuissante à déchiffrer les expressions et les intentions d’autrui, mais aussi avec quelle détermination elle mène cette étude et nous étudie, nous et nos étranges comportements, de façon scientifique et systématique, comme si elle était (pour reprendre ses propres termes) « un anthropologue sur Mars ».
Nous comprenons tout cela malgré (et peut-être à cause de) la simplicité touchante et l’ingénuité du style de Temple, son étrange absence de pudeur ou d’impudeur, son incapacité à fuir ou à feindre.
Il est fascinant de comparer Penser en images et Ma vie d’autiste . Les dix années qui les séparent ont permis à Temple de gagner en reconnaissance professionnelle et d’être plus accomplie – elle voyage, travaille comme consultant, fait sans cesse des conférences, et les appareils qu’elle conçoit pour les exploitations d’élevage sont utilisés dans le monde entier – ; elle est aussi devenue une autorité de plus en plus affirmée dans le domaine de l’autisme (la moitié de ses conférences et de ses articles porte sur ce sujet). Écrire n’a pas été facile pour elle au début ; non qu’il lui manquât des compétences verbales, mais elle était incapable de comprendre un esprit autre que le sien, et son public ne lui ressemblait pas, il ignorait les expériences, les processus d’associations et les informations qui forment la trame de son esprit. Il existait d’étranges discontinuités (des personnages apparaissaient tout à coup dans son récit, par exemple), des allusions fortuites à des événements que le lecteur ne pouvait pas connaître, des changements de sujet brusques et troublants. Les psychologues cognitivistes affirment que les autistes n’ont pas de « théorie de l’esprit » – de perception immédiate de l’esprit d’autrui ou des états d’esprit d’autrui – et que cette déficience est au cœur des difficultés qu’ils rencontrent. Ce qui est vraiment remarquable dans le cas de Temple, c’est qu’elle a appris, à quarante ans passés, à développer une authentique perception des autres, de leur esprit, de leur sensibilité et de leur singularité, le tout pendant les dix ans qui se sont écoulés depuis la première parution de Ma vie d’autiste . Cette évolution est man