Peindre m est tombé dans les mains
112 pages
Français

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Peindre m'est tombé dans les mains , livre ebook

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Description

Catherine Besnard


Gravures de Solène Besnard


Peindre m'est tombé dans les mains


« Peindre m’est tombé dans les mains. Depuis, j’accueille ce quelque chose de parlant qui apparaît au cours du travail, avec douceur, du bout de mes pinceaux, même quand je bataille au beau milieu de la matière. Je lui dois de le recueillir comme un cadeau de la vie et je me dois de le soutenir à la mesure de ce qu’il me tient lui-même debout.
Dans un tableau, je peux être à la maison, chez moi, mais dès que j’y suis, j’en sors déjà.
Par ce livre s’écrit une arborescence ouverte, inspirée d’instants de pure humanité partagés avec tous ceux qui comptent, maîtres et élèves, voisins et amis, parents et enfants. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 janvier 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414154661
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-15464-7

© Edilivre, 2018
Dedicace

À Solène,
pour ses gravures,
entre-deux ô combien habités !
À mes chers petits-enfants,
Margaux, Garance et Léonis
et à tous ceux qui suivront.
À mes filles, Judicaëlle,
Solène et Maud, toujours
joyeusement présentes
à mes côtés.
À Rémy
Exergue

« Depuis la Coquille bleue du Monde, jusqu’à la Terre Végétative.
L’Univers Végétatif s’ouvre comme une fleur depuis le centre de la Terre : dans lequel est l’Eternité.
Celui-ci se répand en étoile jusqu’à la Coquille du Monde. »
William Blake , Jérusalem
Peindre m’est tombé dans les mains
 
Toute ronde, toute rouge, elle babille, elle gazouille sous les regards attendris de ses parents. Du fond de son landau, elle distingue l’ombre des arbres, la luminosité du soleil d’été et écoute le chant de la vie. Des coiffes blanches à bandeau noir virevoltent au-dessus d’elle. Elle regarde ce ballet aérien apparaître et disparaître. Les voix fortes des diaconesses l’impressionnent. Née sous les toits du protestantisme, elle grandit sans souci, sans le souci d’une tache rouge apparue sur son sourcil droit et disparue après la neige carbonique. Le rouge est une couleur franche qui convient aux brunes. Ses ballerines à doubles brides et doubles pompons sautillent au rythme de ses pas chassés. Cagoule, gilet et collants rouges, bandeaux assortis à ses oreilles s’en vont à l’école. Tablier noir, cols brodés de cerises dansent les marionnettes sur le chemin en même temps que ses couettes. Elle est guillerette. Sa tache rouge sur le visage n’est plus visible, il ne reste qu’une discrète cicatrice au-dessus de l’œil. Pourtant, sans faire de bruit, le rouge revient. Le rouge lui monte aux joues très souvent. Incongru. Rythme cardiaque rapide. Un cortège de questions monte en pression dans ses tempes. Pourquoi ? Alors, elle regarde dehors, par la fenêtre.
* *       *
Sur le balcon, son père arrose régulièrement les jardinières. Elles se remplissent de pensées et de bruyères. Sa grand-mère paternelle est montée au ciel. Le ciel, elle le voit comme un très grand espace où se promènent nuages et moutons blancs. Bien assise dans le canapé, elle aimerait regarder ce qu’il s’y passe. Elle ne comprend pas bien ce que veut dire aller au cimetière, pourtant elle verra avant ses vingt ans, ses quatre arrières grands-parents, son grand-père maternel, et son père y demeurer. Sur la tombe paternelle, des pensées en automne, un lilas au printemps, un rosier en été, des bruyères à la Toussaint.
Pas de pierre. De la pleine terre.
* *       *
Elle habite le square du bas, un square bleu des Grandes Terres. C’est son square, son domaine. L’espace lui paraît à sa mesure. Une barre de chocolat entre deux bouts de pain, elle sort et dévale les marches. Elle aime le contact frais du métal de la rampe. Elle s’amuse à sauter les dernières marches de chaque palier, par deux. Le son résonne défiant le silence. Elle pousse la large et lourde porte de l’escalier qui ne fait aucun bruit quand elle se referme. Dehors, le calme l’assaille. Les yeux grands ouverts, les sourcils froncés, elle écoute son square. Tout se passe comme un film au ralenti. Elle croit voir le temps s’étendre. Elle se promène sans ordre précis, du bassin au prunus, du tilleul aux bouleaux, des marronniers au bac à sable. Elle porte des sandalettes blanches. Ses pas claquent sur le bitume, crissent sur les allées gravillonnées, s’enfoncent dans le sable, couchent l’herbe des pelouses. A cette heure-ci, parties ensoleillées, parties ombragées, rivalisent d’attraits. Choisir l’endroit approprié. La joie résonne. Un moment à elle. Finalement, pelouses foulées, flaques sautées, gravillons chassés, elle court, s’arrête à un endroit qui va de soi, le délimite d’un revers de pied et s’assoit par terre, au centre de la forme. Sa maison imaginaire sera là. Poupées et landaus, habits et accessoires, sur une couverture étalée, s’entassent, ribouldinguent, valsent, puis s’endorment. Graines de trèfle, brindilles, cœurs de pâquerettes, qui les mangera ? Qui veut être le papa, la maman ou bien le bébé ? Un flot d’énergie l’envahit. Elle se lève et entraîne les autres. Comme une volée de moineaux, ils vont au sable, le tassent, l’aplatissent, le dessinent, le modèlent, puis, les bras derrière le dos, apprécient l’élégance des courbes de leur circuit à billes bien modelé. Le jeu commence. Des figurines sortent des poches. Les minutes passent. Battements des mains. Battements des pieds. Le maillot jaune gagne toujours. Danses de sioux. Qui vient jouer aux cowboys et aux indiens ? Le soir venu, elle attend l’heure du dîner et regarde par la fenêtre les lumières dans l’immeuble d’en face qui s’allument et s’éteignent. Debout, immobile et en silence, elle observe les gens passer d’une pièce dans l’autre.
* *       *
Le square de Versailles est bleu, tout comme le sien. Montferrand est rouge. Les Ormes sont jaunes. Le square de Versailles n’a pas de grands marronniers, ni de pente pour faire de la planche à roulettes mais un tas de sable et un bassin comme tous les autres. De sa fenêtre, elle s’invente qu’un autre enfant habite un grand appartement, un nord-sud. S’imaginant à ses côtés, elle ne perd rien des huit fois huit marches, des six fois « Poum », ni du « Zwiiiip » de sa main glissant sur la rampe rouge. Il sait par cœur le nombre de paliers, d’intervalles entre les cinquante-quatre marches, mais n’attend que le régal du saut des quatre dernières marches qui se termine par une glissade, élan nécessaire pour ouvrir la porte de la cave dans la foulée. Comme sorti d’un brouillard, il apparaît à vélo, côté sud. Il effectue un tour de square, puis s’élance, roule à toute vitesse, se dresse sur ses pédales, incline le vélo, un coup à droite, un coup à gauche, à toute allure. Juste à temps, il l’évite elle et les autres fillettes qui sautent à la corde en chantant. Le souffle du vent à son passage, rafraîchit ses joues. Soudain retentit le crissement d’un dérapage sur gravier. Guidon lâché, pédales esquivées, saut de côté, rétablissement, il s’en sort sain et sauf.
Au bord du bassin, allongé de tout son long, il voit au fond de l’eau, une feuille de catalpa. Trente centimètres à vaincre. Il coince ses sandalettes sous le léger rebord, s’arc-boute, plonge sa main et ramène la feuille à la surface. Il se relève, frotte ses genoux et ôte un gravillon de sa semelle.
Il l’impressionne.
Jambes un peu engourdies, elle sort de sa rêverie pour passer à table. Elle aime aller manger.
* *       *
Tout, tout ce qui compte, tout ce qui semble nécessaire s’empile sur son lit. Rien ne doit tomber au sol. On dirait que c’est la mer, par terre ! De peur, de peur de tomber, elle entreprend de protéger et couvre de couvertures, berceau, lit, foyer, terrier, trou, vide, dans lesquels elle tombera, un jour, elle le sait. À moins, à moins que dans l’intervalle n’apparaisse, en elle, sa maison, qu’elle appellera son pays.
La, article indéfini, maison, sa, article possessif, maison est entourée d’eau. L’équilibre est difficile à maintenir, des objets passent par-dessus bord, son petit frère aussi, elle-même ne peut se retenir et tombe entièrement dans l’histoire de ce jeu d’enfant.
* *       *
Elle commence au bout de trois. Pour réussir une règle de trois, il faut multiplier par cent ce qu’on a divisé. La boîte est pleine de crayons bien taillés. Ce qui est divisé dépend. Il faut, au préalable, additionner pour pouvoir diviser, c’est pourquoi cela dépend. Un crayon est un bâtonnet de bois qui contient une mine de couleur. Elle compte les bâtons. Leur nombre est supérieur à dix. Les couleurs qui se ressemblent ne comptent pas. Le dividende compte au contraire. Impossible de se soustraire à la règle. Elle n’a pas son compte. Les crayons n’ont pas de règle, si ce n’est de la suivre pour tracer droit. Tout se mélange dans la boîte. Elle en voit de toutes les couleurs pour les compter. Compter avec les doigts de la main ne permet pas d’éviter de perdre le compte. Les crayons tracent des rayons d’une étoile. Une bleue puis une jaune. En voilà une, toute rouge posée sur le front. Elle se mélange les pinceaux. Le pinceau fait des taches qu’elle ne peut balayer d’un trait.
* *       *
Au réveil, la maison de Cherville est calme. L’odeur du café chaud vient de la cuisine. Le jour perce au travers des stries des volets. Elle écoute les tourterelles, le chant des coqs et le caquètement des poules du poulailler voisin. Ses grands-parents sont levés. La porte de la cuisine grince. Elle suppose que son grand-père porte son bon tricot en laine vert et rouille et qu’il s’apprête à chausser ses sabots pour aller jardiner. Elle rêvasse, prend son temps pour se lever. Et si la mer était au fond du jardin ? Elle se précipite à la porte avant même de pendre son petit déjeuner et regarde par les petits carreaux. La mer n’est pas au fond du jardin.
Pour elle, il ne manque que la mer au fond du jardin.
Elle a peut-être été là un jour.
Le soleil brille. Sa grand-mère épluche les légumes. Après s’être habillée, elle va jouer dehors et armée d’une épuisette à crevettes, entreprend une chasse aux papillons...

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