Mort des mots
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Mort des mots , livre ebook

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Description

« C’est dur d’expliquer... le monde informe, sans forme, difforme... Le monde de la casse... On perd les mots, on perd les repères. Les mots sont-ils les repères ? Repères perdus... Perds et reperds... Monde inconnu, inexploré... Infini et indéfini... Sans forme, sans limite, sans bord... Abîme... Le monde abimé est un abîme... On bascule, tout bouscule.

Seul. On est seul. Personne ne peut parler de cette expérience inquiétante. Quelqu’un a-t-il vécu ce basculement, cet ?... Horrible – et étrangement merveilleux, parfois... Parce que, là-bas, on ne connaît plus les limites, ni le temps, on flotte, tout simplement. Bienheureux... »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334169943
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-16992-9

© Edilivre, 2017
Dédicace

Pour Jean-Dominique
Exergue

Je dois être prêt à renoncer à ce que je suis pour devenir ce que je serai à l’avenir.
Albert Einstein


La nuit est tombée dans la chambre ; elle dort. Vraiment ? Elle ne sait plus rien. Juste la nuit et la douleur, le hurlement dans la tête. Ça tape, ça frappe, ça martèle dans la tête. Ça crie, ici et ailleurs. Ça vrille. Ça stridule. Dans la tête. Ça hurle, se bouscule, bascule. Ça cogne. Ça tord. Dedans. Dehors. La tête. Le corps. Ils arrivent. Ils entrent. Ils sortent. La tête éclate.
Dans le lit, dans le noir incertain de la ville, elle s’agite au rythme des cymbales affolées. Elle ne sait plus rien d’elle, même pas qu’elle est. Elle dort, au loin.
Jadis, Ana ; une jolie blonde de trente ans, un neurochirurgien à la carrière prometteuse, maman de la petite Emilie, amoureuse de Martin.
Jadis : il y a quelques heures…
Chapitre I
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme /…/
Arthur Rimbaud (Sensations)
Entre.
Mouvement ample de la main gauche, valide.
Merci de poser tes chaussures à côté des miennes. Laissons la boue dehors. C’est l’aide-ménagère qui nettoie… Bienvenue chez moi. Belle pièce, non ? Au soleil levant. Le matin, au petit déjeuner, je m’assieds devant la baie vitrée. Je regarde le soleil monter sur le Pilat. Je songe… Bien-sûr, je continue à marcher malgré ma patte folle ! Le Pilat m’a sauvée, parfois, je crois. Sûr même ! Regarde : toutes les saisons s’écrivent sur la montagne ; aujourd’hui à la fonte des neiges, les virgules blanches à la lisière des forêts, demain, les taches colorées des prairies printanières… Je peux rester des heures devant la fenêtre… Je suis bien ici.
Tu veux du thé ? Tu verras, il est délicieux. Je l’achète à Paris. Paris, Paris… Elle prend le temps ; avec sa main gauche elle pose la bouilloire sur la plaque électrique. C’est bien que tu viennes chez moi. Installe-toi. Elle le regarde satisfaite en s’asseyant bien droite dans le fauteuil en face de lui. A Paris, je participe à des conférences. Je témoigne de l’intérieur dans des colloques pour le grand public, les aphasiques et leurs familles. Les professionnels aussi. Avec le professeur Machin et le professeur Bidule. Tu en as entendu parler ?… De grands spécialistes de l’aphasie et du cerveau lésé. Ils me demandent souvent d’intervenir. Tu sais, j’ai fait beaucoup de recherches sur l’aphasie. Vingt ans que je suis dedans… Quand une pierre tombe dans l’eau elle fait des ronds à la surface et des rides qui s’étendent… Partout… Plus rien n’est pareil. Jamais… L’anévrysme, l’hospitalisation, la perte sociale de ton métier, la perte des amis… Et l’amour s’en va. C’est la solitude. Tu perds tout.
Je continue ? Elle se carre bien dans le siège ; on sent une habileté pour compenser le déficit du côté droit. L’aphasie… Sans parole… Sans mot… Sans pensée ?… Sans communication avec les autres… Tu es médecin, tu connais ça. Moi, je la vis, l’aphasie, dedans.
Trop de questions à la fois ! Attends ! Tu me bombardes. Rire. D’abord le thé. Il est bon, non ? Oui, tu as raison, la bouilloire siffle, j’ai encore oublié d’arrêter la plaque ! Quelle étourdie ! Pas grave… Ça agaçait beaucoup Martin… Enfin… Soupir : c’est fini… L’aphasie apprend la lenteur et le laisser-faire…
Reprenons : tu me demandes… Est-ce qu’on garde des souvenirs de la réanimation ? Comment perçoit-on le monde au réveil ? Est-ce qu’on a conscience du problème ? Comprend-t-on les mots des autres ? Je peux te parler uniquement de moi. Au début… les mots… Ils n’ont pas de sens. Il n’existe même pas l’idée du mot, de ce que peut être un mot. On ne peut pas imaginer, c’est impossible.
La mort des mots, c’est atroce… La mort du monde… Le vide…
Non… Non, les images…
Les images… c’est plus tard qu’elles se jettent – terribles _____ difficiles ________ se collent ____ s’incrustent en toi ____________ une deuxième peau fondue à toi _______
_______________ Non.
Au début il n’y a rien.
RIEN.
Je vais te raconter à tout petits pas, depuis le commencement. Enfant, on apprend « au commencement était le Verbe ». Tu te rends-tu compte ? Comment faire sans le verbe ? Sans verbe, pas de commencement ? Avant le début ?… Dans les limbes… Avant le temps ? Tu devines le chaos !
Rupture d’anévrysme, coma, réa… Tu as su ? On s’était perdu de vue…
Réa… Chirurgie… Craniotomie… Les bruits… La douleur et les bruits… C’est tout…
Non… Non, ça va… Ça ne me dérange pas de me rappeler… Juste un autre monde… Très loin…
Elle suspend son geste, la tasse au-dessus de la table, oiseau en attente de se poser. Le ton ralentit, encore :
Il y avait des rêves… étranges… parfois des cauchemars… Bloquée, ligotée dans mon lit. Sans bouger… Pourquoi ?… Je tentais quelques mouvements du bras pour me détacher… Impossible. J’étais en Asie. Les gens parlaient à toute vitesse, en Chinois… J’étais perdue.
Parfois j’étais assise dans une voiture qui dévalait une route avec des virages, à toute vitesse. Et je ne pouvais pas conduire, ni prendre le volant ni freiner. J’avais peur.
Ou bien on cherchait à me faire parler. Au-milieu de quelle guerre étions-nous ? Il y avait un secret ; je ne devais pas le dévoiler. Quel secret ? Je n’avais rien à dire. Je ne comprenais rien. Des figures effrayantes approchaient, me menaçaient. Hurlaient. Dans une langue inconnue… On me poussait dans une machine qui broyait la tête et les os. J’avais mal.
D’autres fois aussi, il se passait de grands moments – il se passait ! Non, rien ne se passait dans ces moments-là. Le temps s’est perdu entre mer étale et ciel vide ___ il tourne en rond __________ s’enroule dans la vague__________ Le temps s’immobilise. En plein dans le flou. Plus de conscience de soi. Où commence le corps ? ______ Où finit-il ? Corps immense et/ou minuscule… Plus de limite, plus de frontière… Sans émotion, sans affect, sans lien. Un espace où tout est à sa place. Le minuscule fait partie de l’univers = le minuscule est l’immensité de l’univers. Plus d’attente___ Voyage immobile___ Danse étrange. Sur le lit le corps tangue à peine ______________ la tête bouge si peu qu’on se demande _____ juste un petit vertige ; le plafond oscille entre les murs stables_ Aujourd’hui il m’est bien difficile de te décrire ce qui me paraissait alors naturel. La quiétude __ je l’ai perdue ______ j’en rêve encore _________________________ Une présence à soi.
Gamine, je passais mes vacances dans une station balnéaire en Espagne. On trouvait des boutiques un peu bizarres. L’une d’elles attirait particulièrement les passants. En vitrine : un circuit automobile et des voitures miniatures téléguidées. Les...

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