Les Patrons des patrons
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Les Patrons des patrons , livre ebook

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Description

Que patronne au juste le Patronat, comme on appelait jadis le CNPF et comme on qualifie depuis 1998 le Medef ? Au-delà de l’exposition médiatique de ses dirigeants successifs, Ernest-Antoine Seillière et Laurence Parisot, que sait-on du patronat ? Que représente-t-il vraiment et comment est-il organisé ? De quel poids pèsent les grands groupes en son sein et est-il la voix de toutes les entreprises ? Quel rôle a-t-il joué dans les grandes décisions politiques récentes ? Cette enquête sociohistorique propose une plongée dans ce monde complexe dont on fantasme la toute-puissance autant qu’on en méconnaît le fonctionnement. Donnant la parole aux acteurs d’aujourd’hui comme aux figures d’hier, aux grands patrons comme aux entrepreneurs de toutes les régions et secteurs, aux permanents comme aux bénévoles, cet ouvrage éclaire ce que fut la défense de la « cause de l’entreprise » ces dernières années. Et pose cette question centrale : qu’en est-il du pouvoir du Medef et au Medef ? Professeur à l’ENS, après l’avoir été à l’université Paris-I, membre de l’équipe « Enquête, Terrain, Théories » du centre Maurice-Halbwachs (ENS-EHESS) et du comité de rédaction de la revue Genèses, spécialiste de la sociologie des organisations et des mobilisations politiques, Michel Offerlé a notamment publié Les Partis politiques, Un homme, une voix ? Histoire du suffrage universel, Sociologie de la vie politique française, Sociologie des organisations patronales et, avec Jacques Lagroye, Sociologie de l’institution. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 juin 2013
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738176400
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE JACOB, JANVIER 2013
15, RUE SOUFFLOT, 75005
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7640-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Για σένα. Είναι λίγο, αλλά…
Sommaire
Couverture
Titre
Copyright
Dédicace
Introduction
Un sociologue en patronat
Convaincre les patrons
Le Medef est une confédération
Une enquête collective
Archives patronales, le passé-présent d’une organisation
La sociohistoire au présent
Chapitre 1 - CNPF-Medef : chroniques de la vie d’une organisation
Au chevet du patronat
Refonder le CNPF
« Les Deux Denis »
Refonder le social
La politique autrement
La refondation et après
La marque Parisot
L’intrusion dans les affaires internes du patronat
Chapitre 2 - Une confédération représentative ?
L’espace des organisations patronales
Un « mille-feuille » patronal
Confédérer des « fédérations26 »
Les identités patronales
Une confédération à configuration variable
Le Medef et ailleurs
Des confédérations entremêlées
Débattre des indicateurs de représentativité
Le Medef compte « 780 000 adhérents75 »
Le rapport de représentation
Le lien confédéral
Chapitre 3 - Représenter le Medef
Les filières des carrières en patronat
Trajectoires de porte-parole
Les raisons d’agir en patronat
Portrait de groupe
Chapitre 4 - Gouverner le Medef
Élire le « patron des patrons »
Le Medef n’est pas une entreprise
L’agenda présidentiel
Faire agir le patronat
Les assises organisationnelles du patron des patrons
Qui paye décide ?
Chapitre 5 - Le pouvoir du Medef
Ce que le Medef peut faire
Les expertises patronales
Les fabriques de l’expertise
L’esprit du capitalisme médéfien
Sous le Medef, les branches
Sur les stratégies d’influence
Les politiques des patronats
Conclusion
Épilogue
Liste des entretiens
Notes
Index
Index thématique
Index onomastique
Du même auteur
Introduction

Entrer en patronat

« Parce que la vraie vie, le Medef, tout ça, c’est très sympathique, mais la vraie vie, c’est de prendre des commandes, quand même. C’est d’avoir des idées, d’avoir des produits, et de prendre des commandes. Moi, ça, c’est mon job de tous les jours, et je ne pense qu’à ça. Et de créer des emplois en France » (dirigeant de fédération, 26 juillet 2012) 1 .
« La fibre entrepreneuriale, elle est un des fils conducteurs de ma vie, pas le seul ; moi j’aurais pu devenir, je ne sais pas si je le serais devenu, le parcours initial que j’ai aurait pu me mener aussi bien dans l’équipe dirigeante d’une société du CAC40 qu’à la tête d’une PME familiale, ce que j’ai choisi, et je l’ai choisi par rapport à quelque chose qui vibre en moi, développer des projets, développer une entreprise… participer » (dirigeant de fédération, 25 juillet 2007).

 
Dans le débat politique, le truisme d’un patronat tout-puissant assimilé à l’organisation le représentant, Conseil national du patronat français (CNPF) ou Mouvement des entreprises de France (Medef), n’a d’égal que l’ignorance que l’on peut avoir empiriquement de sa structuration et de son fonctionnement. De multiples monographies, synthèses et travaux de terrain permettent de saisir l’action collective et les militantismes syndicaux, politiques, altermondialistes, humanitaires et protestataires ; mais, en contrepoint, l’action collective des « élites » économiques est ignorée. Comme si action collective ne pouvait rimer, comme dans les répertoires de l’action collective initiés par Charles Tilly, qu’avec action ouverte et revendicative, avec cette contentious politics, largement documentée 2 . Entrer en patronat consiste d’abord à rompre avec ce point de vue et à considérer que, toutes choses différentes par ailleurs, on ne peut pas ériger une discontinuité entre les formes d’engagements, d’organisations et d’actions collectives, sous le seul prétexte de la « justesse » de la cause défendue, ou sous l’argumentaire d’une inaction collective des dominants qui auraient bien d’autres moyens pour faire triompher leurs intérêts.
Il s’agira ici, simplement, de faire de la sociologie de terrain, sur un terrain peu pratiqué jusqu’alors, sauf par Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon 3 qui, depuis vingt ans, travaillent sur la bourgeoisie, dans une optique très différente, puisqu’ils s’intéressent non à la façon dont cette bourgeoisie (catégorie plus large et plus étroite que celle de « patronat » ou d’entrepreneurs économiques) se comporte dans la sphère économique, mais à la manière dont elle assure, individuellement et collectivement, sa reproduction sociale, dans et par un type particulier de rapport économique, culturel et social au monde.
Il s’agira d’accommoder sur cet objet particulier des questions plus générales et transversales de la sociologie des organisations et des institutions. Puisqu’il sera d’abord question de cela dans cet ouvrage : décrire et comprendre comment s’organisent et agissent collectivement ceux qu’on appelle couramment les « patrons », stylisés collectivement comme le « patronat ».

Un sociologue en patronat
Entrer en patronat implique pour un chercheur d’avoir d’abord à affronter les interrogations, voire les sarcasmes de ses entourages. Le monde universitaire est ainsi fait que l’assimilation à un terrain devient vite une assignation identitaire. Travailler sur le patronat apparaît ainsi souvent comme une sorte d’élucubration sympathique, superfétatoire, ou possiblement périlleuse.
Cela peut se traduire dans les interactions quotidiennes, croisement de collègues dans les couloirs du laboratoire, échanges de propos de table, réunions administratives ou scientifiques, par un ensemble de réflexions qui vont de l’encouragement (« oui c’est bien de travailler là-dessus »), à la curiosité scientifique (« Tu devrais venir nous en parler au centre »), au chambrage rituel (« T’es bien sapé aujourd’hui, tu vas voir tes patrons ? »), ou au rapport à plaisanterie (« Tout le temps fourré chez Parisot ! » ou « Alors le CAC ça monte ? ? », ou « T’es content de toi ! »). Le tout ponctué de jugements spontanés sur l’objet : « Parisot est vraiment mal fringuée », « Elle est mesquine », « Elle sue l’évidence satisfaite de toutes les valeurs réactionnaires ». Parfois perce cette inquiétude à l’égard d’un traitement de l’objet qui, dépouillé de ses oripeaux généraux et caricaturaux, pourrait bien être plus compliqué à comprendre… et à combattre, puisque, on l’aura compris, si la cause des sans ou la lutte des alter peut attirer empathie voire approbation éthique dans les milieux sociologiques, la « cause de l’entreprise » est au mieux un oxymore et au pire une expression proprement scandaleuse. Dans les générations universitaires les plus anciennes, socialisées à l’évidence de la nocivité du patronat et d’un juste sens de la lutte des classes, l’ironie et la réassurance prennent le pli d’un discours provocateur : « Toi, tu vas finir comme Kessler  !… il a dit qu’il était toujours partisan de la lutte des classes… mais qu’il était désormais de l’autre côté ! ! » ou bien, en forme de second degré significatif, « Celui dont tu me parles, c’est un sincère, c’est les pires, il faudra les fusiller en premier ».
Entrer en patronat, c’est en effet prendre le risque de ne pas sortir indemne de son terrain. Il ne s’agit pourtant pas d’un terrain extrême 4 , sur lequel et pour lequel on assume des risques physiques ou psychiques. Il ne s’agit pas d’un terrain « répugnant », comme certains chercheurs ont pu décrire leurs contacts avec les militants du Front national. Il s’agit plus simplement d’un terrain suffisamment proche et exotique pour susciter un autocontrôle salutaire à double sens : qu’est-ce que j’ai compris/appris de nouveau que je ne savais déjà, qu’est-ce que j’ai compris/appris de nouveau sur moi-même, et aussi sur l’univers universitaire, dans lequel les valeurs du désintéressement scientifique peuvent occulter les conflits permanents concernant la « valeur » de ce que l’on est, et de ce que l’on fait.
Apprendre à aller dans des quartiers où l’on va peu fréquemment lorsqu’on est sociologue ou apprendre à « parler Medef sans accent » sont des choses assez faciles, surtout lorsque l’on a un âge assez avancé dans la carrière, contrairement à de jeunes étudiants qui commencent à aller sur ce terrain typique où l’on risque d’avoir à « s’imposer » douloureusement « aux imposants ». Est-ce l’âge, est-ce mon statut universitaire, est-ce ma connaissance peu à peu conquise des tics, des mots, des noms qui ont cours dans cet espace, mon intérêt pour les questions pointues et arides de la structuration interne des organisations patronales, toujours est-il que je me suis rarement senti en porte-à-faux du point de vue de l’enquêteur à l’égard de ses enquêtés. Deux fois cependant, mes interlocuteurs, deux des plus importants dirigeants du Medef, m’ont rappelé à l’ordre de ma déontologie, en me « traitant », dénominatif dégradant à leurs yeux, de « journaliste » :

« Vous me rappelez quelques questions de journalistes qui cherchent à mettre en avant tout ce qui peut être un élément de grippage, il y a très peu d’éléments de grippage. […] Il y a un très grand consensus dans le monde patronal. » Denis Gautier-Sauvagnac, 9 juin 2009 (3 e  entretien).
« Elle est assez injuste votre façon de faire. Moi, j’ai l’impression d

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