La Psychanalyse et la Vie
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La Psychanalyse et la Vie , livre ebook

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Description

Qu’est-ce qui ne va pas quand ça ne va pas ? Et que faire de son malaise ? L’effacer, chercher à s’en débarrasser par tous les moyens ? La psychanalyse ne croit pas cela possible. Elle propose, au contraire, d’en faire une ressource, une force de vie. Dominique Miller nous raconte ici quelques itinéraires d’hommes et de femmes venus consulter avec le sentiment de faire fausse route, de passer à côté de leur existence. À travers l’histoire de Martine, Sophie, Michel ou Thomas, elle nous montre comment la psychanalyse peut aider chacun de nous à se construire sur ce qu’il a de plus singulier, c’est-à-dire sur ses manques et ses faiblesses. Et si la psychanalyse, loin de nous entraîner dans un monde imaginaire, nous ramenait à la vie ? Psychologue clinicienne, psychanalyste, directrice du Collège freudien, Dominique Miller enseigne à l’université Paris-VIII.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 janvier 2005
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738183446
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Odile Jacob, janvier 2005
15, rue Soufflot, 75005 Paris
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-8344-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À José
Introduction
Heureux même bancal

On peut vivre heureux même bancal. Tout homme a au fond de lui une discordance. Il n’a pas le choix. Pour autant, il peut vivre avec cette division ; il peut même s’en servir. Elle est là, la force de la vie !
Une partie l’attire vers l’idéal, la création, la vie. Elle fait de lui un acrobate pour accorder cette envie qui le pousse avec ce que la société permet, admet ou bien refuse. Et puis une autre partie l’entraîne du côté du ratage, de l’aversion, de la destruction, de la mort. De ce côté-là, il est un rebut, un coupable et s’enlise dans le marasme, l’inertie, parfois la magouille ou même le forfait. Il en veut à la société. Mais cette rancune se porte aussi bien sur un autre, souvent le plus proche, le semblable, que sur lui-même.
Ces deux parties vivent ensemble en chacun de nous. Elles rivalisent, et nous déchirent. L’existence de chacun suit les inspirations de ces deux forces nommées autrefois par Freud « pulsions de vie », Éros, et « pulsions de mort », Thanatos.
Cette lutte est l’essence même de l’humain. Elle est déterminante et agit dans tous les choix de la vie, amoureux, familiaux, professionnels, relationnels. Pour supporter ce drôle de drame, chacun se construit une béquille intérieure qui l’aide à réconcilier Éros avec Thanatos. D’où sa morbidité, mais aussi sa richesse. Cette béquille, essentielle, permet à l’homme de soutenir son existence.
Beaucoup parviennent à cet accomplissement sans la psychanalyse. Ils font de leur discordance leur chose. Ils réussissent à maîtriser leurs fantômes, ce qui leur donne une chance de s’en servir. Ils exploitent ainsi la valeur positive de leur déséquilibre.
C’est à ce titre que l’expérience d’un Pierre Gagnaire, le célèbre chef de cuisine français, est exemplaire pour la psychanalyse. Cela peut surprendre car, habituellement, la psychanalyse parle des êtres qui souffrent. Lui, ne lui demande rien : il a réussi, il est reconnu. Eh bien ! c’est justement l’accomplissement dont il témoigne qui est intéressant. Car cet accomplissement dit qu’il existe des déséquilibres féconds. Mais alors, pourquoi parler de déséquilibre dans ces conditions ? Pierre Gagnaire nous met sur la voie. Si l’on en croit ses confidences publiques, cet accomplissement est le résultat d’un retournement de sa position.
Ce que Pierre Gagnaire a accompli n’allait pas de soi, mais il l’a réalisé en prenant de front ce qui était à l’origine une difficulté personnelle, subjective. Il a fait d’une épreuve un ressort vital. Il se défend d’être un artiste et revendique son talent comme étant du « bricolage » : « J’ai trouvé, explique-t-il, un mode d’expression, déconstruit ce que j’avais appris et depuis… je bricole 1 . » Jacques Lacan ne le disait pas autrement : on bricole. On bricole avec ce que l’on est, avec ce que votre histoire vous a fait, avec ses failles. Il n’échappe pas à ce fervent de l’art culinaire que ce « bricolage », la « décomposition » qu’il fait subir aux aliments, s’inspire de celle qu’il s’est imposée pour surmonter son aversion. Il dit avoir « subi la cuisine » durant son enfance, avec son père, un aubergiste. Il y a puisé la source de cette fascination pour la cuisine dont il n’aurait jamais soupçonné qu’elle devienne un jour un besoin vital. Cette nécessité a fait loi ; il a su en tirer parti et convaincre, au point d’atteindre une réputation mondiale.
Prenons encore un exemple, le milliardaire Steve Fosset. À 40 ans, cet homme qui avait, selon les critères habituels, « réussi » sa vie, décide de « changer de cap ». Il quitte alors la sécurité de sa société de courtage à la Bourse de Chicago, et le luxe exorbitant de sa résidence de San Francisco. Depuis, il court la planète à la recherche des défis qui ont tous un point commun : mettre sa vie en danger. Cet homme semble ne pas pouvoir exister sans dépasser les limites. Ce fut d’abord celles de l’argent, mais cela ne lui a pas suffi. Désormais, il additionne les paris impossibles : les Vingt-Quatre Heures du Mans, le Paris-Dakar, la course nautique The Race (célèbre pour être celle qui n’a pas de limite et pas de règlement), la traversée de la Manche à la nage, le premier tour du monde en ballon qui faillit lui coûter réellement la vie… « Le summum, dit-il, c’est ce que j’appelle un lifetime record , un record qui ne devrait pas être battu de votre vivant. Je crois que j’en ai quelques-uns 2 . » Comme Gagnaire avec son goût pour la décomposition, Fosset trouve dans le goût du danger un ressort fondamental pour sa vie. Le danger est sa béquille.
Si beaucoup ont su, comme Gagnaire et Fosset, trouver la bonne démarche avec leur déséquilibre, pour certains, le recours à la psychanalyse est parfois nécessaire. Leur béquille intérieure ne suffit pas à les soutenir.
Le malentendu est grand s’agissant de l’intervention de la psychanalyse sur cet équilibre boiteux ! On croit habituellement qu’il faut tout faire pour l’éliminer, parce qu’il fait souffrir, mais aussi parce qu’il y a en lui quelque chose qui déraille, dérape, embarrasse et entrave. De plus, cette discordance est rebelle. Elle gêne l’individu et la société. Aussi, il faut rétablir l’équilibre, croit-on. Ceux qui s’adressent à la psychanalyse sont les premiers à le demander.
Mais faisons l’hypothèse que chacun s’organise autour de sa discordance – comme ont pu le faire Pierre Gagnaire et Steve Fosset – au point que cette béquille devienne une véritable charpente. L’éliminer reviendrait à déstructurer le sujet. Cette béquille est ce qui le tient, malgré les allures bancales qu’elle lui donne. De cette infirmité, de ce handicap, de cette souffrance, la psychanalyse tente précisément de faire un compagnon tranquille, ou mieux encore, une solution 3 . C’est en tout cas sa proposition : trouver dans cet équilibre boiteux la solution qu’il inspire à chacun. La psychanalyse offre de faire de son malaise un levier, d’y puiser la source d’une énergie essentielle une fois délestée de ses entraves. Cette énergie est alors, à l’envers de la souffrance, créatrice. Ce retournement s’appuie sur la destinée et les fantasmes pour en faire la matière de cet être nouveau. Comme si un sculpteur reprenait la glaise d’une œuvre ébranlée pour remodeler un nouveau sujet, tout en se servant des traces essentielles de l’œuvre ancienne. Le nouveau a la charpente de l’ancien et l’inspiration de la vie.
Les psychothérapeutes se servent de la parole apparemment comme la psychanalyse. Là où ils s’en séparent, c’est qu’ils croient que parler suffit à rétablir l’équilibre. Le risque, c’est qu’ils laissent la parole s’écouler, et que les mots les abusent et noient le patient et son psychothérapeute dans le blablabla. Poussé à son extrême, donner trop de poids à la parole peut même produire le pire. Quand on presse quelqu’un de parler à tout prix, convaincu de pouvoir le sauver de ses démons, il arrive que ceux-ci sortent de leur refuge. On se laisse alors envahir par ses monstres dans les mots. Or, pour un psychotique, les mots sont du réel, et, quand ils se déchaînent dans leur discours, ils risquent de détruire en vrai, une fois que le patient est sorti dans la rue et rendu à lui-même. Pour la plupart, le culte de la parole et de la réponse donnée qu’entretient la psychothérapie finit par fabriquer des prothèses artificielles, des échafaudages branlants. Au contraire, donner à la disharmonie sa valeur pousse chacun à s’inspirer de ce qu’il a de plus singulier pour édifier une nouvelle construction. À chacun son déséquilibre ! À chacun son symptôme ! Cette offre est une chance pour chacun de s’inscrire dans le lien social, au lieu de rester confiné dans le monde clos de sa névrose. Une fois dégagé de son être douloureux qui obsède et accapare, on peut alors plus librement regarder vers l’extérieur. Le monde social dont on choisit d’être un acteur est souvent proche de celui qui avait emprisonné son être. Car on sait, mieux que d’autres, comment le prendre.
Aujourd’hui, la psychanalyse entrevoit et établit un rapport jusque-là impensable avec la société. Cela tient à l’évolution des femmes et des hommes qui viennent à elle. Ils se trouvent pris dans la quête actuelle, impérative, du plaisir, de l’émotion, de la sensation. La discordance, qui était jusqu’à présent associée à une impuissance, un déficit, un embarras, est désormais associée aussi à l’excès, à une frénésie, à une véritable dépendance. Au point que nous pouvons parler de « nouveaux symptômes 4  » qui sont partie prenante de la civilisation actuelle. Femme hantée par la stérilité, ou bien obsédée par son image, femme dépressive, ou encore hyperactive, indépendante, jeune fille boulimique, homme qui cultive l’impuissance, ou que son homosexualité exile, jeune garçon tracassé par le « syndrome de Tanguy » : les itinéraires d’analyse que nous racontons ici montrent ces nouveaux symptômes à l’œuvre. Ils traduisent la perspective qui est la nôtre : permettre à chacun de découvrir sa propre responsabilité et sa complicité avec sa discordance. Dans cette perspective, certains, parvenus au terme de leur analyse, trouveront comment user de leur désordre structurel et faire de leur discordance

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