Masculin Féminin II : Dissoudre la hiérarchie
169 pages
Français

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Masculin Féminin II : Dissoudre la hiérarchie , livre ebook

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Description

Ce livre, qui fait suite à La Pensée de la différence, pose deux questions : Pourquoi la hiérarchie s'est-elle greffée sur la simple différence des sexes ? Est-il envisageable de la dissoudre ? À cette double question, Françoise Héritier répond en termes anthropologiques aussi bien que politiques. Comment les hommes se sont-ils assuré le contrôle de la fécondité des femmes, ce pouvoir exorbitant d'enfanter du différent, des fils, aussi bien que de l'identique, des filles ? Comment les hommes ont-ils exploité le corps des femmes dans la prostitution et l'entretien domestique ? Comment, en retour, les femmes n'ont-elles pu commencer à se libérer que du jour où et seulement là où les moyens de contraception leur ont permis de reprendre le contrôle de leur fécondité ? Françoise Héritier examine la possibilité de changements, certains illusoires, d'autres bien réels, et cerne les obstacles qui leur font toujours implicitement barrage. Et pourtant, ces changements ne sont-ils pas la promesse d'une société où la différence et l'asymétrie seraient le fondement non d'une hiérarchie mais d'une véritable harmonie ?Françoise Héritier est professeur honoraire au Collège de France. Elle a publié Les Deux Sœurs et leur mère et Masculin/Féminin I. La pensée de la différence aux Éditions Odile Jacob.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2002
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738185358
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© É DITIONS O DILE J ACOB, SEPTEMBRE  2002
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-8535-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Pour ma mère
Introduction
Le vivant féminin

J’ai publié en 1996 aux Éditions Odile Jacob Masculin/Féminin. La pensée de la différence . Il s’agissait moins d’établir un constat sociologique de la situation dominée des femmes dans le monde, brutalement et absolument dans certaines parties, de façon plus masquée dans d’autres comme le monde occidental contemporain, que de réfléchir, en anthropologue que je suis, sur la pensée de la différence , c’est-à-dire la manière dont la différence des sexes, qui ne comporte dans l’absolu rien de hiérarchique, a été pensée dans les diverses sociétés du monde depuis les origines des temps, en me mettant à la recherche des conditions nécessaires et constantes qui ont amené les hommes à conceptualiser et à traduire en tout lieu cette simple différence en hiérarchie, toujours orientée dans le même sens. Je vais revenir sur l’ensemble des mécanismes que j’ai alors mis en lumière. Mais il me restait deux grandes insatisfactions.

Insatisfactions
La première tenait au fait que dans l’argumentation régressive, de proche en proche, qui était la mienne, la source ultime de cette hiérarchie dans la représentation de la différence, fondée sur l’observation de caractères objectifs et concrets des productions des corps, se trouvait dans le fait que les femmes perdent leur sang sans pouvoir l’empêcher, alors que les hommes perdent le leur volontairement (ou accidentellement) dans des opérations consenties. Mais cela supposait, toute réflexion faite, qu’existât déjà dans les esprits une symbolique de hiérarchisation où le caractère « actif » était supérieur en valeur au caractère « passif », subi. Or cette opération de valorisation symbolique hiérarchisée ne peut être normalement que l’effet de l’observation de la différence sexuée et non un préalable à cette observation, laquelle est en effet à l’origine des catégorisations binaires, tant abstraites que concrètes qui nous servent à penser. Cependant, pour expliquer cette valorisation hiérarchisée, je situais concrètement la domination dans les corps et non plus seulement en esprit, spécifiquement dans la fécondité féminine, pour la raison qu’il avait fallu aux hommes une appropriation individuelle claire et durable de cette faculté qui est l’apanage du féminin, accomplie juridiquement par ces transactions entre hommes que sont les lois de l’échange matrimonial et du mariage. Appropriation qui entérine d’un seul coup pour les femmes la perte de la liberté. Mais ne fallait-il pas aller encore plus loin ?
La deuxième insatisfaction tenait au fait que le tableau d’ensemble, où de mêmes causes produisent de mêmes effets dans la totalité du monde habité, historique mais aussi, comme on peut le supposer, actuel, que ce tableau d’ensemble donc offrait une structure terriblement contraignante dont il semblait difficile de pouvoir s’échapper. On m’en fit reproche. Je posai alors moi-même la question de savoir où se trouvait le levier assez fort qui permettrait, non pas d’inverser la hiérarchie actuelle, ce qui n’aurait aucun sens, mais d’aboutir progressivement à l’égalité non seulement dans la pratique, mais aussi et surtout dans les esprits.
J’ai donc continué à réfléchir sur cette question et, je l’espère, progressé. Ce livre qui est en quelque sorte un tome II, a comme sous-titre Dissoudre la hiérarchie . Je souhaitais l’intituler Solutions de la hiérarchie en raison de la multiplicité de sens du mot « solution » : résolution d’un problème, dissolution d’un obstacle et aussi, dans l’expression « solution de continuité », coupure définitive et irréparable, mais il semble que cette richesse ne pouvait pas être entendue directement par le lecteur. Dissoudre la hiérarchie est, de ce point de vue, un titre plus efficace en ce qu’il sonne comme un programme. Si La pensée de la différence établissait un constat, Dissoudre la hiérarchie indique les enjeux des temps actuels et à venir.
Pour quelles raisons l’humanité en son entier a-t-elle développé des systèmes de pensée valorisant le masculin et dévalorisant le féminin, et traduit ces systèmes de pensée en actions et en situations de fait ? Pourquoi la situation des femmes est-elle mineure, ou dévalorisée, ou contrainte, et cela de façon que l’on peut dire universelle , alors même que le sexe féminin est l’une des deux formes que revêtent l’humanité et le vivant sexué et que, de ce fait, son « infériorité sociale » n’est pas une donnée biologiquement fondée ? On observe évidemment bien des variations ; la situation des femmes et la représentation sociale qui est faite d’elles ne sont pas identiques si l’on compare les Kua du Kalahari avec les Himba de Namibie  1 , ou si l’on s’avise de comparer Touareg et Han de Chine. Certains peuples, comme les Kua ou les Touareg, présentent des systèmes de complémentarité dénués apparemment de hiérarchie et de contrainte, même si la suprématie masculine se voit, chez les uns, dans la répartition valorisée des tâches ou, chez les autres, dans l’impossibilité pour les femmes de s’affranchir d’un statut qui en fait les dépositaires de l’honneur des hommes.

Une essentielle faiblesse féminine ?
Une raison généralement avancée tient à la vulnérabilité du corps féminin pendant la grossesse, l’allaitement et le portage des enfants. Il s’agit là d’une explication dont il faut certes tenir compte, mais qui n’est pas suffisante et encore moins unique : il n’y a pas de relation de cause à effet entre cette fragilité en des moments particuliers et la mise en dépendance du sexe féminin en son entier par rapport au sexe masculin, dans tous les âges de la vie et ce, quelles que soient ou pourraient être les activités et les compétences des individus. Si elle appelle la protection, la fragilité n’implique pas ipso facto la sujétion.
Après cette explication naturaliste et fonctionnaliste, récusons deux autres raisonnements qui ont largement cours. L’illusion essentialiste tout d’abord : il y aurait une nature, une « essence » féminine dont les imperfections justifieraient la soumission du genre féminin en tout point. Nous remplaçons cette explication illusoire et tenace par l’idée de la manipulation symbolique des données concrètes et visibles afin de construire le réel comme nous voulons le voir. Le second raisonnement explique la domination par la violence, la seule force de la contrainte physique. Cette explication pense se renforcer par la croyance en l’existence d’un temps historique où les femmes auraient eu le pouvoir (matriarcat primitif), pouvoir dont elles auraient été destituées par la force et souvent en raison de leur incompétence. Or il s’agit de mythes qui expliquent ce que l’on observe en faisant appel à un état antérieur qu’il a fallu renverser pour que l’état actuel existe. Historiquement et non plus mythiquement, il y a bien eu des périodes où la fécondité féminine était révérée à l’exclusion de tout autre déterminant du féminin, mais cela n’impliquait ni l’égalité des statuts ni a fortiori leur inversion. Mettre la mère à la place de la femme revient à assigner à celle-ci une seule fonction qui oblitère la personne en elle.
Ces trois explications sont souvent associées : ce serait l’imperfection de la nature féminine, dont la faiblesse organique est un des éléments, qui serait cause à la fois de l’échec du matriarcat et de la violence exercée par les hommes pour contrôler cette imperfection. Et cela en dépit des contradictions internes qu’il est possible d’y déceler. En effet, si les femmes sont, de par leur nature essentielle, faibles et imparfaites, on ne voit pas comment la violence a pu être nécessaire de la part des hommes pour les destituer d’un pouvoir qu’elles auraient détenu et pour les asservir, d’autant qu’il est alors hautement improbable que ces faiblesses essentielles leur aient jamais permis d’acquérir un statut dominant. La combinaison des trois explications porte en germe l’inanité de chacune.

Une vision très archaïque
L’inégalité n’est pas un effet de la nature. Elle a été mise en place par la symbolisation dès les temps originels de l’espèce humaine à partir de l’observation et de l’interprétation des faits biologiques notables. Cette symbolisation est fondatrice de l’ordre social et des clivages mentaux qui sont toujours présents, même dans les sociétés occidentales les plus développées. C’est une vision très archaïque, qui n’est pas inaltérable pour autant ; très archaïque puisqu’elle dépend d’un travail de la pensée réalisé par nos lointains ancêtres au cours du processus d’hominisation à partir des données que leur fournissait leur seul moyen d’observation : les sens. Car les représentations ont la vie dure, et de plus elles fonctionnent dans nos pensées sans que nous ayons besoin de les convoquer et d’y réfléchir. Nous les recevons en partage dès notre enfance et les transmettons de la même manière. Sont-elles pour autant indéracinables ? Non. Les données du réel ont changé parce que les moyens de l’observation ont, certes assez récemment, changé. Les gamètes sont apparus sous le microscope à la fin du XVIII e  siècle, les gènes durant ces dernières décennies. Ce sont, nous le verrons, des connaissances fon

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