Le Design et le Vivant
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Le Design et le Vivant , livre ebook

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Description

Sur quels desseins pratiques et éthiques se fondent les activités humaines qui façonnent nos milieux ? Quels en sont les effets concrets, existentiels sur les êtres vivants ? En quoi les activités humaines ont-elles à voir avec le design comme rencontre d'un dessin et d'un dessein ? En quoi le design questionne-t-il notre rapport à la Terre que nous habitons et qui nous habite ? Cet ouvrage interroge les choix éthiques qui nous amènent à designer le vivant, designer indifféremment au vivant, designer à rebours du vivant ou designer avec le vivant. Des choix qui se posent aujourd'hui à chaque habitant de la Terre et à chaque communauté. Partant d'une approche comparative entre le design permaculturel, les cultures paysannes et l'agriculture industrielle, Nicole Pignier questionne les liens entre cultures, agricultures, technologies. Dans une approche sémiotique des Sciences de l'Information et de la Communication, elle met en exergue les liens entre perception et éthique au sein des activités de design.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 mars 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342151749
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Design et le Vivant
Nicole Pignier
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Design et le Vivant
 
Préface par Augustin Berque
Ce livre me repayse. Or ne provient-il pas du clavier d’une sémioticienne ? Voilà longtemps que je soupçonnais les signes de mener à tout, mais la preuve est ici faite, archifaite : les signes mènent à la Terre, pour la bonne raison qu’ils en sont eux-mêmes issus. En toute phusis , ils ont poussé de la Terre (c’est la planète Terre, l’archéorigine de toute terre, de tout pays, et même de tout sens, nous lui devons donc la majuscule). Et comme, pour retrouver la Terre, le chemin le plus direct est bien la terre d’un pays, quel qu’il soit, Nicole Pignier nous parle donc de paysage, de paysans, voire de païs et même de païsants.
Païsant  : Nicole Pignier définit ce terme, apparu dans notre langue écrite en 1140, comme « celui qui habite la campagne et cultive la terre du « païs » ou contrée, région, habiter étant entendu dans le sens plein de « vivre » et pas seulement remplir, occuper un lieu ». Je dirai même plus : païsant, paysan est celui qui payse, qui d’une portion de la planète Terre fait une terre, un pays. Quelqu’un qui, paysant, fait le lien entre la Terre et ce que nous sommes, à savoir humains.
Or comment donc se fait cette médiation, comment se manifeste-t-elle ? Ce livre nous le dit, ne déflorons pas le propos, il faut le lire ; mais livrons du moins la conclusion : cela, ça passe par le paysage, mais pas dans n’importe quel sens ; on y quitte le paysage pour atteindre au « milieu paysager » ; et « le passage de paysage à milieu paysager réintègre pleinement le travail social ».
C’est bien cela : ce paysage-là fait pays, il travaille et payse le lien entre la Terre et ce que nous sommes : humains en société, en société bien sûr entre nous autres humains, mais aussi avec les autres vivants. Et c’est la vie justement qui nous emmène tous, vivant et paysant toute chose au long du chemin (ce fameux camino qui se fait en cheminant).
Plus sobrement dit, la sémioticienne Pignier nous parle de sens. Elle nous fait sentir l’absurdité d’opposer nature et culture, comme à l’inverse de prétendre abolir cette polarité. Entre nature et culture, entre la Terre et l’humanité, il n’y a pas dichotomie, non plus qu’hybridité ; il y a sens  : le sens du passage de l’un des deux pôles à l’autre, et de l’autre à l’un. Il y a la concrétude d’un aller-avec – je dirai même qu’il y a la concrescence d’un croître-ensemble, chacun des deux pôles nourrissant l’autre à sa façon.
Le castillan des Amériques, pour cela, parle de crianza mutua – de soin mutuel, de maternance réciproque. Bien sûr, ce n’est là qu’une traduction, pareille idée, a priori , n’ayant pu germer dans un esprit locutant à l’européenne. Cette crianza mutua , c’est effectivement une idée amérindienne, préhispanique, et sur l’altiplano des Andes, loin de la ville, cela se dit plutôt ayway (entre autres). Alors, une idée prémoderne, exotique, irrationnelle, mythomorphe ?
Que nenni ! Vrai, cela fait assez New Age, mais ce dont il s’agit, c’est bien d’innover en tablant sur le savoir moderne, en connaissance de la modernité mais dans un autre esprit : « innover non pas en faisant table rase des gestes d’avant, mais en les renouvelant, les améliorant au vu des nouvelles connaissances en agronomie, biologie mais aussi en sciences humaines ». Du reste, le père de notre propre philosophie rationnelle, Platon, ne parlait pas d’autre chose que de crianza mutua lorsqu’il qualifia d’empreinte/matrice ( ekmageion/mêtêr , ou tithênê ) le rapport des êtres en devenir ( genesis ) avec leur milieu ( chôra ), dans le monde sensible ( kosmos aisthêtos ). Ni Uexküll, lorsque, en toute moderne scientificité (c’est-à-dire par la voie du protocole expérimental le plus orthodoxe), il parlait d’appariement ( Gegengefüge ) entre l’animal et son milieu ( Umwelt ). Ni Watsuji, lorsqu’il parlait de « moment structurel de l’existence humaine » (ningen sonzai no kôzô keiki ) entre ce que nous sommes et notre milieu ( fûdo ). Bref, cela, ce n’est pas un retour nostalgique en deçà de la modernité, mais au contraire un dépassement mésologique du paradigme occidental moderne classique et de son dualisme : « pour vivre d’esthésie plutôt que d’anesthésie […] en designant avec le vivant plutôt qu’en designant le vivant, à rebours du vivant ».
Ce dépassement du paysage en milieu paysager, dans le sens de la vie plutôt qu’à rebours, voilà qui repayse ! Et voilà ce que nous donne à lire ce livre.
Kyôto, 24 février 2017.
Introduction. Les gestes du design
« Un jour, en fin d’après-midi, nous émergeâmes de la pénombre de la forêt, où nous avions au moins été protégés de l’éclat aveuglant du soleil, pour nous retrouver au bord d’une vaste plantation de petits palmiers, des dizaines de palmiers, des milliers, des millions peut-être, qui s’étendaient à perte de vue, des rangées et des rangées de palmiers, avec un peu de terre brune et nue entre eux.
Perché sur Oona [l’éléphante], je regardai ce paysage étrange et nouveau, en ayant l’impression d’être arrivé sur une autre planète. Au bout d’une heure environ dans cet endroit aride, je regrettai déjà la forêt humide que nous avions laissée derrière nous. Avec tous ses dangers et ses désagréments, elle était pleine de vie, d’odeurs, de couleurs et de sons. Seuls poussaient des palmiers, sur cette nouvelle planète, et rien d’autre. Il n’y avait pas de chants d’oiseau, pas de vacarme ni de tumulte, pas de papillons, pas d’abeilles, il n’y avait ni le bourdonnement, ni le tohu-bohu de ce monde de la jungle auquel je m’étais habitué ».
Enfant de la jungle , Michael Morpurgo 1
 
Sur quels desseins pratiques et éthiques se fondent les activités humaines qui façonnent la terre, le sol, les dessinent ? Quels en sont les effets concrets, existentiels sur les êtres vivants ? En quoi les activités humaines ont-elles à voir avec le design comme rencontre d’un dessin et d’un dessein ? En quoi le design questionne-t-il notre rapport à la Terre que nous habitons et qui nous habite ?
Le terme « design » apparaît dans la langue française en 1959. Il est emprunté à l’anglais « design » formé au XVII e siècle à partir d’un mot français à double orthographe « dessin »/« dessein » qui à cette époque signifie à la fois le croquis, le plan, le dessin et le dessein, à savoir le but, le projet. Ce substantif français qui évolue en deux termes distincts à la fin du XVIII e siècle – dessin et dessein – s’est formé à partir du latin «  designare  » qui signifie « désigner, indiquer, arranger, dessiner » et duquel est né, en italien, le substantif « disegno », synonyme de dessin, projet (Guidot, 2003 : 8-9), (Rey, 2016, article « design »), (Bloch et Wartburg, 1989, article « dessin »).
L’histoire du design en tant que domaine professionnel se situe en amont de la naissance de l’industrie qui consiste en des conceptions d’objets standardisés pour produire des séries mécanisées. En effet, au XVII e siècle, aux Etats-Unis, le design signifie « plan d’un objet d’art », il désigne la conception d’un objet décoratif étendue à des objets utilitaires (Rey, 2016, article « design »).
Mais le terme « design » peut aussi s’entendre, ainsi que le propose Victor Papanek, comme la base intentionnelle des activités humaines : « All men are designers. All that we do, almost all the time, is design, for design is basic to all human activity ». (Papanek, 1985 : 3). Dans cette perspective élargie, le design s’entend comme projet d’action intentionnel qui pose la question du sens et qui concerne tout un chacun, bien au-delà d’un cloisonnement professionnel :
 
« La préparation et le modelage de toute action en vue d’une fin désirée et prévisible : tel est le processus de design. Toute tentative pour le rendre indépendant [faire du design un métier spécifique], pour en faire une chose-en-soi va à l’encontre de sa valeur intrinsèque de première matrice fondamentale de la vie […] ». (Papanek, 1974 : 31).
 
En tant que processus, le design interroge le sens en jeu dans l’orchestration des choix et des usages de matériaux, outils, manières de faire mais aussi dans l’efficience de nos actions et de nos non-actions sur les relations aux choses, aux autres, au réel, à la vie. C’est ainsi que Victor Papanek plaide pour un design « intégré » c’est-à-dire qui « s’efforce d’être exhaustif et de prendre en considération tous les facteurs pouvant peser sur un choix, une décision » . (Papanek, 1974 : 340). Nous envisageons le design en tant que concept qui associe un dessin – plan, esquisse, croquis et diverses représentations graphiques – à un dessein, à savoir un but, un objectif mais aussi une visée éthique, c’est-à-dire une conception du mieux-être individuel et collectif (Pignier, 2013 : 51), (Besnier, 2009 : 28).
Le design, dans son acception professionnelle, n’a cessé d’élargir ses champs depuis le XVII e siècle. Portant sur les objets décoratifs artisanaux, il s’étend aux objets industriels au XIX e siècle puis au design de services et design numérique, design d’interaction, éco-design, design environnemental, communication design , intelligent design , design architectural, design de services, design paysager et autres expressions connexes au XX e siècle avant de gagner, à l’aube du XXI e siècle, le design de la planète tout entière. Un élargissement que soulignent Bruno Latour à propos de la vie artificielle et du design climato

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