Le Mythe de Tapir Chamane
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Le Mythe de Tapir Chamane , livre ebook

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Description

Les mythes sont des récits d'origine, récits du temps où les hommes étaient proches des animaux ; où ils parlaient le même langage qu'eux, s'accouplaient avec eux, un temps où il n'y avait pas de solution de continuité entre l'animalité et l'humanité. Ils racontent comment l'homme est sorti de la bestialité en inventant toute une série de différences, entre les générations comme entre les dieux et les hommes, à partir de celle, princeps, du sexe de la femme. Dans cet essai, Patrice Bidou montre, sur un mythe amazonien de l'origine de la civilisation, comment les mythes mettent en scène les conflits inconscients et comment leur narration revient au même qu'une cure psychanalytique. Patrice Bidou, ethnologue, est chargé de recherche au Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2001
Nombre de lectures 3
EAN13 9782738170514
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PATRICE BIDOU
LE MYTHE DE TAPIR CHAMANE
ESSAI D ’ ANTHROPOLOGIE PSYCHANALYTIQUE
© ÉDITIONS ODILE JACOB, OCTOBRE 2001 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
ISBN : 978-2-7381-7051-4
www.odilejacob.fr
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Barreto, Ramon, Omero, Cristina, À Gillian G ILLISON ,
Elle se retourne enfin et lui jette un regard effrayant. Épouvanté, il s’enfuit. On voyait la chair rouge de la paupière inférieure qui avançait sous les yeux.
Sigmund F REUD 1 .
1 . S. Freud, L’Interprétation des rêves , op. cit. , p. 178.
Table
Page de titre
Copyright
Dédicace
INTRODUCTION
Une histoire de famille
Le langage, le mythe
La sexualité, le rêve, le mythe
Chapitre 1 - UNE MYTHOLOGIE AMAZONIENNE ENTRE LÉVI - STRAUSS ET FREUD
Chapitre 2 - UNE CIVILISATION DU MANIOC AMER (Les Tatuyo du Pira-parana)
Chapitre 3 - PORTRAIT DU MAÎTRE DE LA NOURRITURE
Chapitre 4 - TAPIR CHAMANE , L ’ ANCÊTRE QUI NE VOULAIT PAS PARTIR (La mythologie)
Chapitre 5 - LE RÊVE DU LAC
Chapitre 6 - LA MAISON DE TAPIR CHAMANE
Chapitre 7 - DES PLUMES , DE L ’ OR ET DES FÈCES
Chapitre 8 - LE FILS , LA MÈRE ET LA BRU
Chapitre 9 - UNE MYTHOLOGIE PRÉGÉNITALE
Chapitre 10 - LE DÉPART DE L ’ ANCÊTRE ET L ’ AVÈNEMENT DU HÉROS
Chapitre 11 - ÉPILOGUE
CARTE
INDEX DES MYTHES
GLOSSAIRE DES TERMES INDIGÈNES
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION

Une histoire de famille
Les mythes sont essentiellement des histoires de famille. Comme les rêves d’ailleurs, avec ici et là les mêmes procédés de déguisement et autres ruses du psychisme qui rendent éventuellement méconnaissable la figure familière ou en dénient la présence sur la scène. « Ma mère, ce n ’est pas elle 1 . »
Les mythes sont des histoires de famille, c’est-à-dire qu’ils mettent en jeu les mêmes protagonistes que ceux et celles qui sont pris, émotivement et intellectuellement, dans le procès de narration et d’écoute des mythes. Les mêmes protagonistes ? En réalité, pas tout à fait, voire à beaucoup près. Car, pour le dire en un mot, dans les mythes, les relations entre les membres de la famille sont bestiales. Le mot n’est pas choisi complètement au hasard puisque, dans nombre de mythes, les personnages portent des noms de bêtes. Ce qui est quand même une protection. À chacun ses mœurs, l’humanité sera mieux gardée.
Par ailleurs, ne trouve-t-on pas dans toutes les langues ces mots placardés à l’entrée du mythe : « Au commencement », « Il y a longtemps », « Autrefois », « Jadis », etc., qui sont une autre garantie ? Bref, après le « Non, ce n’est pas ma mère », parant à tout danger d’identification, il y a ce « Non, cela n’est pas aujourd’hui » qui, sous la forme d’un hiatus temporel, constitue un fossé protecteur autour du mythe. Comme dans les zoos, la fosse profonde et large qui empêche un bond du fauve, mais qui sert aussi, en sens inverse, à prévenir le bond d’un spectateur fou dans les griffes du fauve.
À l’intérieur de cette double enceinte protectrice, qu’on pourrait comparer à une combinaison spéciale pour entrer dans une zone hautement contaminée, on peut ranger les différentes approches des mythes à partir de l’attitude adoptée par celui-ci ou par celui-là, par cette école-ci ou par celle-là, envers cette scène de la bestialité.
La mythologie des peuples indigènes reçoit ses lettres de noblesse dans l’infâme, si l’on ose dire, et devient un objet d’étude en tant que tel à partir du moment où, dans la seconde moitié du XIX e  siècle, on découvre que la mythologie des Grecs est, à l’instar de la première, « remplie d’histoires indécentes, qu’elle tient des propos incongrus, qu’elle parle un langage insensé 2  ». Ce rapprochement dans l’horreur aurait pu être sa chance, car la mythologie grecque contenait la réponse, à livre ouvert, crevant les yeux, mais la chance a été ratée. Il est vrai que Freud n’était pas encore passé par là, il commençait. Mais on peut douter qu’il s’agisse seulement d’une affaire de calendrier, car, un siècle et demi plus tard, force est de constater que le découvreur de la psychanalyse a toujours autant de peine à gravir les marches de l’Acropole. Persona non grata .
Pourtant, d’entrée de jeu, les grandes figures fondatrices de la mythologie 3 avaient repéré le vrai objet et posaient avec insistance la vraie question : d’où sont issus la cruauté, le viol, l’inceste, le meurtre, l’infamie, qui président aux relations entre les membres de la famille dans les mythes ? D’où viennent ces fables répugnantes ? De quels continents, de quels voyages lointains surgissent tant d’horreurs ? Pour qu’il y ait si grand émoi, écrit Detienne, pour que tous déclarent en même temps que ces récits sont tellement choquants et embarrassants, il faut quelque raison, un motif, sinon un prétexte 4 .
Pourquoi la peste, la destruction, la famine, la naissance de monstres, la mort insatiable, pourquoi l’horreur indicible qui frappe Thèbes, s’exclame Œdipe ? Il doit y avoir une raison, un motif, un coupable ? Personne, dit-on, n’en souffrait plus qu’Œdipe, car il se considérait comme le père de son État, ceux qui le peuplaient étaient ses enfants, et la souffrance de chacun d’eux devenait la sienne 5 . Il s’agit donc bien d’une affaire de famille : un père, dont tous les membres de la cité sont les enfants. C’est très exactement sur cette configuration – un père et ses enfants, dans la grande maison, avec la mort perfide qui emporte les enfants les uns après les autres – que s’ouvre la mythologie indigène qui est présentée et analysée dans le corps de cet ouvrage.
Œdipe mande, s’enquiert : c’est la mort de Laïos, dont le meurtre est resté impuni, qui est la cause du mal. Non seulement le passé n’est pas mort, mais d’avoir été si longtemps ignoré il resurgit dans le présent avec une force létale inouïe. Œdipe s’engage solennellement : « Je poursuivrai, dit-il, la recherche de la vérité et punirai le coupable avec la même détermination que si le roi assassiné eût été mon propre père. » Il fait venir Tirésias le vieux prophète aveugle. Le roi de Thèbes ordonne, presse, se fâche, accuse. Alors, dit-on, le devin se fâcha lui aussi, et les mots qu’il aurait voulu ne jamais dire tombèrent comme des pierres de ses lèvres : « Tu es toi-même le meurtrier que tu recherches. » Toi-même tu es à l’origine des malheurs qui frappent la cité, tu es toi-même la cause de la mort de tes enfants. Œdipe crut que Tirésias divaguait ; ce qu’il disait semblait pure folie, et il le chassa de sa présence, avec ordre de ne plus jamais paraître devant lui.
On a le sentiment que le bannissement de Tirésias, en même temps que ses paroles de vérité frappent de surdité les oreilles d’Œdipe, est l’acte emblématique fondateur des études de mythologie.
Cela fait penser, dans un autre registre, au petit garçon dont parle Freud, qui, au moment même où il voit le sexe de sa sœur, en bannit l’image de ses yeux. Selon Freud, il s’agit de la première théorie infantile de la sexualité – mais on pourrait aussi bien dire la première « maladie » de la sexualité, et, sans doute, par ses effets décalés, la plus durable et la plus meurtrière.
Le rapprochement du petit garçon qui chasse de ses yeux l’image du sexe de sa sœur avec Œdipe chassant le vieux devin aveugle a un fondement plus solide qu’il n’y paraît d’abord. En effet, qui est Tirésias ? D’où tient-il ce pouvoir de connaître le vrai et de dire la vérité sans vaciller ? D’avoir été femme pendant sept automnes de sa vie. Pas un homme efféminé, ou un homme comme une femme, mais d’avoir été transformé corps et biens en une femme et avoir porté pendant sept automnes le sexe de la femme dans l’intimité de sa chair.
Un jour, dit-on, Jupiter mis en gaieté par le nectar se livrait à de plaisants badinages avec sa femme Junon, alors de loisir : « Sans aucun doute, aurait-il dit, la volupté que vous éprouvez est plus grande que celle que ressent l’homme. » Junon le nie (Ovide).
Les mots prononcés par Junon : « Non, ce n’est pas la femme qui a la plus grande jouissance dans l’acte sexuel », sont de même facture que les deux autres formes de la négation (dénégation) qu’on a rencontrées plus haut, en abordant le mythe.
Ils décidèrent alors de demander l’avis au docte Tirésias qui répondit que c’était chez la femme que la jouissance était la plus forte. La fille de Saturne en conçut, dit-on, plus de dépit qu’il n’était juste et que ne le méritait le sujet ; et elle condamna les yeux de son juge à la nuit éternelle. Mais le père tout-puissant, en compensation de la perte de la lumière, lui accorda de connaître l’avenir et adoucit le châtiment par cette faveur (Ovide).
Chez Junon, plus de dépit que ne le méritait le sujet. À voir. Car la réponse de Tirésias, en révélant le plus grand abandon de la femme dans l’acte amoureux, jetait une lumière crue sur le masochisme érotique féminin , comme le jardin privé de sa sexualité.
Tirésias chassé deux fois, par Junon, puis par Œdipe, incarne, chez les auteurs de l’acte, le « refus du féminin 6  », chez l’un et l’autre sexe, mais de façon particulière à l’un et l’autre sexe. Le refus du féminin, c’est-à-dire à la fois, étroitement associés, le refus de la sexualité et celui de l’altérité, l’un et l’autre trouvant leur coalescence dans l’organe génital de la femme. On a alors l’idée que le rejet de la sexualité, sous la forme du déni du sexe de la f

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