Les Fantasmes
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Les Fantasmes , livre ebook

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Description

Quels sont les fantasmes érotiques conscients des hommes et des femmes ? Que sait-on des fantasmes latents, ceux qui n’accèdent habituellement pas à la conscience ? Quel lien établir avec le monde souterrain des rêves, que nous ne contrôlons pas ? Et avec nos conduites sexuelles réelles, dont nous sommes les acteurs conscients ?Notre érotisme est fait de fantasme, de rêve, de réalité. S’appuyant sur de nombreux témoignages, Claude Crépault nous montre ici comment ces ingrédients se combinent, comment ils se contrarient aussi parfois. Surtout, il nous invite à essayer de comprendre cette part de nous-mêmes que nous préférons souvent occulter alors qu’elle fait partie intégrante de l’histoire de chacun, homme ou femme. Sexologue, Claude Crépault est professeur honoraire à l’Université du Québec à Montréal, où il a cofondé le département de sexologie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 avril 2007
Nombre de lectures 8
EAN13 9782738191656
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, AVRIL 2007
15, rue Soufflot, 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9165-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À Geneviève et Tania.
Introduction

Qui est Éros ? Dans la cosmogonie grecque, il désigne un dieu de l’union, de l’affinité universelle. Selon Hésiode, le grand poète, c’est le plus beau parmi les dieux immortels ; il est une puissance primordiale ; c’est lui qui assure la cohésion de l’univers naissant. Son statut change dans la mythologie grecque (Grimal, 1953 ; Desautels, 1988). Produit de l’infidélité d’Aphrodite, l’épouse légitime d’Héphaïstos, et d’Arès, le dieu de la guerre, Éros devient le dieu de l’amour – et son frère Antéros le contraire. Les artistes grecs le représentent sous la forme d’un enfant ailé, brandissant un petit arc et décrochant ses flèches dans le cœur des dieux et des mortels. Les Romains l’appellent Cupidon – fils de Mars et de Vénus. Il est le serviteur de sa mère, Aphrodite, la déesse de l’amour, de la beauté, de la séduction, du plaisir charnel, de la jouissance, la déesse qui multiplie les aventures sexuelles, mais en provoque aussi de nombreuses chez les dieux et les mortels.
Éros, cet être tentateur, existe toutefois bien avant d’être nommé. On devine sa présence dans l’histoire de la Genèse, au point de penser que c’est lui qui prend la forme du serpent-diable incitant Adam et Ève à manger le fruit défendu. Surtout que c’est après cela qu’ils comprennent qu’ils étaient nus ! Le péché originel est aussi la transgression d’un interdit sexuel. Pour assurer leur développement, toutes les sociétés humaines connues ont d’ailleurs jugé bon d’imposer des contraintes à Éros. Malinowski (1932), le célèbre ethnologue qui a si bien illustré la plasticité des mœurs sexuelles humaines, a réfuté l’hypothèse de la promiscuité sexuelle primitive, même « dans les sociétés les plus licencieuses ». Le tabou de l’inceste semble universel ; il marque le passage de la nature à la culture. Sa prohibition protège, selon Françoise Héritier (2001), de « l’horreur de l’identique ». Apparemment, les sociétés humaines qui n’ont pas fait le lien entre le coït et la reproduction ont moins posé d’interdits en matière de sexualité. Certaines formes de prostitution ont même été sacralisées. C’est peut-être dans la civilisation judéo-chrétienne que les activités sexuelles n’ayant pas de visée reproductive ont été les plus réprimées. Ces interdits religieux et sociaux ont eu pour effet non seulement d’inhiber l’érotisme humain, mais aussi de le complexifier, de le rendre encore plus mystérieux, de susciter des désirs de transgression, d’ouvrir la porte à la « perversion ».
Des centaines d’années se sont écoulées depuis. Le parcours d’Éros à travers l’histoire des civilisations a fait l’objet de nombreuses études. Je laisse aux historiens et aux ethnologues le soin de parfaire notre savoir sur l’évolution historique d’Éros. Mes travaux portent sur Éros contemporain, présent dans l’imaginaire, les rêves et la réalité de l’homme et de la femme vivant dans les sociétés occidentales modernes. Comment se manifeste-t-il aujourd’hui ? A-t-il encore son même pouvoir ? Est-il toujours aussi envoûtant ? Est-il toujours aussi énigmatique, aussi étrange ? Parler d’Éros, c’est aller du côté de la jouissance, de l’oubli des misères quotidiennes. Et c’est entrer au cœur des contradictions humaines. Un Éros tout-puissant qui mène le monde, qui nourrit à la fois la créativité et la destruction. Un Éros à l’origine de la création, mais qui marque aussi la fin de l’existence humaine. Éros et Thanatos se rejoignent inévitablement.
Le XXI e  siècle est maintenant amorcé. La sexualité s’exprime de plus en plus librement dans nos sociétés. Cette libéralisation des mœurs sexuelles est due notamment au relâchement de l’emprise religieuse, à la découverte des méthodes contraceptives efficaces, à l’émancipation des femmes et au caractère plus anonyme des rapports sociaux. À peu près toutes les pratiques sexuelles entre adultes consentants sont permises. Récemment au Canada, la Cour suprême a légalisé les clubs échangistes : moyennant un tarif de base, n’importe quel adulte peut en devenir membre et pratiquer une sexualité orgiaque. Éros a donc une plus grande liberté de mouvement. On se laisse envoûter par lui, mais, en même temps, on le craint, car il peut entraîner la mort. Des sociétés sont ravagées par le sida – je pense évidemment, en premier lieu, à certaines sociétés africaines. C’est la première fois dans l’histoire humaine qu’Éros se confond aussi clairement avec Thanatos en devenant annonciateur de la mort. Un Éros paradoxal, à la fois vivifiant et mortifère.
Plus que jamais, Éros devient une valeur marchande ; on l’introduit dans la publicité, les chansons, le cinéma, la mode, la politique. Les promoteurs de sites pornographiques sur Internet recrutent des informaticiens hautement qualifiés, et les profits financiers sont énormes. Le sexe est partout, et on ne peut guère lui échapper. Cette désublimation répressive, pour reprendre une expression de Marcuse, ne fait toutefois qu’élargir le fossé entre l’imaginaire et le réel. À leur insu, les individus sont surstimulés érotiquement, ce qui crée une surcharge mentale et un état de frustration en raison des contingences du réel. D’un côté, on donne à chacun l’illusion que ses désirs sont sans limites ; de l’autre, on lui rappelle que seul un nombre réduit de ses désirs peut être satisfait dans la réalité.
Que dire aussi de la dissociation d’Éros du réseau affectif ? Ce qui prime, c’est le plaisir excitatoire et la jouissance orgastique. On sait que les hommes ont presque toujours été plus à l’aise dans une sexualité strictement pulsionnelle où la dimension affective est exclue. Le véritable changement se situe du côté des femmes. Traditionnellement, seule une petite minorité d’entre elles – les femmes de « petite vertu » ou les courtisanes de rang social élevé – se permettaient des conduites sexuelles sans contrainte affective. Aujourd’hui, elles sont beaucoup plus nombreuses à opter pour le plaisir à l’état brut et à séparer la sexualité de l’amour. De la même façon, la plupart des conduites que l’on considérait perverses il n’y a pas si longtemps deviennent de simples variantes érotiques à la condition qu’elles aient lieu en privé et entre adultes consentants.
Tous ces changements sont-ils un signe d’évolution ? Les grandes civilisations ont pour la plupart libéré Éros de ses chaînes avant leur déclin – je pense tout particulièrement à l’Empire romain. Est-ce un présage ? Éros entraînera-t-il la chute de la civilisation actuelle ? Paradoxalement, plus on libère Éros, plus on risque de l’affaiblir, car il puise une partie de son énergie dans l’interdit. Une société ultrapermissive n’est peut-être pas ce qui lui convient le mieux. J’y reviendrai en fin d’ouvrage en vous faisant part de ma vision subjective et de mes espoirs sur l’avenir d’Éros, mais, comme vous pourrez vous en rendre compte, ce qui m’intéresse surtout, ce sont les significations conscientes et inconscientes des manifestations érotiques chez les femmes et les hommes. Pour cela, mon cadre de référence est la sexoanalyse.
Certains pionniers de la sexologie, Richard Krafft-Ebing, Havelock Ellis et Magnus Hirschfeld en tête, m’ont influencé. Les écrits de Freud, par leur clarté et leur profondeur, ont, eux aussi, nourri ma réflexion. Mais je dois reconnaître que mes plus grandes affinités vont du côté du psychanalyste américain Robert Stoller, qui a consacré une bonne partie de sa vie à l’étude des phénomènes sexuels. Son style clair et sans prétention ne m’a pas moins impressionné que ses idées originales, son souci du détail, sa rigueur intellectuelle. À côté, le discours sur le sexuel d’un bon nombre de psychanalystes postfreudiens m’est souvent apparu trop abstrait, trop théorique, trop éloigné de la méthode scientifique. Je ne compte plus les fois où j’ai été irrité par la lecture d’articles ou de livres psychanalytiques traitant du sexuel. J’ai eu souvent l’impression qu’on s’amusait intellectuellement, pour ne pas dire narcissiquement, à construire un discours sur l’inconscient sexuel en employant des mots non définis et un langage confus, en occultant la réalité clinique et le vécu manifeste. Des « vérités » étaient énoncées avec une telle aisance qu’on aurait cru avoir affaire à une sorte de discours religieux. L’outrecuidance de certains psychanalystes frise l’indécence. À cela s’ajoute l’intolérance. Dans son excellent livre portant sur les idées directrices pour une psychanalyse contemporaine, André Green (2002) fait état des controverses, des affrontements, des disputes, des animosités entre les psychanalystes. Cela est tout de même assez étonnant que des individus qui ont été analysés, souvent pendant plusieurs années, ne puissent davantage accepter les différences dans la façon d’appréhender l’inconscient…
L’érotisme humain est diversifié et complexe. Cette polyvalence dans les modes d’érotisation n’empêche pas d’identifier certains dénominateurs communs dans l’émergence du désir érotique – ce que j’appelle les activateurs du désir. Éros se donne à voir dans les fantasmes, les rêves et la réalité, avec des concordances, mais aussi des discordances entre ces trois registres d’expression : pourquoi 

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