Les Profs, l École et la Sexualité
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Description

À côté de la violence et de la drogue, les abus sexuels comptent aujourd’hui parmi les situations qui inquiètent le plus les parents concernant leurs enfants. En particulier à l’école. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi l’école, longtemps considérée comme un sanctuaire protégé, est-elle devenue l’objet de tous les soupçons ? Et surtout comment doit-elle aujourd’hui aborder la sexualité pour éviter les dérives ?Voici l’histoire de deux siècles d’embarras de l’école française vis-à-vis de la sexualité des enseignants et des élèves. Claude Lelièvre est professeur d’histoire de l’éducation à l’université Paris-V. Il a notamment publié Histoire des institutions scolaires, L’École à la française en danger ?, Histoire de la scolarisation des filles (avec Françoise Lelièvre) et L’École des présidents (avec Christian Nique). Francis Lec est avocat à la cour, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats d’Amiens. Il est notamment avocat-conseil de la Fédération des autonomes de solidarité laïque.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 avril 2005
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738188175
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Claude Lelièvre, Francis Lec
LES PROFS, L’ÉCOLE ET LA SEXUALITÉ
 
 
© Odile Jacob, mars 2005 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-8817-5
www.odilejacob.fr
Table

Avant-propos
Chapitre premier. Une sexualité redoutée
2. L’école d’Église : le tourment de l’impureté
3. L’école républicaine : l’épreuve du refoulement sexuel
4. La mixité : ni filles, ni garçons ! Des élèves et des profs
5. Une révolution : la revendication du droit de cité de l’homosexualité à l’école
6. Une éducation sexuelle impensable (1968-1973)
7. Une éducation sexuelle facultative. Trente ans d’échecs
8. L’éducation obligatoire d’une sexualité dangereuse (2001-2004)
9. Le désir « platonique » de connaissance
10. Les enseignants en proie aux désirs et aux fantasmes dans la classe
11. « Les liaisons dangereuses »
12. Les Risques du métier
13. Les « nouveaux risques du métier »
14. L’aggravation de la poursuite des infractions sexuelles
15. La présomption d’innocence malmenée
16. La fin du sanctuaire
Notes
Bibliographie
Avant-propos
 
Oui, les profs ont un sexe ! En ces temps d’interrogations sur les fondements mêmes de l’école, ne serait-ce pas s’occuper avec une insoutenable légèreté du « sexe des anges » ? Pourtant, rien n’est moins sûr.
Tout semble en effet s’être précipité au tournant du millénaire. En 1997, le dispositif pour lutter contre la pédophilie mis en place par la ministre des Enseignements scolaires, Ségolène Royal, fait la une des journaux. L’année 2001 est celle du record des évocations dans la presse des affaires de pédophilie à l’école. En 2002, un groupe de professeurs homosexuels participe ès qualités à la Marche des fiertés lesbiennes, gays, bi et trans sous la bannière du principal syndicat des enseignants du secondaire – le SNES – avec le succès médiatique que l’on devine. La même année, le harcèlement sexuel à l’Université arrive pour la première fois sur la place publique et médiatique.
Les profs auraient-ils donc un sexe ? Et à l’école même ? Que signifie cette irruption soudaine et massive dans les médias ? Le « sanctuaire » scolaire se serait-il délité, ou effondré ?
Pourtant, a contrario , si l’on est sensible à la symbolique des désignations scolaires, on doit remarquer que le genre masculin neutre (asexué) l’emporte irrésistiblement ces dernières années. Avant on avait des écoliers et des écolières, des collégiens et des collégiennes, des lycéens et des lycéennes. Maintenant on a « l’élève » ou « l’enfant » ou « le jeune » au « centre du système éducatif ». L’appellation de « professeur des écoles » supplante peu à peu dans le primaire celle d’instituteur ou d’institutrice, voire de maître ou de maîtresse (même si un timide « professeure », dû à un certain féminisme, se dit parfois, mais limité de toute façon à l’écrit).
Est-ce là l’effet de la « mixité » scolaire qui s’est généralisée en cette fin de siècle ? La notion de « mixité », étymologiquement, renvoie à une opération chimique, la « mixtion », par laquelle on mélange des substances simples pour obtenir une substance complexe nouvelle, un « mixte ». La « mixité » scolaire serait ce mélange de deux substances simples, les deux sexes.
Comme l’a déjà remarqué Nicole Mosconi dans son livre sur « la mixité dans l’enseignement secondaire », « si l’on file la métaphore jusqu’au bout, la mixité serait une opération alchimique qui, par le mélange, tendrait, en supprimant les deux sexes différenciés, à obtenir une seule substance, un seul être, celui que précisément le monde scolaire désigne par ces termes neutres, indifférenciés, d’“élève” et de “professeur” ? En somme, tout se passerait comme si le système scolaire ne cherchait pas tant, dans la relation pédagogique, à éduquer qu’à conjurer la sexualité 1  ».
Une des interrogations majeures possibles s’impose alors à l’évidence : avec la « mixité scolaire », ne serait-on pas tout simplement passé à la dénégation pure et simple de la sexualité à l’école, à la suite ou dans le prolongement de « l’obsession de la pureté » (chère à l’Église issue de la Contre-Réforme) et du « refoulement sexuel » (caractéristique de l’école de la III e  République) ?
Ces représentations et ces sanctifications ont réglé pendant longtemps les modèles de comportement attendus à l’école. On se doute qu’elles pèsent encore de quelque poids actuellement, même si d’autres influences, tenant à l’évolution des mœurs – notamment sexuelles – dans l’ensemble du reste de la société, semblent en contrarier désormais le cours.
Encore faut-il, pour mieux apprécier la situation présente, prendre pleinement la mesure des continuités, des évolutions voire des ruptures. C’est ce qui justifie les détours historiques de ce livre : la pleine conscience de notre présent dépend pour une part de la saisie correcte de notre passé, autant le passé qui « ne passe pas » que celui qui est « dépassé ».
Il y a lieu, en particulier, de saisir la mesure de la distance qui nous sépare de l’école d’Église traditionnelle et de l’école laïque de la III e  République. L’une des pierres de touche peut être celle de la vocation attribuée aux corps enseignants, notamment aux corps enseignants féminins.
La Contre-Réforme met la figure de la Vierge Marie en position centrale. Et la mission éducative des congrégations enseignantes est conçue comme une sublimation de la maternité. L’activité pédagogique peut résoudre, en effet, l’équation impossible entre la figure de la Vierge et celle de la mère : les enseignantes des congrégations gardent la perfection de leur virginité en vivant une maternité sublimée et désincarnée. Comme y insistent explicitement les Constitutions du monastère de Port-Royal , elles se font mères de leurs élèves, « ce qui rendra leur virginité féconde devant Dieu, de qui elles sont les épouses ».
L’école laïque fondée par Jules Ferry sous la III e  République triomphante n’est pas très éloignée de ce modèle et de ces préoccupations, loin s’en faut.
Jules Ferry a lui-même proclamé devant le Congrès pédagogique des instituteurs et institutrices d’avril 1881 que le « second sexe » est celui qui convient « naturellement » à l’enseignement. Et cela sur fond de sacrifice, et d’abord et surtout de sacrifice sexuel : « Je suis profondément convaincu de la supériorité naturelle de la femme en matière d’enseignement. Il y a certes des pères qui sont capables de montrer la tendresse, le dévouement, la délicatesse d’une mère. Il y a certes des pédagogues qui peuvent avoir, et les grands pédagogues l’ont tous en eux, quelque chose de maternel. Mais enfin, la loi générale, c’est que le sentiment maternel est le plus profond ressort de l’éducation ; ce sentiment maternel, ce grand instinct de sacrifice que toute femme porte en elle […]. L’institutrice qui reste fille trouve dans l’éducation des enfants d’autrui la satisfaction de ce sentiment maternel, de ce grand instinct de sacrifice que toute femme a en elle 2 . »
Durant toute la deuxième moitié du siècle, le célibat des institutrices est ouvertement encouragé par l’administration de l’école publique : « Pour l’institutrice, le célibat est la meilleure des conditions ; elle trouve dans les soins qu’elle donne à ses élèves une satisfaction aux instincts maternels qui occupent une si large place dans l’âme des femmes, et une consolation à l’isolement du célibat 3 . » Comme le souligne la philosophe Geneviève Fraysse, la femme peut sans doute s’y retrouver, mais « à condition de faire primer la maternité par procuration sur la sexualité ».
Cette étrange filiation et proximité paradoxale entre l’école laïque et l’école catholique trouve essentiellement son origine dans la nécessité pour l’école publique laïque de prouver l’efficacité de son éducation morale, et d’abord en matière de morale sexuelle.
L’école « laïque » (c’est-à-dire séparée de toute référence confessionnelle), instituée sous la III e  République, doit faire la preuve indubitable qu’elle peut éduquer moralement sans le secours de quelque religion révélée que ce soit, ce que conteste fondamentalement l’Église. La réussite de l’enseignement moral est donc capitale, car l’école laïque et républicaine sait qu’elle va d’abord être jugée là-dessus. Il va de soi qu’elle doit être, en particulier, insoupçonnable dans le domaine de la moralité sexuelle. Et cela en priorité pour ce qui concerne l’éducation et l’encadrement des filles, qui est un enjeu d’autant plus décisif pour l’école laïque que les deux tiers des filles étaient jusque-là encadrés par des congrégations, contre seulement le quart des garçons.
La plupart des enseignantes du secondaire féminin, créé de toutes pièces par Camille Sée en 1880 avec l’appui décisif de Jules Ferry, restent elles aussi célibataires, à l’imitation des sœurs des congrégations – toutes dévouées à leur enseignement. Sous la III e  République, on ne compte guère qu’un tiers de professeurs femmes mariées. Le vocabulaire employé pour justifier le célibat est le plus souvent emprunté au registre religieux : il est question de « vocation » d’enseignantes qui se « consacrent » à leur tâche, qui se « sacrifient » en renonçant à une vie de femme pour atteindre les joies de la maternité scolaire « pure » et sublimée.
L’école laïque, à l’instar de l’école d’Église, est et doit être au sens propre un « sanctuaire », surtout pour les filles et les femmes. Elle doit être foncièrement « hors du monde » et protégée de son contact « impur », selon un ordre plus « régulier » que « séculier ».
À l’évidence, du moins pour certains aspects, il s’agit là d’un monde quasiment révolu. Les congréganistes ne représentent plus que 2 % du personnel des écoles catholiques, et la plupart des enseignants et des enseignantes vivent en couple (qui plus est, en couples assez souvent « libres », et parfois d’homosexuels ; ce qui paraissait impensable il n’y a pas si longtemps).
Le corps enseignant n’est plus tenu à une vie sexuelle très réservée, et encore moins « exemplaire », signe in

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