Mélancolies identitaires
67 pages
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Mélancolies identitaires , livre ebook

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Description

Journal de bord d’une expérience de sociologie extrême, Mélancolies identitaires se penche sur le cas de Mathieu Bock-Côté, volubile conservateur, ennemi déclaré du « politiquement correct », Québécois et fier de l’être, ce qui ne l’empêche pas de sévir dans l’Hexagone où la droite la plus infréquentable lui ouvre grand les bras.
Si Mark Fortier a lu et écouté cet agitateur omniprésent pendant un an, c’est pour tenter de comprendre comment notre société a pu devenir une caisse de résonance pour des discours comme le sien. En effet, s’éloignant rapidement de son pré-texte, l’auteur dépeint un monde contemporain qui menace d’être dépourvu de lui-même et d’où la pensée est bannie, éclipsée par le verbiage dont le jeune pourfendeur de la « gauche progressiste » s’avère être un réel prodige.
Un essai littéraire écrit dans les règles de l’art, où il sera surtout question d’hospitalité, d’ornithologie, des centres commerciaux et du père Noël.
« Je ne saurai jamais ce que pense un ver de terre ou un caillou. Il m’est cependant permis d’espérer comprendre Mathieu Bock-Côté, car on peut toujours aspirer à percer l’écorce d’une idée, même celles qui surgissent devant nous comme des phénomènes extraterrestres. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 novembre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782895967736
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Lux Éditeur, 2019
www.luxediteur.com
Dépôt légal: 4 e  trimestre 2019
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN (papier): 978-2-89596-307-3
ISBN (epub): 978-2-89596-773-6
ISBN (pdf): 978-2-89596-962-4
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC . Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada pour nos activités d’édition.

À Geneviève, Romane et Justin, mes remèdes contre la mélancolie

Mais quand les hommes se lamentent sur un Tout qui doit être perdu et dont personne en Allemagne n’a jamais eu connaissance, et encore moins le souci, alors il faut que je dissimule mon impatience pour ne plus paraître discourtois.
Goethe
SOCRATE (venant de lire un chroniqueur à la mode): La rhétorique n’a aucun besoin de savoir ce que sont les choses dont elle parle; simplement, elle a découvert un procédé qui sert à convaincre, et le résultat est que, devant un public d’ignorants, elle a l’air d’en savoir plus que n’en savent les connaisseurs.
GORGIAS (qui possède le journal): Mais la vie n’en est-elle pas beaucoup plus facile, Socrate?
Platon

M ODE D’EMPLOI
C E LIVRE EST NÉ d’une résolution en apparence assez simple, celle de lire ce qu’écrirait le chroniqueur et essayiste Mathieu Bock-Côté (MBC) pendant un an. Tout lire. Rigoureusement. Chaque jour. Même si notre homme donne par moments l’impression d’écrire plus vite qu’on ne pense. Il me fallait un trou de serrure par lequel suivre l’actualité, et ce trou, ce fut MBC. Un choix qui s’est imposé de lui-même, car il n’y a pas au Québec de voix médiatique plus omniprésente que celle de cet intellectuel organique du groupe Québecor, cette immense pieuvre médiatique qui domine les marchés de la télévision, de la presse écrite, de l’édition, du câble et d’internet. On peut ainsi lire MBC dans le journal, le voir à la télévision, l’entendre à la radio, et sur toutes ces tribunes, il prône avec ténacité un conservatisme de combat. Notre homme jouit même d’un privilège longtemps réservé, parmi les Québécois, aux chanteuses à voix: celui de triompher en France. À Paris, on le trouve rafraîchissant. La droite française se régale de ses livres qui critiquent la gauche culturelle et défendent avec ardeur l’«identité» et la «civilisation» occidentales. On voit en lui un Zemmour à visage humain qui oxygène la pensée conservatrice.
L’écrivaine et journaliste Denise Bombardier, émue par ce succès européen, ne tarit pas d’éloges: «Comme il parvient à battre les Français sur leur propre terrain, celui de la parole percutante, fluide, rationnelle et personnelle, on s’incline devant ce garçon au physique de joueur de football américain [1] .» Le meilleur des deux mondes, en somme. Madame Bombardier se sentait-elle obligée à la flatterie parce que quelques mois auparavant, dans le même journal, MBC avait qualifié son autobiographie de «chef-d’œuvre [2] »? Peut-être. Mais même la conscience libre de Louis Cornellier, chroniqueur établi du quotidien Le Devoir, le pousse à déclarer que MBC appartient tout bonnement «à l’élite de la pensée occidentale». Un statut que ne lui refuserait pas Vincent Trémolet de Villers du Figaro qui, sans doute par pudeur, s’est contenté de dire de MBC qu’il «voit tout, lit tout, comprend tout [3] », autant d’attributs divins qui justifient à eux seuls qu’on le lise. Je ne pouvais, de toute évidence, rêver de meilleur révélateur des temps présents.
La méthode que j’ai adoptée pour écrire ce livre s’inspire de celle de Morgan Spurlock dans Super Size Me – que l’on pourrait traduire par «Grossissez-moi». Dans ce film, le documentariste s’est imposé de manger trois fois par jour chez McDonald’s pendant un mois afin d’étudier les effets de la malbouffe sur le corps, lesquels se sont révélés stupéfiants: nausées, prise de poids, symptômes précurseurs d’un malaise cardiaque, difficulté à se concentrer. La lecture de MBC n’est pas une cause d’insuffisance rénale, et tout le monde aura compris que cette expérience consiste à observer l’impact d’un tel exercice non pas sur le corps, mais sur l’esprit humain. Comment le monde apparaît-il à celui qui, chaque jour, s’y rapporte avec en tête les propos d’un tel agitateur? En nourrissant son intellect avec les opinions de MBC, qu’est-ce qui viendra à le préoccuper? Peut-il jongler avec de telles enclumes sans s’en échapper une sur la tête et se commotionner?
C’est avec ces questions en tête que j’ai suivi les chemins parcourus par MBC, prenant des notes, tenant un journal de mes observations et de mes étonnements afin de capter une image de ce que nous sommes en train de devenir. La lecture de MBC a donc littéralement été un pré texte, le geste qui a précédé la production de ces Mélancolies identitaires, un carnet assez libre dans sa forme, qu’il faut lire comme un contrepoint aux pulsions conservatrices de notre sujet. Ce livre n’est pas une analyse de ses discours. Ce n’est pas non plus un pamphlet. Ce serait accorder trop d’importance au personnage. C’est une exploration, aussi sérieuse que légère, des thèmes développés par une droite qui, des Amériques à l’Europe, gagne en force et s’incarne désormais dans des personnalités médiatiques éclatantes, tonitruantes, parfois pittoresques, souvent inquiétantes.
On me reprochera peut-être de contester le conservatisme politique autrement qu’en m’enthousiasmant pour ses adversaires de prédilection, la gauche dite «culturelle et identitaire». Refuser de prendre position sans avoir la prudence de se retirer des débats est un risque. Quiconque serait tenté de rester au milieu d’une bataille, mettait en garde Thucydide, s’expose à périr sous les coups des deux camps. Mais de la contrainte et du risque, raconte-t-on aussi, naissent la pensée et la beauté. C’est dans cette espérance qu’ont été écrits les textes qui suivent: que de la corvée de lire MBC puissent surgir quelque fulgurance, de la tendresse et, qui sait, quelques bribes de vérités.

P ORTRAIT DU JEUNE HOMME EN HÉRITIER
M ATHIEU B OCK -C ÔTÉ a vu le jour en 1980, à Lorraine, une paisible et verdoyante banlieue de la grande région montréalaise. Il est, écrit-il dans un de ses livres, le fruit de l’union entre un «homme de devoir» et «une sainte femme [4] », et comme il a tiré un numéro gagnant à la loterie de la vie, le petit Mathieu a pu grandir à l’abri des turpitudes d’une époque dont il déplore aujourd’hui la décadence dans les pages du Figaro, du Journal de Montréal et dans les revues auxquelles il collabore, L’Action nationale, Argument, Valeurs actuelles . Enfant de ses parents beaucoup plus que de son siècle, il sait dans sa chair tout le «bonheur et la sécurité» que procure une famille unie, et ce sentiment n’est pas étranger à ses dispositions politiques. Il confesse ainsi avoir très tôt compris que l’homme «ne venait pas de nulle part», une vérité de l’enfance qui constitue le fondement de son conservatisme, «celui de la gratitude envers le donné [5] ». Et c’est sa confiance en la valeur inestimable de ce qui a été reçu en héritage qui nourrit la ferveur de son combat contre la «déshérence existentielle» de l’homme occidental, qu’il juge «abandonné dans un monde où la famille comme la nation se sont décomposées et qui, [ne sachant] plus croire en Dieu, [...] erre, d’une déception à l’autre, vers sa déchéance finale [6] ».
Quiconque étudiera de près le discours de MBC s’étonnera de la sérénité que lui procure ce déclin de toutes choses valables. Depuis une quinzaine d’années, ce sociologue annonce la crise d’une civilisation menacée de l’extérieur par l’immigration, rongée de l’intérieur par le multiculturalisme et gangrénée de toute part par les pathologies de l’émancipation, mais l’habile communicateur sait être grave sans devenir sombre. Le plaisir manifeste que lui procure l’exposition médiatique rend ce jeune Cassandre sympathique, voire charmant. Il est moins répulsif que son ami Éric Zemmour [7] , et son admiration intellectuelle pour Finkielkraut ne l’incite pas pour autant à imiter les convulsions du philosophe.
Sa soucieuse bonhomie lui vient sans doute de son père, un «misanthrope» au «pessimisme joyeux», à qui il doit aussi la profonde vénération qu’il a pour la France [8] . Chez les Bock-Côté, le soir, en famille, on écoutait «un vieux trente-trois tours qui réunissait les discours du général de Gaulle lors de son passage au Québec [9] » en 1967. On ne s’é

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