Le Touriste et l Habitant
296 pages
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Description

Le tourisme est devenu l'activité économique la plus importante au monde, avec, depuis une décennie, une croissance annuelle deux fois supérieure à celle de l'ensemble de l'économie mondiale et probablement 3 milliards de déplacements touristiques nationaux et internationaux d'ici 2030. Ces mobilités impactent les territoires de destinations et la vie de leurs résidents : il n'est pas toujours facile de vivre avec ces touristes qu'on a pourtant souvent désirés. Qu'apporte l'étude du tourisme à la compréhension de nos modes d'habiter ? Qu'est-ce qu'habiter un lieu dans un monde partout marqué par le tourisme ? Dans cet ouvrage, les rôles de "touriste" et "habitant" ne sont pas aussi clairement définis qu'on l'imagine couramment ; ainsi, les résidences secondaires ou l'idée d'ancrage suscitent des confusions. Depuis longtemps, le tourisme influence les aménagements et les processus d'urbanisation des lieux, touchant les modes de vie locaux : les régions touristiques sont aussi des régions de forte immigration, mêlant résidents plus ou moins permanents et touristes, et, partout, on veut vivre comme des touristes. Quelles politiques et actions peuvent imaginer les acteurs publics pour s'adapter à une activité parmi les plus dérégulées ? Quelle place pour l'habitant dans ces reconfigurations ainsi que dans les nouvelles formes de tourisme dites participatives ? Tandis que ce tourisme s'installe partout, que chacun est susceptible de devenir alternativement touriste et habitant, il faut apprendre à vivre cette permanente imbrication entre deux modes de vie qui ne cessent de se rapprocher jusqu'à parfois se confondre mais s'efforcent encore de se distinguer.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 janvier 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342158922
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Touriste et l'Habitant
sous la direction Dominique Crozat et Daiane Alves
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Touriste et l'Habitant

Illustrations de couverture  :
Paul Rouard , L’Attente (détail) – huile sur toile – 100 x 90 cm – 1982 – collection privée EG
D. Crozat, Manille, 2013 ; Barcelone, 2016 ; Natal, Brésil, 2015
 
Introduction : Inventer (enfin) l’habitant du tourisme ?
Dominique Crozat, Daiane Alves
 
Chaque année, le tourisme et les activités statistiquement liées génèrent plus d’un milliard de mouvements internationaux et au moins deux milliards de mouvements nationaux : c’est l’équivalent de la moitié de l’humanité qui serait mobile, même si les mouvements multiples de certains laissent envisager réellement plutôt 1 milliard et demi de touristes sur cette planète. Si le rythme moyen de 5 % de croissance annuelle se maintient, on peut envisager d’ici 2030 environ sept milliards de déplacements et trois milliards de touristes ! Cette ampleur amène à poser trois grands types de questions.
- Pourquoi ce besoin de mobilité ? Que va-t-on chercher ailleurs ? Qui trouve-t-on ?
- Comment un tourisme aussi massif restructure-t-il les territoires et les modes d’habiter ? Qu’apporte vraiment le tourisme à ces territoires et populations ?
- Comment évoluent les modes d’habiter sous l’influence des éléments qui précèdent ?
 
Sur le premier axe, ce besoin de bouger semble irrépressible : dès qu’un pays atteint un niveau de développement qui lui permet de satisfaire ses besoins élémentaires et d’accéder au droit au temps libre (Corbin, 1995 ; Di Méo & Buléon, 2005), la pratique touristique explose : depuis 1990, l’Asie-Pacifique a ainsi multiplié par 7 le nombre de ses touristes nationaux et internationaux quand son niveau de vie était multiplié par 2,8. Le tourisme de masse est donc consubstantiel à ce mouvement : sur la même période, la part de l’Asie-Pacifique est ainsi passée de 10 à près de 25 % du tourisme mondial.
Sur les axes suivants, cela perturbe des conceptions très partagées qui insistent sur l’enracinement des populations : les nationalismes du 19 e siècle, la pensée de l’habiter chez Heidegger (1958), l’omniprésence du territoire dans la géographie française contemporaine, etc. et leurs dérivés sur la construction des identités, des groupes humains ou la définition de la notion de culture. Le "1 homme = 1 lieu" imaginait que toute rupture était conçue comme un accident a priori exceptionnel (migration entendue comme définitive ou de longue durée). Il ne serait donc plus d’actualité ; cette appétence pour les voyages traduirait une volatilité de nos attachements. De fait, il est nécessaire de prendre en compte les configurations de ces mouvements extrêmement diversifiés.
Cette perspective constitue la principale entrée de cet ouvrage : H. Guérin, J.-P. Volle, D. Crozat, F. Cavallo, D. Alves s’efforcent de poser quelques jalons à travers le questionnement autour des motivations et des formes de ces mouvements et ancrages. S. Villepontoux questionne la distinction entre voyageurs et touriste car s’impose aujourd’hui la réécriture des définitions obsolètes du touriste comme de l’habitant.
Dans les lignes qui précèdent mais aussi le discours commun, le tourisme est entendu comme une rupture de l’habiter ; mais qu’est-ce donc qu’habiter ? Qu’est-ce même qu’être mobile ? En France, le tourisme itinérant ne représente qu’une minorité dont l’importance relative décroît : à peine 10 % de la fréquentation. Cela amène à reconsidérer la demande de ces touristes si stables, si réguliers dans leurs parcours, leurs stations et leurs retours mais aussi leur relation aux populations qu’ils fréquentent. Les attitudes des habitants sont donc extrêmement variées : on passe ainsi de la naïveté des néophytes (F. Merabet) qui risquent de lourdes déceptions (E. Giordano/C. Tuci/S. Soriani) à la prudence de communautés circonspectes qui attendent de voir les retombées d’un tourisme annoncé comme une promesse (M. Kieffer) puis parfois à la protestation face à ce qui est considéré comme une invasion déstabilisante pour les communautés locales (D. Crozat). Mais le tableau n’est pas toujours négatif : un certain volontarisme (D. Alves, S. Villepontoux) peut déboucher sur des réussites ponctuelles (D. Crozat).
Vue par les touristes, la situation est tout aussi complexe. Pour Foucauld (1971), l’instauration de réitérations est nécessaire pour ordonner, sécuriser et surtout quadriller pratiques et comportements dans les dispositifs de contrôle des sujets. Ces schémas se superposent aux routines que Lefebvre (1992) avait identifiées. Le touriste réclame ces réitérations du même pour résoudre la perturbation générée par le décalage d’avec son environnement coutumier. Nous nous retrouvons alors un paradoxe (Ceriani et al., 2006) car le tourisme apparaît souvent engager volontairement dans une situation de trouble : souvent, c’est un décalage d’avec une situation vécue comme "normale" et qui permet de rendre supportable ce "normal", qui permet de tutoyer les limites d’une morale pour la réintégrer, rassuré, de retour à la maison. Mais cela pose la question sous un angle que d’aucuns dénoncent comme néo-colonial car l’habitant n’est plus alors pensé que comme un champ d’expérimentation, l’objet d’une expérience qu’on ne tente même pas chez soi.
Dans le même temps, cette recherche de rupture concorde souvent avec la recherche obsessionnelle de routines, à défaut de retrouver vraiment le cadre quotidien délocalisé. Cette fois, l’habitant est sommé de se conformer parfaitement aux normes des lieux de départ des touristes qui les visitent, de les dorloter : une bivalence entre la maman et la putain pas forcément très assumée par les candidats au développement touristique.
La réponse la plus fréquente instaure une standardisation de l’aménagement des aéroports, des chaînes d’hôtel ou des visites guidées ; les programmes de fidélisation de Best Western ou Accord proposent au client d’enregistrer ses préférences sur le site web de la chaîne afin de retrouver un produit constant quel que soit le lieu de son futur séjour dans un hôtel de la marque ! Mais F. Cavallo montre les limites de ce mouvement de recherche d’une reproduction de chez soi dans le lieu visité.
Que reste-t-il alors du tourisme ? "Du fait que l’on répète un même , même qui est de par sa nature déjà connu et familier (objet du savoir). On peut demander, à partir de là, s’il reste de la place dans nos sociétés pour le nouveau, pour l’aléatoire, ou même, finalement, pour l’ autre  ? Autre qui de son côté est inconnu et inattendu" (Lemoine, 2013 : 50). L’autre, n’est pas vraiment le souci de la plupart des opérateurs de tourisme ; les habitants sont priés d’être typiques ou de disparaître. Quant à l’inattendu et l’inconnu, c’est même leur ennemi et celui de leurs assureurs : l’efficacité de l’organisation industrielle du tourisme repose sur sa prévisibilité. On met donc en scène une diversité artificielle avec un discours complètement décalé de la réalité homogène que l’on propose réellement et, qu’au fond, le client sait bien qu’il va retrouver. Ce problème de marketing est résolu par les revues de voyage à l’aide de titres racoleurs 1 suivis systématiquement de la rubrique "y aller" où les sponsors sont chargés de sécuriser et garantir qu’au fond rien ne change.
Mais ces touristes ne sont pas toujours si étrangers : c’est ce qu’essaient de développer des approches novatrices ; de nouvelles pratiques plus participatives remettent l’humain et l’inconnu au centre du processus dans une quête d’authenticité et de rencontre (D. Alves, S. Villepontoux, M. Kieffer, D. Crozat). Plus largement, il s’agit d’amener le touriste à considérer qu’il habite ailleurs, c’est-à-dire qu’il a deux résidences. Alors qu’il existe en France près de 3 millions de résidences secondaires, quatre millions et demie sur l’aire francophone européenne et nord-américaine, cela pose une autre question : qui habite ma commune ? Chacune des (petites) communes françaises possède en moyenne 82 résidences secondaires soient 9 % de l’ensemble des logements. Si la moitié des communes sont peu concernées (moins de 3 %), aucun maire des autres communes ne peut s’en détourner : dans 14 % d’entre elles, le phénomène atteint ou dépasse 25 % des logements ! Voire plus : 71 % à Piriac-sur-Mer (Loire Atlantique), 85 % à Corrençon-en-Vercors (Isère)… Et ce ne sont pas seulement les régions dites touristiques qui sont intéressées : 53 % à Ault (Somme), 66 % à Anglès (Tarn). Paris en possède 60 000, deux fois plus que Agde, mais, pour un maire, la problématique est la même : ces résidents ont des droits et, souvent, des demandes.
Plus largement, à quels droits peut prétendre ce visiteur, intrus ou habitant (Giordano et al.) ? Celui de pénétrer dans l’intimité de la vie des habitants permanents ? Certains essayent de contrôler ces flux et ces affects (S. Villepontoux, D. Alves, M. Kieffer). Cela va-t-il jusqu’au droit de cuissage et à l’exploitation de ce territoire au nom d’une promesse de dépense dans l’économie locale qui, finalement, se révèle souvent marginale ? Selon sa catégorie sociale, un français ne dépense en tourisme que 2 à 5 % de ses revenus, un allemand à peine plus ; selon le niveau de développement, 10 à 60 % de cet argent parvient aux territoires qui reçoivent ces touristes. Bien que décrié, le tourisme dit "de masse" est donc indispensable pour assurer une réal

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