Les Autochtones, la part effacée du Québec
195 pages
Français

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Les Autochtones, la part effacée du Québec , livre ebook

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Description

«L’avenir des relations entre Autochtones et Québécois et le sens même de la nation du Québec dépendent intimement de ce que sera ou ne sera pas la réécriture à parts égales de notre histoire.»
Les Autochtones, la part effacée du Québec retrace les premiers contacts entre les colons français et les Autochtones. Cette rencontre fondatrice a modelé l’identité québécoise et le regard sur l’Autre. Les récits des voyageurs-explorateurs et colons dialoguent avec les récits oraux, les mythes, les légendes et les écrits autochtones contemporains. Émerge un portrait riche où se confrontent et s’enchevêtrent représentations et impensé colonial. En replaçant les Autochtones au cœur de l’histoire du Québec, Les Autochtones, la part effacée du Québec propose une éthique qui rompt avec la vision unique, et rétablit l’égale dignité des peuples en présence.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782897127268
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES AUTOCHTONES
LA PART EFFACÉE DU QUÉBEC
Image de couverture : My Four Grandmothers , Dee Barsy, 2017.
Gilles Bibeau
LES AUTOCHTONES
LA PART EFFACÉE DU QUÉBEC
MÉMOIRE D’ENCRIER
À la mémoire de ma collégue Sylvie Vincent (1941-2020)
Aux enseignantes de l’École Seskitin de Wemotaci qui ont redonné une modernité aux traditions orales des Atikamekw
Et aux jeunes qui ont participé aux projets Nokitan – Temps d’arrêt – et Witcihiwewin Atisokan – Des récits qui soignent
INTRODUCTION
UNE HISTOIRE À PARTS ÉGALES
Tu ne sais pas mes légendes
Tu ne connais pas mon histoire
N’attends pas que je me fâche
Telle une tornade
N’attends pas que je me libère
De mes chaînes.
Joséphine Bacon
L’« histoire à parts égales 1 » permet d’échapper aux pièges de l’histoire coloniale classique qui privilégie les sources documentaires exprimant, avant tout, le point de vue des Européens. Quiconque ratifie sans examen préalable les catégories de l’énonciation coloniale ne peut en effet que mettre en place un cadre où tout ressemble dès lors à ce qu’on connaît du monde européen, où tout se dit dans la seule langue de la partie dominante des protagonistes de la rencontre et où tout s’accomplit dans une sorte de « huis clos » fictif qui fonctionne au singulier. Le seul monde qui s’impose alors n’est, le décor du contexte de la terre américaine mis à part, que le décalque du monde européen. Ainsi s’efface la possibilité même d’un « entredeux » susceptible de saisir quelque chose des aléas de la communication entre des humains issus d’univers culturels reposant sur des fondations ontologiques radicalement différentes. Le Vieux Monde européen et le Nouveau Monde américain avaient les moyens de se comprendre réciproquement mais il n’est pas sûr qu’ils se soient vraiment compris. Il se peut même qu’ils ne se soient pas rencontrés du tout.
Face aux Français, les Autochtones du nord-est de l’Amérique ne furent jamais les récipiendaires passifs de la vision européenne du monde ; ils n’ont pas agi non plus n’importe comment dans leurs relations avec les Européens. Français et Autochtones ont dû s’entendre, fusse de manière précaire et provisoire, sur un certain nombre de principes de conversion permettant de transformer la valeur des fourrures – castor, renard, martre, belette, loutre, lynx – en chaudrons de cuivre, miroirs, perles de verre, capots de laine et fusils. Avec le passage du temps et la multiplication des échanges et tractations, il est probable que les interactions se sont quelque peu « routinisées » sans que le problème des équivalences n’ait été pour autant vraiment solutionné. Les documents européens tout comme les récits oraux des Autochtones montrent que les uns et les autres ont souvent eu l’impression de se faire rouler lors des échanges, les textes et récits abondant en effet en détail au sujet des joutes verbales livrées à l’occasion des transactions marchandes et des négociations d’alliances.
Les formes originales à travers lesquelles le pouvoir politique s’exerçait chez les Autochtones, les représentations complexes qu’ils se faisaient du monde invisible des esprits et le rôle éminent joué par les chamanes produisirent souvent d’importants malentendus. Le domaine de la guerre fut aussi un domaine où régna l’incompréhension : avant de s’engager ensemble, par exemple, dans des raids guerriers contre des ennemis, Français et Autochtones devaient se mettre minimalement d’accord sur des stratégies de combat puisque l’affrontement entre soldats de deux armées en terrain découvert n’avait absolument rien à voir avec l’escarmouche et l’attaque surprise de la « petite guerre » prévalant chez les Autochtones du nord-est de l’Amérique. Quant à la question du rapport au territoire et au droit de l’occuper, elle a donné lieu dès les premiers contacts à d’importants désaccords qui s’amplifièrent avec l’augmentation de la population française dans la vallée laurentienne. Bref, l’incompréhension a été mutuelle et l’improvisation permanente.
Une telle situation ne fut pas particulière à la vallée du Saint-Laurent puisqu’elle était une affaire d’époque – celle des débuts du colonialisme et du capitalisme marchand au XVI e siècle – beaucoup plus que de lieu. Les Espagnols dans les Caraïbes, au Mexique, au Pérou et ailleurs en Amérique latine, les Portugais en Inde du Sud, aux Moluques et au Brésil, les Anglais en Australie, en Inde et auprès des populations autochtones des côtes de l’Atlantique, les Hollandais en Indonésie (Java et Sumatra) et le long de la rivière Hudson en Amérique du Nord, et les Suédois durant leur brève colonisation – de 1638 à 1655 – des rives du fleuve Delaware dans les États américains actuels de la Pennsylvanie, du Delaware, du New Jersey et du Maryland –, tous ces pays furent confrontés à ce même problème des équivalences à établir entre des représentations différentes du monde.
La chose fut tout aussi vraie du côté des Français lorsqu’ils entrèrent en contact avec les Autochtones du nord-est de l’Amérique puisque les interlocuteurs des deux bords ont été, en l’absence de références communes, constamment forcés d’improviser. Or, l’improvisation étant toujours l’art du détournement des conventions, ce sont encore les règles de la présentation de soi et du rapport à l’autre qu’il faut détailler si l’on veut comprendre la valeur que les uns et les autres attachaient à ce qui faisait l’objet d’échanges. Même dissimulées ou déjouées, les normes régissant les codes propres à chacun des deux mondes continuaient à bas bruit à être mises en jeu dans toutes les rencontres. Seule l’adoption d’une « histoire à parts égales » – ou plus exactement d’une « histoire à part entière » – permet de ne plus laisser l’Europe voler les histoires des autres, ce qu’elle a fait en leur imposant son propre récit dans lequel elle a fabriqué une présentation du passé toute à sa gloire (Goody 2010). L’histoire « simultanée » – on peut aussi la qualifier de « polycentrique » ou de « symétrique » – postule, en accordant une égale valeur aux archives écrites des Européens et aux récits oraux des Autochtones, que toutes les sociétés sont capables de raconter leur propre version des événements tels qu’elles les ont vécus et de dire comment ces événements ont modelé leur destin.
Le fait de replacer les Autochtones au cœur de la narration des débuts de l’histoire du Québec représente un geste essentiel qui s’impose si l’on veut prendre la vraie mesure de la genèse de l’identité québécoise en la pensant, dès la première étape de sa formation, dans ses liens aux Peuples Premiers qui habitaient le territoire de ce qui est devenu le Québec. La prise en compte des récits oraux des Autochtones constitue en effet un premier pas indispensable pour en finir avec la lecture dévalorisante du monde des Premières Nations, meurtries mais insoumises, qui ont résisté de multiples façons à une colonisation dont l’impact se fait sentir encore très largement jusqu’à ce jour.
RETOUR AU TEMPS DU COMMENCEMENT
Récrire l’histoire de la colonie commençante de la Nouvelle-France en faisant écho aux récits des Autochtones ne vise pas à se laver d’un passé qui nous pèse – celui des crimes commis à l’origine – mais plutôt à corriger, d’une manière substantive, radicale, la connaissance incomplète et biaisée que nous avons produite des débuts d’une histoire commune. Sans préjuger de l’indécision des commencements, il faut prendre au sérieux les difficultés associées à un double travail, celui de la présentation équilibrée de deux visions de l’histoire et celui de l’identification des angles morts suscités par le contact entre des univers culturels éloignés les uns des autres. De la part des premiers Français, l’altérité dont étaient porteuses les nations autochtones fut tantôt dépréciée et rejetée, tantôt admirée et vantée ; certains « coureurs des bois », voyageurs et explorateurs l’adoptèrent en apprenant à « vivre à l’indienne ». Sous des dehors qui peuvent parfois ressembler à des actes de contrition, le présent essai reconsidère le point de départ de notre histoire en faisant revivre, à travers les récits des Autochtones et des Français, la dynamique des relations extrêmement complexes qui se sont nouées entre les uns et les autres.
Pour les Européens qui se lancèrent à la conquête du monde aux XVI e et XVII e siècles, l’histoire des peuples sans écriture ne pouvait être qu’une non-histoire puisque ces peuples ne poss

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