Le Voile sur le divan
186 pages
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Le Voile sur le divan , livre ebook

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Description

« Le voile des femmes musulmanes ne cesse de susciter depuis trente ans de violentes polémiques qui expriment une angoisse profonde. Cette angoisse témoigne d’une incompréhension mutuelle des parties en présence, enfermées dans un véritable dialogue de sourds. Nous avons tenté de comprendre et de donner à comprendre les sources de conflit que représentent le voilement pour les uns et le dévoilement pour les autres, en invitant les protagonistes sur notre divan de psychiatres à l’écoute de l’inconscient. Il est, en effet, important de décoder le langage latent porté par le voile dit “islamique”, comme par tout vêtement. Quelles vérités laisse-t-il transparaître, à l’insu même de ceux qui en revendiquent le port comme de ceux qui le condamnent et qui alimentent les résistances farouches de part et d’autre ? » Pr S. D. D. – Dr H. K. Les enjeux visibles ou cachés du voile expliqués par deux femmes, psychiatres et psychanalystes, qui, en dévoilant son histoire et ses sens multiples, montrent son poids sur le statut et la santé mentale des femmes, de son origine à nos jours. Saïda Douki Dedieu est professeure émérite de psychiatrie à la faculté de médecine de Tunis, professeure associée à la faculté de médecine de Lyon. Elle a notamment écrit Les Femmes et la Discrimination. Hager Karray est médecin psychiatre et psychanalyste au Centre hospitalier de Savoie. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 mars 2020
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738152077
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , AVRIL  2020
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5207-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Ce livre est dédié

Aux femmes qui ont payé de leur vie le refus de porter le voile dit « islamique » qui leur était imposé et à celles qui continuent à la risquer, dans bien des parties du monde, pour garder la tête nue mais haute.
Aux femmes qui font le choix de le porter parce qu’elles en ressentent la nécessité.
Aux musulmanes qui refusent de porter un voile qu’elles considèrent comme le témoin de leur objectivation sexuelle et comme l’uniforme d’une armée qui prétend instaurer un nouvel ordre islamique d’inspiration théocratique.
Aux Français comme aux Tunisiens et, probablement, bien d’autres citoyens du monde qui redoutent, à raison, la régression de tous les droits humains qui pourrait accompagner la propagation du voile dit « islamique ».
Aux musulmans, partout dans le monde, qui redoutent, à tort, de perdre leur identité au contact de l’autre différent.
À toutes celles et à tous ceux que la question du voile plonge dans la plus grande perplexité.
À tous ceux qui ne comprennent pas le revoilement des femmes musulmanes en espérant que leur regard sera plus indulgent en attendant leur inéluctable dévoilement.
À tous ceux qui s’agacent de voir encore publier un livre sur le voile, car tout n’a pas été dit, car tout ne peut être dit, sur un tel sujet qui implique les femmes, les hommes, la politique et la religion.
Ce livre veut mettre les voiles sur une embarcation qui nous portera ensemble vers la liberté, l’égalité, la fraternité et la dignité.
Quelques citations instructives

« J UPITER . – Le secret douloureux des dieux, c’est que les hommes sont libres. Ils sont libres et ils ne le savent pas. »
Jean-Paul S ARTRE . Les Mouches, acte II, scène V, 1943.
 
« En vérité, la liberté ne réside pas dans les vêtements que porte une personne, mais dans les pensées à l’œuvre dans son esprit ! »
Hayat Nour A RTIRAN , vice-présidente du Conseil soufi universel.
 
« La liberté n’est rien d’autre qu’une chance de devenir meilleur .  »
Albert C AMUS .
 
« Ô enfants d’Adam ! Nous avons fait descendre sur vous un vêtement pour cacher vos nudités, ainsi que des parures. –  Mais le vêtement de la piété voilà qui est meilleur. – C’est un des signes (de la puissance) d’Allah. Afin qu’ils se rappellent. »
Le Coran. El A’raf VII, 26.
 
« L’islam n’est pas voile, il est culte. »
Mohamed T ALBI , historien et islamologue tunisien, L’Islam n’est pas voile, il est culte : rénovation de la pensée musulmane , Éditions Carthaginoiseries, 2010.
 
« À force de voir le Coran comme un mode d’emploi et un bouquin sur comment se fringuer, certains vont jusqu’à en oublier le sens premier. G., 31 mars 2006.
C’est quoi le sens premier ? R., 31 mars 2006. »
Extrait d’un forum islamique.
PROLOGUE À DEUX VOIX
Du revoilement des femmes et du nouvel ordre islamiste mondial

Notre expérience personnelle de femmes nées et grandies en Tunisie avant de venir nous installer en France nous a confrontées très tôt au voile traditionnel des femmes qui enveloppait la totalité du corps, et que la politique d’émancipation des citoyennes, mise en œuvre dès l’Indépendance, devait emporter. Nous avions ainsi constaté que le voilement des femmes était une forme de claustration et que leur libération passait par leur dévoilement. Toutefois, nous avions aussi compris que cette liberté nouvelle que leur conférait l’abandon décidé des voiles restait « conditionnelle et surveillée ». Elle était notamment assortie d’une obligation de réserve quant à l’affichage de leur féminité. En particulier, la chevelure désormais à nu, faisait l’objet d’un strict contrôle, comme le démontrent nos souvenirs d’enfance.
S AÏDA D OUKI D EDIEU . – Je poursuivais mes études secondaires au Lycée français de Sousse, dans une Tunisie à l’aube de son indépendance. Et, un jour, je réussis à persuader mon père de sacrifier la chevelure que ma mère tressait avec amour, tous les matins. Quand je rentrai à la maison, ma tresse coupée, à la main, la réaction de ma mère s’inscrivit dans ma mémoire : « Tu en as fait un garçon ! » Et c’est là que je réalisai que le cheveu vous changeait de sexe et de statut, mais sans comprendre le pourquoi du comment. J’en aurai la confirmation quelques années plus tard quand, un jour, je me suis permis de détresser mes cheveux, qui m’arrivaient de nouveau à la taille, pour imiter les lycéennes françaises. Mon père, ce père qui vénérait l’instruction, me rattrapa par les cheveux et menaça de me retirer de l’école, si je m’avisais de sortir ainsi ! Et une foule de questions se bousculèrent dans ma tête : pourquoi l’exhibition de la chevelure était-elle interdite ? Quel rapport entre l’école et les cheveux ? Je comprenais de moins en moins.
H AGER K ARRAY. –  Mon expérience avec le cheveu ne fut pas moins tragi-comique. Le premier temps de mon adolescence fut marqué par une identification à l’image de mes amies françaises qui portaient une chevelure soyeuse et blonde. Je passais des heures à opérer un lissage de mes cheveux bouclés, ce qui suscita l’ire de mon père. L’interdiction paternelle de poursuivre mon activité « contre-nature », selon ses propres propos, m’a conduite à réviser mon obsession capillaire et à chercher une solution alternative pour mon esthétique. La tendance afro-américaine des années « Nappy » de 1970 s’affirmait dans une identité, « Nappy Girl », « Nappy is Beautiful », « Nappy Crépue Hair », etc., et j’ai trouvé dans cette esthétique de la chevelure crépue un acte militant qui pouvait me convenir. C’était sans compter avec l’engagement marxiste-léniniste de mon père qui abhorrait le libéralisme américain et sa politique mondiale impérialiste. D’autorité, il finit par décider que l’intérêt que je portais à mes cheveux était une servitude. Oui, une servitude !… Il me fallait les couper… à la garçonne ! Je compris alors que cette chose que je portais sur la tête, ma chevelure, ne m’appartenait pas !
S AÏDA D OUKI D EDIEU ET H AGER K ARRAY. –  C’est dire que les freins qui limitaient la totale égalité des genres restaient en place, dans les textes comme dans les mentalités, mais se desserraient peu à peu, au fil des années et des mutations engendrées par le développement économique et social. Les résistances cédaient, les horizons féminins s’élargissaient à perte de vue et ces souvenirs s’estompèrent en même temps que tous nos questionnements pendant des années. Ils devaient resurgir avec une brutale actualité quand un coup de tonnerre éclata dans ce ciel serein. Et ce contrôle qui avait tant bridé l’épanouissement de notre féminité prit tout son sens lorsque, dans les années 1980, nous assistâmes à la réapparition d’un voile nouveau directement venu du Moyen-Orient, qui couvrait précisément la chevelure ; et ce, parallèlement à l’émergence d’un mouvement politique dénommé « Mouvement de la tendance islamique » qui s’opposait à la sécularisation manifeste du pays et à l’émancipation des Tunisiennes. Il fut à nouveau question de polygamie et de répudiation. La condamnation de la société comme des autorités fut totale et l’on vit procéder à un nouveau dévoilement qui s’échoua aux pieds du pouvoir islamiste triomphant, au lendemain de la « révolution du Jasmin ». Dans le projet islamiste de société clairement affiché dans leur programme électoral, la femme redevenait « complémentaire » de l’homme et se devait de se couvrir la tête.
La relation entre le voile, les cheveux des femmes et leur statut était établie et, pourtant, elles ne furent pas les dernières, loin s’en faut, à se rallier à ce nouveau modèle de société. Nous nous devons de tenter de comprendre les déterminants profonds de cette collusion paradoxale si nous voulons contrer le projet de société qui se profile. Et ce d’autant que nous avons retrouvé la même problématique dans le pays où nous avons choisi de fuir l’emprise grandissante de l’idéologie intégriste nouvelle. Surtout, ce revoilement a précédé une offensive terroriste dite « djihadiste » qui allait faire saigner la France comme la Tunisie. Elle culmina avec la création de l’État dit « islamique ». Certes, comme nous le prévoyions, dans un précédent ouvrage 1 , Daech a été vaincu militairement, mais l’idéologie qui l’a enfanté et nourri est plus florissante que jamais. Elle prône un « sixième califat », dont le revoilement des femmes est un prélude essentiel. Un ordre prétendu islamique où le seul rôle de la femme serait celui de mère de musulmans. Un ordre où la présence de femmes égales dérange. Un ordre où la seule place des femmes serait « naturellement » dans l’ombre des hommes.
Il est urgent de se demander si la multitude des voiles qui s’épandent sur la planète entière n’en est pas une éclatante bannière portée par l’avant-garde d’une armée moins visible mais déterminée à « rétablir » l’ordre « islamique », à défaut de califat. Il est crucial de prendre la mesure du danger de cette vague qui menace d’emporter non seulement les droits des femmes mais tout simplement les droits humains. Et de le confronter sans tergiverser et encore moins transiger. Nous avons enfin compris que le revoilement des femmes et le djihad des hommes étaient les deux facettes de l’assaut des soldat

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