La sexualité comme expression d’identités religieuses et politiques dans le canton de Vaud (fin de l’Ancien Régime–1848)
504 pages
Français

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La sexualité comme expression d’identités religieuses et politiques dans le canton de Vaud (fin de l’Ancien Régime–1848) , livre ebook

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Description

« Pour nous Messieurs, nous sommes bien décidées à ne jamais confier nos fils et nos filles à des Ministres nouveaux, dont le pays n’aurait pas éprouvé la moralité, à une Église où l’on enseignerait peut-être des doctrines socialistes ou communistes. » En 1845, Louise Émilie Caille,
comme 315 femmes de Payerne, signe la pétition libérale qui s’oppose au renvoi des pasteurs en conflit avec le Gouvernement radical. Elle rejoint ensuite les rangs de l’Église libre avec son mari. Les conjoints auront trois enfants, et Louise Émilie est âgée de vingt-sept ans à la naissance du cadet.
Au début du XIXe siècle, la pratique qui vise à limiter la taille de la famille est diffusée parmi plusieurs couples qui, comme eux, appartiennent souvent aux cercles libéraux. À l’heure où naissent les premiers partis politiques dans le canton de Vaud, les clivages en termes de valeurs ne s’affichent pas qu’au sein des assemblées et des conseils, ils s’expriment également dans le rapport que les femmes et les hommes entretiennent avec les normes morales et religieuses de leur temps.
L’auteure de cette étude propose un regard nouveau sur les polarisations qui ont suivi la chute de l’Ancien Régime et sur l’histoire de la sexualité. En considérant les comportements reproductifs comme une forme de représentation sociale et l’expression d’identités, elle souligne le rôle crucial des femmes dans la création de milieux politiques et religieux, ainsi que dans la transmission de « cultures sexuelles » familiales.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889304547
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2022
Rue du Tertre 10
2000 Neuchâtel
Suisse
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
 
DOI : 10.33055/ALPHIL.03191
 
ISBN papier : 978-2-88930-452-3
ISBN PDF : 978-2-88930-453-0
ISBN EPUB : 978-2-88930-454-7
 
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
Illustration de couverture : Félix V ALLOTTON , Cinq Heures , Intimités ou Couple dans un intérieur avec paravent , tempura sur carton, 1898, collection privée.
 
Responsable d’édition : François Lapeyronie


Remerciements
J e tiens avant tout à remercier mon directeur de thèse, Sandro Guzzi-Heeb, qui m’a offert son soutien depuis de nombreuses années et s’est continuellement investi dans l’accompagnement de ce projet et de mon parcours académique. Par ses encouragements, sa disponibilité, son amitié et sa confiance, il m’a permis de réaliser ce travail dans des conditions idéales et donné l’élan nécessaire pour l’accomplir et me transmettre le goût de la recherche.
Cette aventure m’a aussi donné la chance de collaborer avec le Centre régional d’études des populations alpines (CREPA) qui m’a intégrée à son projet Sexualité, réseaux sociaux, transformations sociales et politiques dans la région alpine ( XVIII e et XIX e  siècles). Nouvelles approches à l’histoire de la sexualité . Je remercie chaleureusement toute l’équipe, en particulier Jean-Charles Fellay et Yann Decorzant, pour l’accueil qu’ils m’ont réservé et l’amitié qu’ils m’ont témoignée. Nos rencontres ont toujours été l’occasion d’échanges fructueux et ils m’ont offert un cadre de travail positif et bienveillant.
Toute ma reconnaissance va également au Fonds national suisse (FNS) pour le soutien financier qu’il a accordé au projet du CREPA qui a ainsi pu m’employer durant les quatre premières années de ma recherche. Je remercie aussi la Fondation Erna Hamburger et l’Association suisse des femmes diplômées des universités pour les bourses ponctuelles qu’elles m’ont délivrées. Sans ces aides, ce travail n’aurait pas pu voir le jour.
Je remercie également tout le personnel des Archives cantonales vaudoises, pour leur amabilité et leur grande disponibilité. J’adresse aussi tous mes remerciements à la commune de Payerne, et particulièrement à Madame Antoinette Burdet, qui m’a accueillie et conseillée avec gentillesse et professionnalisme dans les archives communales de la ville.
Ce travail n’aurait pas été possible sans l’aide d’Arnaud Bringé, Pascal Cristofoli et Frédéric Junod. Leur soutien pour la partie informatique et statistique m’a permis d’exploiter les données qui font l’originalité de cette recherche. Je leur suis infiniment reconnaissante pour tout le travail qu’ils ont accompli et la générosité dont ils ont fait preuve en me faisant bénéficier de leur savoir-faire.
J’ai également pu compter sur le travail de Jean-Charles Felley, Sophie Cramatte et Christine Payot, qui ont collaboré à l’alimentation de la base de données généalogiques. Il et elles ont effectué cette tâche fastidieuse avec rigueur, et ont toujours su se montrer ouvert·e·s et patient·e·s à mon égard. Leur capacité à comprendre mes attentes et leur intérêt pour ma recherche sont allés au-delà de l’activité de la saisie des données, et je les en remercie chaleureusement.
J’exprime aussi toute ma gratitude à mes relectrices et mes relecteurs qui ont eu la gentillesse de se livrer à de précieuses corrections : Nathalie Dahn-Singh, Sophie Cramatte, Loraine Chappuis, Damien Savoy, Nicolas Rutz, Jérôme Kus, Jasmina Cornut, Lucas Rappo, Valérie Rohrbach, Martin Grandjean, Laureline Pop, Sarah Réal, Pauline Maillard et Sylvie Hélou.
Mes remerciements vont également aux professeur·e·s Béla Kapossy, Danièle Tosato-Rigo et Simone Zurbuchen, qui m’ont procuré à plusieurs reprises des emplois dans la section d’histoire de Lausanne, permettant ainsi que des questions matérielles n’entravent pas la bonne marche de ma recherche.
Enfin, j’ai passé ces dernières années en compagnie de collègues formidables. Merci tout spécialement à Damiano Bardelli, Nathalie Dahn-Singh, Jasmina Cornut, Maïla Kocher Girinshuti, Lucas Rappo, Béatrice Lovis, Damien Savoy et Martin Grandjean. Nos débats autour de l’immanquable café de 10 h, nos excursions et nos voyages, nos repas partagés ont été des bouffées d’oxygène. Grâce à elles et à eux, cette aventure intellectuelle aura aussi été pour moi une chance de nouer de nouvelles et belles amitiés.


«  Nous finirons aussi par mourir : nos propres vies deviendront des objets inertes, inscrits dans un processus fini ; nos volontés seront agrégées dans un événement passé que nous n’avons jamais voulu. Notre espoir est que les hommes et les femmes du futur renoueront avec nous, qu’ils revendiqueront et renouvelleront les valeurs qui avaient du sens pour nous, et qu’ils rendront notre histoire intelligible au sein de leur propre époque. Eux seuls auront le pouvoir de faire un choix parmi les nombreuses significations qu’offre notre présent plein de controverses, et de transmuer une part de notre procès en leur progrès . »
Edward P. T HOMPSON , Misère de la théorie , 1978


Introduction
E n 1877, l’écrivain romand Jules Besançon relate les heurs et les malheurs de l’instituteur Grimpion, à travers les prétendus Mémoires que le protagoniste de son roman aurait rédigés entre 1858 et 1866 1 . Besançon dépeint les ambitions démesurées d’un régent de campagne vaudois d’origine modeste, fervent radical, opportuniste et prêt à tout pour mener à bien une ascension sociale et politique. À peine Grimpion a-t-il pris ses fonctions d’instituteur dans le village fictif d’Ornens qu’il dédie toute son énergie à un seul but : devenir membre du Grand Conseil vaudois. Il épouse donc la fille du syndic – au détriment de l’élue de son cœur dont la famille n’est pas fortunée –, tente sa chance à Lausanne, fréquente les cercles politiques et une loge maçonnique. Il parvient enfin à figurer sur la liste des candidats au Grand Conseil, mais le roman s’achève avec l’échec de Grimpion lors des élections de 1866.
Besançon n’a peut-être pas la plume d’un Maupassant ; il n’en est pas moins un habile observateur de son temps, et sa description offre l’un des rares témoignages des luttes politiques du XIX e  siècle vaudois telles qu’elles purent être perçues à son époque. La satire met en lumière les inégalités sociales freinant encore les ambitions des hommes qui ne sont pas assez bien nés ; elle illustre l’importance des réseaux et de la parenté dans les stratégies d’accès au pouvoir, et aborde la sexualité. Afin d’accélérer son union avec Marie, enfant unique du syndic d’Ornens, le personnage de Grimpion s’échappe avec la jeune fille, passe une nuit à l’hôtel avec elle et l’entraîne dans une excursion afin d’aller contempler la cascade de la Pisse-Vache près de Martigny en Valais. Le soir de leur départ, Grimpion expose son projet à Marie afin de la convaincre de le suivre :
«  Quand nous nous rejoignîmes, elle voulut s’arrêter en voyant mon sac de nuit.
– Vous partez, M. Grimpion ?
– Je vous expliquerai tout à l’heure pourquoi. Seulement, ne vous arrêtez pas ; si l’on nous rencontre, nous aurions l’air de nous être donné rendez-vous. Marie, voulez-vous être ma femme ?
– Ne vous l’ai-je pas promis ? Mais, vous savez, il y a mon père.
– Votre père n’a pas le droit de s’opposer à notre mariage.
– C’est pourtant mon père.
– Oui, mais si vous êtes malheureuse avec un époux que vous n’aurez pas choisi, sera-ce votre père qui vous consolera ?
Elle se tut.
– D’autant plus que j’ai un moyen infaillible de l’obliger à consentir.
– Lequel !
– Marie, je ne vais pas à Lausanne ; si j’ai pris mon sac de nuit, c’est que je pars avec vous.
– Mais je ne veux pas quitter Ornens.
– Ne comprenez-vous pas que votre père ne refusera pas son consentement, dès qu’il saura que nous avons fait un petit voyage ensemble ?  » 2
Des références aussi « directes » à la sexualité prémaritale sont rares dans la littérature vaudoise et les sources historiques en général. Les procès-verbaux de la justice des mœurs contiennent les informations les plus explicites sur les comportements sexuels, mais à la fin du XVIII e et au début du XIX e  siècle, les procédures concernent principalement les naissances illégitimes, et la sexualité dans le couple marié ou promis au mariage ne se lit qu’entre les lignes. Il semblerait que les Vaudois·es n’ont jamais eu l’habitude de permettre aux autorités – religieuses ou laïques – de s’immiscer dans leur intimité conjugale.
L’État s’inquiète néanmoins de la croissance de sa population. En 1841, les auteurs de l’ Enquête sur le Paupérisme 3 , entreprise par le Conseil d’État vaudois à majorité libérale, se félicitent que les citoyen·ne·s aient adopté «  des habitudes de prudence  » qui ont conduit à ce que «  la production a marché plus rapidement que la population  ». Les autorités libérales vaudoises, inspirées entre autres par l’ Essai sur le principe de population 4 de Thomas Malthus, paru en 1798, voient en la constitution de familles trop nombreuses l’une des raisons de la pauvreté dans le canton. L’ Enquête incite ainsi les Vaudois·es à limiter la taille de leur famille et considère que les couples ayant adopté des comportements contraceptifs sont ceux qui sont parvenus à atteindre un certain niveau social :
«  Lorsqu’une famille, qui n’avait que le nécessaire, acquiert, avec une certaine aisance, une sorte de rang social, on voit naître chez elle, quant au mariage, des calculs qui jusqu’alors lui étaient inconnus. Il en est de même d’une famille qui cherche à s’élever. L

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