La Richesse des hommes
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Description

Plus profonde qu'une simple crise économique, nous vivons aujourd'hui une véritable mutation du travail. Nous assistons au déclin historique de l'emploi salarié traditionnel. Le service personnalisé, la connaissance, la compétence individuelle, l'innovation sont désormais au cœur de la croissance. Cette mutation ouvre la voie au développement d'un secteur économique inédit, fondé sur l'échange réciproque, sur la relation à l'autre. Cette économie de la personne s'appuie sur la vie associative dont la souplesse, l'implication humaine, le rôle social sont les clés de la réussite de l'avenir. Les associations d'aujourd'hui sont en passe de devenir les entreprises de demain. Ce sont les enjeux de ce secteur promis à l'expansion que Roger Sue s'attache à nous révéler, en préconisant l'émergence d'une démocratie économique dans laquelle les liens créeront plus de richesse que les biens. Roger Sue est sociologue. Il enseigne à l'université de Caen et à celle de Paris V-Sorbonne. Il est l'auteur de Temps et ordre social.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 1997
Nombre de lectures 3
EAN13 9782738161154
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Vers une société du temps libre , Paris, PUF, 1982.
Vivre en l’an 2000 , Paris, Albin Michel, 1985.
Chômage, marginalité et créativité (avec C. Lalive d’Épinay), Presses de l’Université de Genève, 1987.
Quand la culture devient populaire , Paris, IRESCO-CNRS, 1988.
Le Loisir , Paris, PUF, 1992.
Temps et ordre social , Paris, PUF, 1995.
© O DILE J ACOB, OCTOBRE  1997 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6115-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pour que les hommes restent civilisés ou le deviennent, il faut que parmi eux l’art de s’associer se développe et se perfectionne .
Alexis de Tocqueville
Introduction

La crise nous a envahis, elle nous a même submergés, depuis la complainte du quotidien qu’elle alimente jusqu’au discours politique qui en a tiré un art de gouverner, presque un fonds de commerce, excuse par avance à tous ses échecs. Elle est devenue la référence obligée, rhétorique bien policée par les années, bientôt vingt-cinq ans, presque autant que les Trente Glorieuses décrites par Jean Fourastié. Pourtant, après tant d’années écoulées, la question de la vraie nature de cette crise reste toujours posée.

Les bonnes nouvelles…
On dit qu’il s’agit avant tout d’une crise économique. Vu de l’extérieur, froidement, on peut en douter. S’il y a crise, elle est tout sauf économique. Depuis 1973, date symbole de l’entrée dans la crise, un pays comme la France a pratiquement doublé sa richesse nationale. Non seulement ladite crise n’a pas réduit une richesse déjà considérable, car 1 % de croissance aujourd’hui représente en volume beaucoup plus que dans les années soixante, mais il s’est créé une sorte d’abondance matérielle, dans les pays avancés tout au moins. C’est une bonne nouvelle.
Cette formidable croissance de la richesse s’est accompa gnée d’une non moins remarquable réduction du volume global du travail. La réalité est à peine croyable et d’ailleurs jamais commentée : la durée moyenne du travail correspond aujourd’hui à 8 % du temps de vie éveillée 1 (soit 5 % de notre existence) et concerne à peine un Français sur trois. Autant dire que le temps social de travail est désormais tout à fait marginal et qu’il devrait l’être demain plus encore, tendant vers une sorte d’autosuppression.
De plus en plus de richesses (matérielles) avec de moins en moins de travail, la loi n’est pas nouvelle. Elle est inscrite dans l’histoire même de la société industrielle. Ses plus grands penseurs, toutes idéologies confondues, d’Adam Smith à Marx en passant par Saint-Simon, l’avaient bien compris. Ils estimaient, chacun à leur manière, que le progrès finirait par nous libérer du travail contraint et nous conduirait vers une société où l’homme serait plus libre de réaliser ses « besoins supérieurs », besoins sociaux, spirituels, culturels ou esthétiques. Cette « grande promesse », ce grand espoir de libération du travail aliénant, inscrit dans le programme de la modernité, est en passe de se réaliser. C’est aussi une très bonne nouvelle.
Le temps ainsi libéré du travail, désormais temps majeur de l’existence, est loin de se réduire à un temps de consommation passive ou d’inactivité comme on le présente généralement. Pour l’essentiel et dans des proportions variables, c’est aussi un temps d’information, de formation, de réalisation de soi, d’activités familiales, de socialisation, de production individuelle (autoproduction) ou collective, d’engagement associatif, etc. C’est-à-dire un temps productif à part entière. Certains, aveuglés par l’idéologie du travail marchand, ont encore bien du mal à le concevoir. Pourtant, sur la base de données de l’INSEE, on constate que l’ensemble de ces activités représente une production de richesse supérieure à la production par le travail formel, entre 110 et 120 % du PNB 2 . Ce qui est produit hors travail est aujourd’hui supérieur au travail lui-même. Mieux, la qualité, la performance, la valeur, et finalement la productivité du travail sont étroitement dépendantes du développement des activités hors travail. Bref, nous produisons de plus en plus et de mieux en mieux sans toujours le savoir, dans et hors du travail formel. Là encore il s’agit d’une excellente nouvelle.
Afin d’améliorer l’efficacité et la productivité sociale d’une partie de ce temps libéré désormais hyperdominant, il conviendrait qu’il soit mieux connu et reconnu, mieux valorisé et également mieux organisé. Car là se joue l’essentiel de la production de la société et plus encore son futur développement. Nous sommes entrés dans une économie de l’immatériel où l’information et ses technologies, la formation et le capital humain, les services personnalisés et la connaissance de la demande sociale sont au cœur de la croissance. Cette nouvelle économie, parce qu’elle s’accommode mal des règles séculaires de l’économie classique de marché, ne peut donner actuellement sa pleine mesure. Elle reste sous l’emprise d’une logique de l’offre marchande liée par définition à la marchandise, à la production matérielle et à la valorisation du capital.
C’est pourquoi, à côté et dans le prolongement des secteurs économiques existants (secteur primaire, secondaire, tertiaire), la montée en puissance d’un nouveau secteur s’impose, qui logiquement devrait prendre le nom de quaternaire . Par secteur quaternaire, il faut entendre une grande partie de l’économie associative fondée sur les échanges mutuels de services et la réciprocité, sur la formation et l’information, sur le lien social et la socialisation des besoins. Sa reconnaissance et son organisation permettraient le développement d’un secteur à part entière dans l’économie. Ce secteur, libérant l’économie immatérielle et son potentiel d’intelligence, ouvrirait une nouvelle phase d’expansion. C’est encore une bonne nouvelle.
Ce secteur quaternaire, seul susceptible d’exploiter toutes les virtualités d’une économie immatérielle axée sur l’information, la formation, la demande sociale et les services personnalisés, servirait en même temps de puissant stimulant aux autres secteurs de l’économie. Il permettrait le « déversement » et le transfert d’un secteur à l’autre, comme le primaire agricole s’est autrefois « déversé » sur le secondaire industriel, et ce dernier sur le tertiaire des services. Toute l’histoire économique prouve qu’il s’agit d’un mécanisme fondamental pour utiliser les gains de productivité et relancer l’économie vers de nouveaux besoins à satisfaire. Déversement d’une richesse errante aujourd’hui en mal de placement. Mais surtout déversement de l’activité humaine aujourd’hui concentrée dans le tertiaire marchand qui s’industrialise à grande vitesse et supprime des emplois, ou condamnée à l’oisiveté forcée et au chômage. Il permettrait également, en offrant une solution de rechange ou une activité complémentaire, de libérer le travail dans le secteur marchand, de le rendre plus productif et finalement de mieux le partager. Ce que la seule réduction du temps de travail ne peut manifestement réussir.
Enfin ce secteur, en rapprochant l’économie de la demande sociale réelle, en rendant le consommateur plus producteur de sa propre consommation, tel le « prosommateur » imaginé par Alvin Toffler 3 , en offrant à tous une vraie formation permanente, ne dessine-t-il pas une nouvelle perspective pour nos démocraties en panne ? Après une démocratie politique proclamée au XVIII e  siècle, une relative démocratie sociale lentement et durement conquise aux siècles suivants, la démocratie économique représente sans nul doute le nouvel horizon, la nouvelle étape sur le chemin sans fin de l’idéal démocratique. Développement de l’économie et développement de la démocratie ne sont pas opposés mais liés. Se donner les moyens d’avancer au plus vite dans une telle voie serait sans aucun doute la meilleure des nouvelles.

… et la mauvaise nouvelle
Mais il y a évidemment une mauvaise nouvelle, sans laquelle il n’y aurait tout simplement pas de crise. Cette mauvaise nouvelle peut tenir en deux mots : immobilisme et aveuglement. Immobilisme face à une richesse multipliée par deux depuis le début de la crise, qui coexiste avec la montée d’une misère sociale inédite : 20 à 25 % de la population active au-dessous du seuil de pauvreté et la moitié disposant de ressources à peine supérieures (proportions comparables aux États-Unis ou en Grande-Bretagne). Comment admettre que des sociétés qui progressent économiquement régressent socialement ? Immobilisme face à la prodigieuse réduction du temps de travail qui, au lieu de se traduire en temps libéré pour tous, s’est transformée en chômage et en exclusion pour 5 à 6 millions de personnes. Immobilisme encore face aux évolutions de l’économie, à la transformation de son mode de production et au déplacement de son centre de gravité vers des secteurs tenus pour marginaux car ils n’entrent pas dans la logique marchande. Là où on ne voit encore qu’un vague secteur informel, où les réalisations associatives sont encore traitées comme des « bonnes œuvres », secteur de relégation ou de remédiation pour « handicapés sociaux », apparaît en fait le cœur de la nouvelle économie.
Ces immobilismes résultent d’un même aveuglement ou, plus gravement, d’un refus de voir dont le politique porte la plus lourde responsabilité. Aveuglem

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