Mères majuscules
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Mères majuscules , livre ebook

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Description

Dans ce livre, Mères majuscules, il ne s’agit pas d’une figuration de la mère en majesté avec son enfant, mais plutôt d’une représentation contrastée d’elle-même où se lit la nostalgie. La nostalgie d’un autre enfant auquel le sien ne correspond pas ou plus, mais qui l’habite d’une telle manière que son regard sur l’enfant réel, l’enfant de chair, en est altéré. Que transmet-on plus tard, en tant que parent, homme ou femme, d’une figure de mère aussi particulière, à la fois omniprésente et insaisissable ? Quelle empreinte laisse-t-elle ? Que dit-elle de l’enfance ? On y pense, puis on l’oublie, quitte à en retrouver la trace dans la relation avec ses propres enfants, ou alors dans une absence d’enfant. Danièle Brun se penche ici sur les situations du quotidien où l’histoire du corps de l’enfant sollicite celle du désir et du fantasme maternels. La maternité s’y révèle jusque dans ses racines : le devenir femme de la petite fille. Ainsi s’ouvrent et se découvrent les voies qui mènent vers la clé des Mères. Danièle Brun est psychanalyste, membre d’Espace analytique. Elle est présidente de la société Médecine et Psychanalyse. Elle est professeur émérite à l’université Paris-Diderot. Elle a publié La Passion dans l’amitié (2005) et Les Enfants perturbateurs (2007).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 janvier 2011
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738199478
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DANIÈLE BRUN
Mères majuscules
 
© Odile Jacob, février 2010 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-9947-8
www.odilejacob.fr
Sommaire

Avant-propos
PREMIÈRE PARTIE : La mélancolie maternelle
Chapitre 1 : La clé des Mères
Chapitre 2 : Une architecture entre mère et fille
DEUXIÈME PARTIE : Parents orphelins
Chapitre 3 : Déméter ou la fécondité menacée
Chapitre 4 : Un appel sans réponse
TROISIÈME PARTIE : Des liens à rompre
Chapitre 5 : Le poids de la peur
Chapitre 6 : Corps miroir, corps miroité
QUATRIÈME PARTIE : Effets d’annonce médicale
Chapitre 7 : Croire ou ne pas croire
Chapitre 8 : L’éclatement narcissique
CINQUIÈME PARTIE : Propos sur la maternité
Chapitre 9 : Un rêve d’enfance
Chapitre 10 : L’occasion d’un dédoublement

Remarques finales
Bibliographie
Remerciements
Du même auteur
À la mémoire de
Renée B. R., ma mère.
« J’ai aimé des êtres, je les ai perdus. Je suis devenu fou quand ce coup m’a frappé ; car c’est un enfer.
Mais ma folie est restée sans témoin, mon égarement n’apparaissait pas, mon intimité seule était folle.
Quelquefois, je devenais furieux. On me disait :
pourquoi êtes-vous si calme ? Or, j’étais brûlé des pieds à la tête ; la nuit, je courais les rues, je hurlais ; le jour, je travaillais tranquillement. »
 
Maurice B LANCHOT , La Folie du jour .
Avant-propos
Mères majuscules , si ce titre fait rêver, c’est bien. Il est vrai qu’avec la majuscule, le mot mère devient un nom propre dans lequel le respect et la distance s’imposent comme il convient. S’y décèle l’image idéale à laquelle chacun, chacune peut confronter ses souvenirs et ses images, quitte à ménager une place pour un irréductible écart avec la réalité du vécu et de l’existence. Jusqu’ici, rien de bien nouveau. Sans doute est-il préférable de partir du familier ou du déjà connu pour avancer progressivement vers des situations plus complexes. Ce qui ne veut pas dire qu’elles sont compliquées. Elles ont leurs particularités, ce qui n’est pas la même chose.
Dans Mères majuscules , il ne s’agit pas d’une figuration de la mère en majesté trônant avec son enfant dans les bras, mais d’une représentation de sa nostalgie. La nostalgie d’un autre enfant auquel le sien ne correspond pas ou plus, mais qui l’habite d’une telle manière que son regard sur l’enfant réel, l’enfant de chair en est altéré. Quand, comment et pourquoi cela se produit-il ?
Autant de questionnements, autant de pistes que les situations de la vie quotidienne et de la vie du corps viennent éclairer. Ces situations qui jalonnent l’existence, de la naissance à la mort, et qui sont largement explorées dans ce livre marquent les liens entre mères et filles. Elles commencent apparemment par l’enfant pour reconduire aux origines de la maternité. Ce peut être la crainte partagée que toutes les mères éprouvent pour le maintien en vie de leur bébé et qui les pousse à s’assurer de jour comme de nuit qu’il respire bien. Il peut s’agir aussi d’une stérilité féminine ou masculine qui met en suspens le désir d’enfant d’un couple. Il peut également s’agir d’une maladie chronique, invalidante, d’origine génétique ou congénitale qui handicape l’enfant et qui mène les parents, en contrepoint de leur enfant réel, à imaginer qu’ils auraient pu avoir un enfant en pleine santé. Il peut encore s’agir d’une maladie grave comme le cancer conduisant à la mort ou, plus souvent, à la guérison, mais qui, dans l’un et l’autre cas, bouleverse considérablement l’équilibre familial et entraîne la mère à réviser profondément les sources de son désir d’enfant et de son attachement. C’est une révision profonde qui ne porte pas que sur les valeurs de la vie quotidienne, car elle la renvoie aux racines de son vœu de maternité ainsi qu’à sa relation précoce à sa propre mère. Pour ce qui la concerne, ce qui habituellement demeure soustrait à sa pensée consciente devient alors beaucoup plus présent.
Devenir Mère majuscule, c’est avoir affaire à un surgissement de l’archaïque qui ne manque pas de surprendre, à commencer par les intéressées elles-mêmes qui se sentent débordées et qui tentent de n’en rien savoir. Les Mères majuscules ne peuvent s’empêcher d’imaginer qu’elles auraient pu avoir l’enfant de leurs rêves et de cultiver une image d’enfant idéal, impossible à avoir. Face à la confrontation avec cet impossible qu’elles se créent sans savoir comment ni pourquoi, parce que cela échappe à leur maîtrise, elles sont guettées par la mélancolie. De l’extérieur, y compris pour l’enfant de chair qui est là et qui requiert ses soins, elles donnent l’impression d’être dans leur monde. L’impression est juste, encore que les détails du monde qui les absorbe soient difficilement accessibles pour autrui.
Pour l’entourage et l’environnement proche, y compris le monde des soignants, lorsque surgit, sous quelque forme que ce soit, un sentiment d’impuissance devant le destin de l’enfant, il devient partagé et partageable. Chacun s’en saisit comme d’un témoin dans un relais, pour en travailler le passage selon la place qu’il occupe dans le moment : parent, conjoint, enfant de la fratrie, médecin, pédiatre, gynécologue, ancien malade, psychanalyste. Il y va pour chacun d’une dramaturgie particulière face à la femme qui, en tant que mère, fait l’expérience d’une perte qui la concerne intimement.
Mère, si ce mot, selon l’usage, désigne « une femme qui a mis au monde un ou plusieurs enfants », on perçoit mieux ce que l’appellation Mère majuscule peut véhiculer. Elle trouve ses fondements dans les déceptions qui balisent le devenir femme de la petite fille. C’est une histoire dont il convient de récupérer la clé. Aussi la définition des Mères majuscules ne figure-t-elle pas dans le dictionnaire, pas plus au singulier qu’au pluriel.
Dans quelles circonstances, plus ou moins fréquentes, dire qu’une femme en est une ou qu’elle en est devenue une ? Elle qui sait se faire simultanément femme et mère, amoureuse et aimante, a multiplié les expériences de dédoublement depuis sa tendre enfance. Elle a aimé et haï avec une force égale le premier objet de son attachement qu’a été sa mère. Elle lui a envié le pouvoir d’être mère si bien qu’en pensée elle le lui a ravi en imaginant très tôt être mère à sa place, grâce à la toute-puissance de ses fantasmes. Une toute-puissance qui date de ses premières années, dont elle a tout oublié mais vers laquelle l’histoire de sa maternité la reconduit malgré elle lorsqu’elle la voit échapper à ce qu’elle en attendait. C’est alors qu’une division, constitutive de sa nature de femme, la fait réagir de façon à la fois radicale et particulière. Le mot Mère majuscule restitue la division intime que connaît la femme dans le rapport à sa maternité et à son enfant.
Qu’exprime donc la mère qui se fait pour elle-même et aux yeux d’autrui majuscule ? Cet état de Mère majuscule est-il pour elle permanent, durable ? Peut-il être transitoire, évoluant au gré du rapport imaginaire qu’elle entretient depuis sa petite enfance avec la représentation d’un enfant tout à elle, une ombre en somme ? Et sur quels déclics les remaniements de sa relation à l’enfant du présent vont-ils s’effectuer ? On oublie ou on préfère ne pas savoir qu’on sait combien il est nécessaire de s’adresser à elle comme fille et comme femme avant de s’adresser à elle comme à une maman responsable quoique insaisissable.
On prête – la psychanalyse prête – mille détours à la femme pour échapper au manque et à la dépossession que les aléas de la vie lui infligent, ce que l’expérience de l’enfantement met bien souvent en évidence lorsqu’elle ne se passe pas selon ses souhaits. Par enfantement, il faut entendre à la fois accouchement et accompagnement au long de la vie de l’enfant qu’on met au monde. Cela étant, l’histoire commence bien avant, du côté de sa propre mère, et elle se prolonge bien après, du côté des enfants qu’à son tour on met au monde et qui se cherchent tout en cherchant à rejoindre leur mère. Fille ou garçon, qui ne s’est jamais posé de questions, qui n’a pas essayé de comprendre pourquoi la mère se faisait parfois lointaine, absorbée dans un monde à part ? Et que transmet-on plus tard, en tant que parent, homme ou femme, d’une image maternelle aussi particulière ?
Ces caractéristiques et ces manifestations prennent davantage de relief à être mises en parallèle avec des exemples tirés de la littérature. Dans le fil de ma réflexion, je me suis ainsi trouvée conduite à reprendre l’histoire de l’un ou l’autre des personnages clés de l’histoire de la psychanalyse et de la médecine. Cela m’a permis d’établir des analogies avec le comportement des femmes du monde moderne. La lecture des observations du passé et celle des commentaires qui en ont été faits m’ont aidée dans la compréhension des récits d’aujourd’hui. D’où, à mes yeux, une bien meilleure lisibilité des histoires de vie et de leurs enjeux relationnels.
Qu’une femme, dans de multiples circonstances de la vie, puisse se laisser glisser vers un état de Mère majuscule, c’est ce qui se précise au fur et à mesure des chapitres du livre. L’importance de la majuscule devient évidente. La diversité des représentations qui se construisent autour de la mère et de sa maternité lui donne toute sa mesure. On saisit mieux alors ce qui peut inciter une femme à renoncer à un état de Mère majuscule. On s’aperçoit que c’est pour elle(s), au singulier comme au pluriel, un parcours inédit, une façon exemplaire d’aller dans les profondeurs d’un soi ignoré, d’y découvrir des clés jusqu’alors imperceptibles, mais décisives, tout particulièrement celles de la féminité.
PREMIÈRE PARTIE
La mélancolie maternelle
1
La clé des Mères
« Ma mère, quelle drôle de femme ! Elle est bizarre », dit une jeune femme pour mettre un point provisoire à une longue réflexion sur leurs relations. « Ma mère ne voulait pas avoir d’enfant », dit une autre qui tente, elle aussi, de mieux comprendre ce qui s’est passé au long de ses années d’enfance.
I

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