Nos enfants demain : Pour une société multiculturelle
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Description

« Je voudrais vous parler d’eux, de ces migrants et de leurs enfants, vous rapporter leur poésie, leurs rêves, mais aussi leurs difficultés, leurs raideurs et leurs tentatives pour se transformer et s’adapter. Je voudrais vous parler d’eux parce qu’ils sont sources de vie et de connaissances pour nous tous. Demain plus encore qu’aujourd’hui, tous les enfants, tous nos enfants auront à grandir et à se construire dans un monde qui bouge. Tous seront confrontés à la diversité des langues et à la pluralité des cultures. Tous seront des enfants nomades et des enfants métis. » M. R. M. Marie Rose Moro est psychiatre pour enfants et adolescents, psychanalyste et professeur à l’université Paris-Descartes. Chef de service à la Maison des adolescents de Cochin (Maison de Solenn, Paris) et à l‘hôpital Avicenne (Bobigny), elle a notamment publié Aimer ses enfants ici et ailleurs. Histoires transculturelles, qui a été un grand succès.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 janvier 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738196606
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, JANVIER 2010
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9660-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À mes frères et sœurs, à mes enfants, à mes parents, à Dalila R. À tous les enfants de demain.
Introduction
L’époque nous apprend à avoir des convictions

« De toutes les faces que prend l’idéal (ou si ce mot vous ennuie, le sentiment du mieux), le voyage est une des plus souriantes et des plus trompeuses. […] Cependant la divine espérance va toujours son train, poursuivant son œuvre dans nos pauvres cœurs, et nous soufflant toujours ce sentiment du mieux, cette recherche de l’idéal. »
George S AND (1855, p. 45).

Récits intimes, voyages lointains
J’ai appris à devenir sensible à la diversité des êtres, de leur fonctionnement psychologique, de leur structuration familiale en écoutant les enfants, leurs parents et tous ceux qui les accompagnent. Cela, je voudrais vous le transmettre ici, à travers ce livre, non pas par la démonstration, mais par l’émotion, la rencontre, le récit. Je me destinais à devenir un médecin sans frontières, qui parcourt le monde entier pour soigner encore quand il ne reste plus rien, ou presque, lorsque j’ai été arrêtée par ce que me disaient les migrants et leurs enfants. C’était il y a plus de vingt ans, en région parisienne, à l’hôpital Avicenne de Bobigny.
Je croyais connaître les enfants de migrants, ayant moi-même migré de la Castille familiale à la forêt ardennaise, mais j’ai été surprise par les récits que j’entendais à la première personne dans cette consultation transculturelle qui venait de s’ouvrir. Ces mots, ces images, ces doutes, cette manière plurielle de voir le monde, d’élever ses enfants, de les aimer, de les éduquer, de les soigner, et l’incompréhension que cela suscite de la part de ceux qui, convaincus de leur savoir, au nom de la science ou de la logique, abrasent l’autre, tous ces petits riens m’ont donc arrêtée dans mon désir de voyages lointains. Ils m’ont arrêtée dans mon voyage humanitaire, le temps d’apprendre de ces enfants et de leurs parents. J’ai poursuivi ensuite mon travail au loin, mais autrement, dans des situations tragiques comme la guerre ou les catastrophes naturelles. Plus tard encore, j’ai continué de développer cette clinique transculturelle non plus dans nos banlieues multiculturelles qui, malgré leur proximité géographique du centre de nos villes, sont toujours rejetées à la périphérie de notre pensée, mais au cœur de Paris, à la Maison des adolescents, ou Maison de Solenn, de l’hôpital Cochin. Ce travail transculturel se développe aussi dans d’autres villes comme Bordeaux (avec Claire Mestre) ou Besançon (avec Jonathan Ahovi).

Passer de l’un au multiple
Comment bien faire grandir des enfants dans un monde qui bouge et se transforme, dans un monde complexe où nombre de nos idées, liées à une époque et à un monde sédentaires, ne sont plus de mise ou sont insuffisantes pour nous aider à les comprendre et à les accompagner ? La diversité continue aujourd’hui d’être essentiellement vue comme un obstacle. Tout comme la multiplicité, le métissage, le changement, le transitoire ou la différence par rapport à la majorité.
C’est une tentation normative de vouloir définir un modèle unique quand les situations sont plurielles, de faire comme si tous les enfants avaient besoin naturellement d’une famille sur le même modèle pour construire leur identité (construction du moi, identité sexuelle, intériorisation des limites et de l’autorité, etc.). Et c’est une tentation dangereuse, car les familles d’aujourd’hui ne sont plus celles d’hier, et celles de demain le seront encore moins. Nos enfants n’y trouvent pas le même cadre, les mêmes bases, les mêmes éléments pour se construire. Ils font très vite, très jeunes, très tôt, l’expérience du mélange et du multiple. Désormais, un enfant peut naître dans une famille où il y a deux hommes seulement, deux femmes (couples homoparentaux) ou un seul parent (familles monoparentales). Il peut naître dans une famille et grandir dans une autre (adoptions), mais il peut aussi passer d’une famille à l’autre (séparations parentales), être confié à un autre membre de la famille comme dans certaines immigrations d’enfants d’Afrique ou des Antilles. Il peut aussi être un enfant de migrants, un enfant de couples mixtes, un mineur isolé qui arrive en Europe clandestinement…

Sous plus d’un ciel
Dans toutes ces situations, les enfants sont confrontés directement ou indirectement à plusieurs modèles familiaux et doivent se construire avec cette diversité. Un rapide survol anthropologique des différents modèles familiaux et d’élevage des enfants montrerait, sans aucun doute possible, la multiplicité de ces structurations, leur mobilité dans le temps et l’espace, leur incroyable diversité, leur mobilité, leur labilité aussi. Un tel coup d’œil anthropologique établirait que ces ingrédients sont culturels, et non pas naturels, et que les faire varier est aussi le propre de l’humanité. La culture est ce système d’interprétations, complexe et sublime, qui oublie qu’il en est un ; ce n’est, en aucun cas, un instrument de mesure objectif. C’est sans doute comme cela qu’on accède à l’universalité psychique, en faisant varier le particulier. Sous plus d’un ciel, selon les beaux mots du poète jordanien Anjad (2002) qui, à Londres, a publié un recueil de poèmes sous ce titre annonciateur de la vie des enfants de demain.

Moving stories
Mon tour est venu de vous parler d’eux, des familles migrantes et de leurs enfants, de vous rapporter leur poésie, leurs images, leurs doutes, leurs langages, leurs rêves, mais aussi leurs difficultés, leurs raideurs et leurs tentatives pour les transformer. Mon tour est venu de vous parler d’eux, aussi parce qu’ils sont sources de vie et de connaissances pour nous tous. Modifier notre regard sur la famille et sur les ingrédients qui permettent la structuration des enfants, voilà encore ce que nous aident à faire les enfants de migrants, car qui, demain, peut être tout à fait certain de ne pas partir vivre sous d’autres cieux, sous plusieurs cieux, de ne pas se séparer ou construire une nouvelle famille ? Aller de l’infiniment petit et intime, de la parole et de la vie telles qu’elles s’expriment dans une consultation ouverte à tous ceux qui viennent d’ailleurs, aller de ce lieu si privé à la société, telle qu’elle est et telle qu’on peut la rêver pour demain : c’est ce voyage de l’intime à la société que je vous propose maintenant de commencer avec moi.
Chapitre premier
La famille du désir : inventer ailleurs

« Miguel découvrit soudain qu’il y avait quelque chose de terrifiant dans la solitude de l’immigration, une sorte de descente dans un gouffre, un tunnel de ténèbres qui déformait le réel. Kenza s’était laissé prendre dans un engrenage. Azel, lui, avait carrément dérapé. L’exil était le révélateur de la complexité du malheur. »
Tahar B EN J ELLOUN (2006, p. 243).

Comment se construisent les familles : désirs, conflits, doutes et élan vital Abdalah et la divine espérance
Abdalah est parti avec plein d’images de sa terre dans la tête : des oliviers torturés, des figuiers odorants, des myrtes précieux, des orangers à qui il fallait parler pour que les oranges soient bonnes et juteuses, et des citronniers en fleur. Et il y avait aussi des roses aux couleurs douces, des palmiers majestueux. Il se souvient de la couleur de son luth et de ses sons parfaits, luth qu’il a vendu pour payer son voyage clandestin sur une patera , comme appellent les Espagnols ces embarcations de fortune sur lesquelles arrivent les migrants sur leurs côtes. Il se souvient des rythmes âpres des chansons qu’il a apprises de sa grand-mère maternelle et des intonations aiguës qui le touchaient tant. Il a quitté ce monde autant par nécessité que par choix, pour fuir le joug pourtant tant aimé de sa famille modeste et croyante. Il croyait en un autre destin pour lui, un destin unique. Un désir d’idéal et d’aventure s’était infiltré à l’intérieur de lui, presque subrepticement, sans crier gare. On lui avait raconté l’histoire d’un arrière-grand-père paternel, grand mystique soufi, qui partait faire des retraites « de l’autre côté du monde ». C’était pour lui le personnage de sa famille le plus proche. L’aventure était sans doute maintenant l’émigration, il s’y jetait corps et âme. Il y pensait depuis toujours, depuis qu’il était en âge de se souvenir. Il en appréciait d’autant plus ce qu’il faisait et ce qu’il voyait, il savait que cela était transitoire, qu’il le quitterait dès que le moment serait venu. Et ce moment arriva un jour qu’il croisa un cousin qui avait déjà essayé de partir et qui avait été refoulé par les Espagnols. Ce cousin d’une dizaine d’années plus âgé lui raconta les lumières de Motril, le port des côtes andalouses où il avait accosté après avoir été sauvé par un bateau de pêche. Il évoqua la douceur de la vie là-bas, vie qu’il n’avait pas goûtée mais dont il avait été si proche. La douceur du miel, comme disent souvent ceux qui partent. Ce cousin avait identifié un prochain départ clandestin, il lui proposait de l’accompagner. Abdalah avait à peine quatorze ans, mais il était prêt. La seule chose qui le retenait, c’était sa grand-mère maternelle, si vieille pensait-il qu’il ne la reverrait pas s’

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