376
pages
Français
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1986
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Ebook
1986
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Publié par
Date de parution
01 février 1986
Nombre de lectures
1
EAN13
9782738160393
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
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01 février 1986
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1
EAN13
9782738160393
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Français
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Du même auteur
De la biologie à la culture
Flammarion, 1976
Histoire de la louve
Flammarion, 1981
Traité du vivant
Fayard, 1982
Les Épidémies dans l’histoire
(en collaboration avec Jean-Charles Sournia)
Flammarion, 1984
Le Vivant et l’Humain
Le Centurion, 1985
© O DILE J ACOB, FÉVRIER 1986. 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6039-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
à Jean Bernard
Introduction
La sélection est un juge patient mais sévère qui mit en place, au cours des temps, les types vivants que nous connaissons.
Tous présentent une grande variété de formes et de fonctions, et souvent des adaptations remarquables : à telle enseigne que pendant des siècles les naturalistes ne purent voir là que la volonté d’une conscience suprême. Jamais le hasard, pensait-on, ou une « nature aveugle » n’eussent pu engendrer seuls de telles merveilles. Voltaire admirait l’horloge mais ne la concevait pas sans horloger. Les progrès rapides de la biologie moderne, plus rénovée en trois décennies qu’en deux millénaires, ont montré que la mécanique évolutive était moins simple qu’on ne l’avait cru. L’explication de bien des phénomènes n’est plus tout à fait évidente. Pourquoi, dans bien des cas, la sélection naturelle a-t-elle retenu des processus qui nous paraissent à la fois hasardeux et complexes au lieu de choisir des solutions simples ? Ainsi en va-t-il de la reproduction sexuée et de la mort .
Chaque être vivant, la puce comme la baleine, la pâquerette comme le séquoia est un acteur qui joue toujours la même tragédie, même si les modalités en sont innombrables. Il naît, se reproduit, et meurt. Son « but » est d’assurer la perpétuation du groupe dont il est issu ; son « souci » de ne pas interrompre la chaîne de la lignée à laquelle il appartient. Toutefois, le drame en trois actes de la vie : naissance, reproduction et mort, ne se met en place que chez des êtres déjà complexes, pourvus d’un vrai noyau : les eucaryotes . Pendant les 2 milliards d’années qui les ont précédées, des formes vivantes beaucoup plus élémentaires, les bactéries ou protocaryotes , ont présenté un cycle infiniment plus simple. La reproduction se fait, chez eux, par simple division cellulaire. Ayant atteint une certaine taille critique, une cellule se divise en donnant deux descendants identiques, mais de volumes inférieurs, qui croîtront avant de se diviser à leur tour. Rien, dans tout cela, qui puisse rappeler une quelconque intervention sexuelle. Pour se reproduire, la cellule bactérienne « se débrouille » toute seule : elle ne fait appel, dans ces circonstances, à aucun partenaire. Le même individu, indéfiniment reproductible, jouit en quelque sorte de l’immortalité. Il n’en est plus de même dans les formes de vie supérieure, les eucaryotes, qui possèdent de vrais noyaux bien plus riches en informations génétiques et permettent l’apparition d’êtres pluricellulaires, animaux ou végétaux. Dès lors, la sélection met en place deux phénomènes nouveaux.
D’abord, la reproduction sexuée . Désormais, et en dehors de rares cas correspondant à des simplifications secondaires, les individus ne se reproduisent plus par simple division. Ils émettent des cellules particulières : les gamètes , qui, se fusionnant aux cellules d’autres individus de la même espèce mais de sexe différent, donnent un œuf à cellule unique. Chaque œuf, quelle que soit l’espèce à laquelle il appartient, est donc le produit de fusion de deux gamètes de sexe opposé. Cette fusion constitue la fécondation qui est la vraie naissance biologique. L’œuf est une cellule microscopique : ceux d’oursin, de drosophile ou d’éléphant sont d’un même ordre de grandeur, et le non-spécialiste ne saurait les distinguer. Mais chacun porte dans son noyau un programme génétique différent ainsi fait que le premier donnera un oursin, le second une drosophile, le troisième un éléphant.
Ce programme se déroule au cours d’un processus complexe de multiplication et de différenciation cellulaires : l’ ontogenèse ou embryogenèse , qui met en place tissus et organes composant l’individu de l’espèce correspondante. Cette phase achevée, il deviendra mature et apte à se reproduire à son tour.
Ce type de reproduction, sexuée, qui fait appel à la fusion de deux cellules de sexe opposé, presque toujours émises par deux individus différents, comporte des impondérables. Pour la puce comme pour l’éléphant, il serait infiniment plus simple, pour se reproduire à coup sûr, de se partager en deux, comme le font les bactéries, et que chaque partie régénère ce qui lui manque.
Pourquoi la nature en a-t-elle décidé autrement et assigné à la majorité des groupes la voie infiniment plus périlleuse de la sexualité ? Pourquoi, entre deux processus, avoir retenu le plus aléatoire ? Quel avantage sélectif se cache sous la complexité apparente du sexe ?
En outre, la sexualité va toujours de concert avec un autre phénomène de prime abord catastrophique ou au moins vécu comme tel individuellement : le vieillissement et la mort de ceux qui se sont reproduits, et laissent la place à leur progéniture. Nous verrons, tout au long des chapitres qui suivent, quels avantages sélectifs furent assez puissants pour imposer à toutes les lignées la sexualité, l’usure, la disparition de chaque sujet. Ils tiennent en quelques mots. La reproduction du type bactérien, par division simple (l’unique chromosome de la bactérie se réplique au cours de la reproduction bactérienne en deux chromosomes fils absolument semblables) et l’immortalité qui s’ensuit pour l’individu, sont synonymes de conservatisme. Ainsi, le même cliché est indéfiniment « tiré ». L’on connaît des groupes, notamment dans certains sites du Groenland et de l’Afrique du Sud, qui n’ont pratiquement pas été modifiés depuis une époque éloignée du précambrien, remontant peut-être à plus de 3,5 milliards d’années. Au contraire, la sexualité et la mort qui l’accompagne assurent le changement. Elles sont douées d’une dynamique qui, seule, a permis le progrès évolutif. Sans elles nous en serions encore au stade bactérien. Tout au plus serions-nous devenus de petites algues bleues comme les cyanophycées, capables de vivre avec ou sans oxygène ; aucune forme complexe cependant n’aurait vu le jour et jamais Homo sapiens n’aurait fait son apparition au terme de cette longue marche. Nous sommes les enfants du sexe et de la mort .
Au palier humain, ces deux phénomènes, dont nous avons depuis longtemps pleinement conscience, se chargent de toute une symbolique. Ils acquièrent un sens moral. En Occident, la désobéissance d’Adam et d’Ève (sur l’offre de celle-ci), qui croquent la pomme de l’arbre du bien et du mal pour devenir les égaux de Dieu, figure une copulation interdite.
Sans doute se sentent-ils des dieux au moment où ils s’unissent, mais ce paradis rapidement effleuré les condamne à la vieillesse, à la maladie, à la mort. C’est du moins ce qu’affirme l’Écriture. Ainsi, le péché originel nous aurait replongés dans le monde de l’organique si tant est que nous en soyons sortis. Pour nous, ces deux faits biologiques, le sexe et la mort, prennent par leurs conséquences une valeur sociale et culturelle. Nous devons les accepter comme des fardeaux inévitables, qui pèsent sur notre condition mais la valorisent. Sans eux, nous ne serions pas.
Le présent ouvrage est divisé en deux parties.
La première traite de la reproduction sexuée et montre, à côté de ses conséquences pour la dynamique des populations, son rôle éminent dans le développement de la socialisation et du « sens esthétique » chez les organismes supérieurs. Elle tend à désacraliser le sexe pour le mettre à sa juste place.
La deuxième traite du vieillissement et de la mort, de leurs prémonitions, de leurs modalités, de ce qu’ils signifient au regard de l’espèce. Nous avons délibérément abordé le problème sous l’angle biologique, négligeant son aspect métaphysique qui n’est ni de notre domaine ni de notre compétence. Nous n’en avons cependant pas esquivé certaines questions, même quand la réponse, pour autant qu’elle existe, nous paraissait hors de portée de l’esprit humain. Suivant ses inclinations et sa propre expérience, chacun trouvera là matière à réflexion.
L’une des grandes infirmités des civilisations modernes est d’avoir occulté la mort comme un sujet tabou, et présenté du monde une vue artificielle, aseptisée qui ne répond pas à la réalité. La découverte de la vérité est souvent traumatisante et génératrice de névroses, d’indifférence ou, chez les plus sensibles, de désespoir.
C’est l’un des problèmes les plus douloureux et les plus graves auxquels se heurtent les médecins. Aujourd’hui, sous l’effet de l’avancement rapide des sciences, la médecine est devenue une science biologique et obéit à des règles quasi constantes. On sait suivre, au niveau moléculaire lui-même, l’action d’un virus, d’une mutation pathologique, d’une cellule déréglée qui échappe à l’intégration globale de toutes les composantes de l’organisme et se fourvoie dans l’anarchie leucémique ou cancéreuse. Mais le médecin brasse un matériel humain. Il est responsable d’hommes, de femmes, d’enfants qui souffrent et espèrent. Certains, confrontés à une évolution qu’ils sentent irrémédiable, font face avec courage ; d’autres perdent