Lire Lévi-Strauss
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Description

Lire Lévi-Strauss, c'est avoir à réunir deux versants de son œuvre. Le versant sociologique des structures de parenté et le versant symbolique de l'interprétation des mythes. Curieusement, l'articulation des deux versants est un point aveugle de son œuvre, une « formule canonique du mythe » qu'il a énoncée sans prendre toute la mesure de son rôle. Dans ce livre, Lucien Scubla explique cette formule canonique et montre sa très grande richesse d'utilisation, retrouvant ainsi la source vive de l'une des pensées les plus marquantes de ce siècle. Anthropologue, Lucien Scubla est membre du CRÉA (École polytechnique).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1998
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738142399
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ouvrage proposé par Françoise Héritier
© É DITIONS O DILE J ACOB , JANVIER  1998
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4239-9
Publié sous la responsabilité éditoriale de Gérard Jorland
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
www.centrenationaldulivre.fr
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
« Mieux que personne, nous avons conscience des acceptions très lâches que nous donnons à des termes tels que symétrie, inversion, équivalence, homologie, isomorphisme… Nous les utilisons pour désigner de gros paquets de relations dont nous percevons confusément qu’elles ont quelque chose en commun. Mais, si l’analyse structurale des mythes a un avenir devant elle, la manière dont, à ses débuts, elle a choisi et utilisé ses concepts devra faire l’objet d’une sévère critique. Il faudra que chaque terme soit à nouveau défini et cantonné dans un usage particulier. Surtout, les catégories grossières que nous utilisons comme des outils de fortune seront passibles d’une analyse logico-mathématique véritable dont on nous pardonnera peut-être, eu égard à cette profession d’humilité, de nous être naïvement amusé à esquisser les contours. »
Claude L ÉVI -S TRAUSS
Mythologiques* Le Cru et le Cuit

« I do not think Lévi-Strauss has proved anything, but he has shown in an unprecedented way what scholars can do with myths. »
Walter B URKERT
Structure and History in Greek Mythology and Ritual

« La formule canonique du mythe est une “formule intelligente” […], [elle] représente […] un des plus hauts lieux du structuralisme théorique. »
Jean P ETITOT
L’Homme , 106-107
Avant-propos

Il y a plusieurs façons de se familiariser avec la pensée d’un auteur réputé difficile.
On peut faire appel à un vulgarisateur habile qui propose un survol rapide de l’ensemble de son œuvre, ou encore demander à un guide expérimenté une visite accompagnée des massifs les plus escarpés. Et, depuis cinquante ans que Claude Lévi-Strauss domine la scène intellectuelle, nombreux sont les ouvrages ou les articles qui ont eu pareil dessein et auxquels il est toujours loisible de se reporter.
Mais, s’il nous épargne maintes souffrances, ce procédé a l’inconvénient de ne pas nous mettre en contact avec le tranchant de l’œuvre même. Aussi une façon bien plus efficace consiste-t-elle à affronter directement l’obstacle. À lire, la plume à la main, quelques textes choisis avec soin, non parmi les plus populaires, mais au contraire parmi les plus techniques et les plus denses. En l’occurrence, l’intégralité des Structures élémentaires de la parenté et le chapitre d’ Anthropologie structurale intitulé « La structure des mythes », qui contiennent à eux seuls les hypothèses les plus riches et les plus audacieuses de notre auteur.
Cette manière de faire ne convient pas seulement aux spécialistes. Elle s’impose à tous ceux qui désirent vraiment connaître la richesse et la puissance d’une œuvre de premier plan, et nous ne saurions trop la conseiller au lecteur qui souhaiterait pleinement faire sienne la pensée de Lévi-Strauss.
Nous proposons toutefois ici une autre voie d’accès qui combine les avantages des deux méthodes précédentes et qui s’adresse indifféremment à ceux qui ont lu ou n’ont pas encore lu Lévi-Strauss et ses divers commentateurs.
Elle consiste à trouver un chemin qui permette de se rendre, en quelque sorte, aussi bien en amont qu’en aval du travail de Lévi-Strauss. En amont, pour reconstituer la genèse de l’œuvre en remontant jusqu’à son centre organisateur ; en aval, pour apercevoir les développements possibles du structuralisme dans les décennies à venir. Et tout cela d’un seul et même mouvement, car c’est en regardant à la loupe comment notre auteur a travaillé sur un point crucial qu’on a les meilleures chances de découvrir comment il sera possible de continuer son œuvre, en déjouant les obstacles, en évitant les fausses pistes, et en prolongeant ses intuitions les plus riches.
Cette manière de faire n’est pas conventionnelle, et sans doute n’est-elle pas non plus de tout repos. Mais, de toute évidence, une introduction à la théorie de la relativité ou à la mécanique quantique ne saurait être en cette fin de siècle ce qu’elle était en 1905. Or, toutes proportions gardées, il en va de même pour l’anthropologie structurale. Un demi-siècle après la publication des Structures élémentaires de la parenté , trente ans après la rédaction des Mythologiques , une introduction à la pensée de Lévi-Strauss doit être en même temps, pour ne pas dire avant tout, une introduction à la postérité de Lévi-Strauss, c’est-à-dire aux virtualités dont le structuralisme est porteur et aux conquêtes à venir d’une anthropologie qui en exploiterait les potentialités.
Car, disons-le tout de suite : même si la première phase qu’a connue le structuralisme est bien révolue 1 son histoire n’est certainement pas close. Bien au contraire, une fois disparus quelques préjugés tenaces et tombés les derniers malentendus, un structuralisme dépouillé de ses fausses parures et débarrassé de ses scories a toutes les chances de s’identifier à la méthode scientifique elle-même appliquée à l’anthropologie.
C’est en tout cas ce que nous voudrions montrer dans cette histoire de la formule canonique du mythe, en prenant pour objet de notre réflexion un aspect méconnu, et en apparence marginal, du travail de Lévi-Strauss, mais qui fournit en réalité un fil d’Ariane irremplaçable pour atteindre ce que nous nommions à l’instant le centre organisateur de sa pensée : l’intuition centrale qui commande l’ensemble de son travail et les prolongements que sont appelés à lui donner ses héritiers.
L’échange et la réciprocité comme conditions nécessaires et suffisantes de la vie collective, la parenté comme maillage élémentaire du tissu social et prototype de toutes les institutions : voilà ce à quoi la vulgate structuraliste réduit la sociologie de Lévi-Strauss, c’est-à-dire à quelques propositions qui, de nos jours, et à juste titre, sont mises à mal par des spécialistes réputés 2 .
Mais l’œuvre de Lévi-Strauss déborde très largement ce type de propositions litigieuses qui font conclure trop vite, aux esprits pressés, à la faillite du structuralisme. Pour peu qu’on prenne la peine de la lire — et le principal objectif de ce livre sera de le montrer —, on s’aperçoit qu’elle est en avance sur les critiques souvent myopes qui lui sont faites. Qu’elle est porteuse d’un structuralisme morphogénétique dont ces critiques n’aperçoivent généralement pas les semences ni ne soupçonnent les promesses.
En effet, la formule canonique ne nous conduit pas seulement dans une région peu fréquentée de la vaste forêt des Mythologiques  : elle nous place d’entrée de jeu au cœur même de la pensée mythique. Bien mieux, elle nous fait remonter à la source vive du structuralisme : à l’idée de conflit générateur, c’est-à-dire à l’idée que toute structure provient du conflit de deux attracteurs antagonistes. Idée commune à tous les travaux les plus originaux de Lévi-Strauss, qu’ils concernent le mythe, la parenté ou les organisations dualistes. Idée qui permet d’associer le point de vue de la genèse avec celui de la structure, et qui ne constitue pas seulement la clef de voûte de la pensée lévi-straussienne mais probablement aussi le principe organisateur des structures sociales elles-mêmes.
Certes, l’étude formelle de la parenté et de l’alliance a donné lieu, bien plus souvent que celle des transformations mythiques, à des travaux pointus qui méritent considération 3 . Mais, de divers côtés, on lui fait maintenant grief d’isoler artificiellement la parenté de la vie sociale, et notamment de son organisation rituelle, comme l’avait déjà soutenu Hocart, il y a plus de soixante ans 4 .
La formule canonique du mythe ne représente pas seulement, comme l’a dit un mathématicien, « un des plus hauts lieux du structuralisme théorique 5  ». Nous verrons qu’elle constitue, en même temps, une formule canonique du rite, et du même coup, si l’on suit Hocart, des formes les plus primitives du lien social. Ce qui revient à dire qu’elle déterminerait les conditions d’émergence et de stabilité non seulement des formes les plus anciennes de la vie collective, mais des structures élémentaires de toute société en général.
Inventaire complet et ordonné, mais aussi étude critique et systématique de toutes les manifestations publiques d’une formule nimbée de mystère, le texte qui suit n’est cependant pas l’enquête laborieuse et érudite qu’on pourrait craindre. C’est une aventure riche en surprises sur un terrain épineux et parsemé d’embûches, et c’est en même temps le parcours le plus rapide et le moins monotone qu’on puisse choisir pour se rendre au plus vif de la pensée lévi-straussienne et des enjeux théoriques du structuralisme.
L’histoire de la formule canonique est en effet tout aussi exemplaire que captivante. C’est d’abord une histoire fertile en rebondissements, dont les méandres permettent de suivre, année après année, les méthodes de travail d’un grand anthropologue et le mouvement d’une pensée emportée par son dynamisme interne et fécondée par ses rencontres avec des élé ments extérieurs : avec ses hésitations et ses repentirs, ses enthousiasmes et ses temps d’arrêt, ses découvertes et ses impasses.
Mais c’est aussi une excellente occasion d’aborder toute une série d

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