La Psychanalyse en dialogue , livre ebook

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Rendre compte de ce qui est fécond et sérieux en psychanalyse : voilà le défi qu’ont choisi de relever ici Nicole Delattre et Daniel Widlöcher. Ce dernier s’explique sur sa vision de cette pratique unique et des grands concepts qu’elle mobilise, sur ce qu’il retient des pionniers et des différents courants. Surtout, il esquisse ce qu’il entrevoit pour l’avenir de cette discipline, appelée à un renouveau. Nicole Delattre est professeur de philosophie. Professeur à l’université Pierre-et- Marie-Curie, Daniel Widlöcher a longtemps dirigé le service de psychiatrie de l’hôpital de la Salpêtrière à Paris. Il préside l’Association inter-nationale de psychanalyse et est notamment l’auteur de Métapsychologie du sens, des Logiques de la dépression et des Nouvelles Cartes de la psychanalyse.
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Date de parution

01 octobre 2003

Nombre de lectures

0

EAN13

9782738182388

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

© O DILE JACOB , OCTOBRE 2003
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
EAN : 978-2-7381-8238-8
www.odilejacob.fr
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Si vous ne m’entendiez pas, ce serait bien de ma faute.
D IDEROT
Argument

La psychanalyse, en tant qu’elle consiste elle-même en une forme de dialogue, est une pratique qui s’est développée au cours du siècle et dont les modes de compréhension clinique et théorique se sont diversifiés.
Présenter la psychanalyse comme une pratique d’aujourd’hui, c’est non seulement reconnaître cette diversité, mais aussi montrer comment les débats qu’elle instaure sont une source de fécondité. Du moins le devraient-ils, car les psychanalystes savent-ils dialoguer entre eux et avec d’autres ?
Pour en illustrer la nécessité, on tentera ici une autre forme de dialogue, celle d’un psychanalyste avec une interlocutrice qui serait à la fois, et au gré du dialogue, philosophe, enseignante de la psychanalyse dans des programmes de philosophie élémentaire et « amateur », trois manières de se poser en tiers dans ces débats.
Daniel W IDLÖCHER
Prologue

D. W.  — En vous écoutant l’autre jour, je me suis tout à coup demandé comment, et pourquoi, on pouvait parler de Freud et de la psychanalyse dans des cours de philosophie au lycée. J’ai moi-même une longue expérience de l’enseignement, y compris de la psychanalyse, mais à des psychiatres ou des psychothérapeutes. D’où l’idée de ce dialogue entre nous. Peut-être surprendra-t-il certains car, en général, c’est entre pairs et collègues que nous dialoguons, et, dans notre discipline, colloques, congrès, débats et discussions nous occupent beaucoup. Si on nous imagine volontiers passer notre temps à écouter parler nos patients, le fait est que nous parlons beaucoup entre nous, et entre deux réunions, nous écrivons beaucoup ! J’avais autrefois imaginé un petit apologue.
 
N. D.  — Celui de l’observateur neutre mais bienveillant qui assisterait à un congrès de psychanalystes ? Un naïf en quelque sorte ?
 
D. W.  — Pas un naïf, au contraire, un personnage fort savant mais ignorant tout de la psychanalyse, n’en ayant jamais entendu parler et ne sachant pas que ça existe. Je l’imaginais émerveillé par tout ce qu’il entendait : comment peuvent-ils trouver tant de choses à se dire, et si souvent, si régulièrement ? Après qu’il les a entendus pendant plusieurs jours, le mystère s’éclaircit ; leur préoccupation centrale semble de s’écouter parler eux-mêmes et de forcer leurs semblables à les entendre ; je comprends donc mieux, se dit mon étranger, pourquoi ils se réunissent tant.
 
N. D.  — Dans leurs discussions internes, les psychanalystes trouveraient donc une compensation à leur austère pratique d’écouteurs souvent silencieux ?
 
D. W.  — « Écouteur » me plaît assez, d’autant plus que le mot me fait penser à une proposition de Freud, d’après laquelle le psychanalyste devrait se conduire à l’égard de son patient comme l’écouteur-récepteur du téléphone.
 
N. D.  — On comprend alors qu’il soit difficile de parler avec un psychanalyste quand on ne l’est pas soi-même, ou si l’on n’est pas son patient ; hors cet étrange couple ou la communauté des pairs, comment parle-t-on avec un psychanalyste ? L’étranger de votre fable pourrait aussi se poser cette question ; mais c’est à peine une fable. Parmi les philosophes, beaucoup ont renoncé à dialoguer avec des psychanalystes sous l’argument qu’ils ne respectent pas les codes communs du débat ou de la simple discussion. Pourtant, fiction contre fiction : on pourrait aussi imaginer un Platon moderne mettant en dialogue, au lieu d’un médecin comme il l’a souvent fait, un psychanalyste ; mais avec qui ou en face de qui, et pour parler de quoi ?
 
D. W.  — Un Platon moderne ferait dialoguer un psychanalyste avec d’autres ?
 
N. D.  — Un Platon moderne n’est guère imaginable ; mais sans doute mettrait-il en scène un psychanalyste en face d’autres spécialistes car c’est ainsi qu’il procédait ; il faisait parler diverses figures de sa modernité, et souvent pour rapporter les propos d’absents ou d’anciens, ce qui donne des constructions parfois très compliquées. Ce procédé a séduit quantité de philosophes et de savants bien au-delà de l’époque antique, en particulier au XVIII e  siècle. Du reste, Freud lui-même s’y est exercé à deux reprises 1 .
 
D. W.  — Si on pense au dialogue imaginé par Freud à propos de l’exercice légal de la psychanalyse, il y joue tour à tour deux rôles : celui de l’expert qui a quelque chose à communiquer et qui cherche à convaincre, et celui d’un « interlocuteur impartial » qu’il a manifestement inventé pour apporter la critique et lui permettre d’argumenter sa propre position. Il s’agit d’un procédé rhétorique, mettant à plat la façon dont Freud écrivait en général, c’est-à-dire en discutant avec lui-même ; il faut mettre à part sa correspondance où il lui arrive de débattre véritablement avec d’autres. Mais, finalement, c’est là un fait assez rare chez les psychanalystes, et on peut se demander s’ils savent dialoguer entre eux ou avec d’autres. J’ajouterai même que cette difficulté au dialogue, au débat, à la discussion, est peut-être un effet de leur pratique ; on peut entendre cette hypothèse de ma part comme un dénigrement voire une trahison. Pour moi, il s’agit davantage de rechercher de plus près ce qu’il en est de la pratique psychanalytique aujourd’hui, après un siècle, et des façons d’en parler pour les psychanalystes, entre eux ou avec d’autres. Vous venez de dire qu’il était difficile de parler avec un psychanalyste quand on ne l’était pas soi-même ; je suppose que vous voulez dire : parler de psychanalyse, car parler d’autre chose ne présente pas plus de difficultés qu’avec n’importe qui.
 
N. D.  — Voire, justement. Moi aussi, je voudrais user d’un petit apologue qui n’est pas une fable, mais que l’on trouve dans la correspondance, hélas non publiée comme telle, de Freud avec Einstein. « Vous êtes un homme heureux, lui écrit Freud, car en physique mathématique tout le monde n’a pas une opinion comme en psychologie. » Je ne veux pas évoquer pour l’instant les questions épistémologiques tout à fait passionnantes soulevées dans cette proposition de Freud, mais citer la réponse relativement brutale d’Einstein, par retour du courrier : « Qu’en savez-vous ? Vous n’avez pas vu en moi ; je ne suis pas un homme heureux 2 . » Ce magnifique malentendu, volontaire ou non de la part du physicien, illustre assez bien les difficultés de cette correspondance pour lui.
 
D. W.  — Cet échange est en effet un magnifique malentendu. Il faut croire que la démarche de pensée d’un psychanalyste peut sembler bien étrange à un scientifique comme Einstein ; mais est-elle si éloignée des autres formes de pensée scientifique ? Je ne le crois pas ; pourtant, quand je débats avec un scientifique, un biologiste, un physicien, un mathématicien, j’ai du mal à me faire entendre. Moins à cause de ce que je peux dire de mon expérience ou de celle d’autres psychanalystes, je ne la crois ni ineffable ni irreprésentable, mais à cause du langage d’exposition de la psychanalyse. Les physiciens par exemple, même s’ils défendent des théories différentes, parlent la même langue, et c’est bien là notre difficulté, à nous psychanalystes. Je ne fais pas seulement allusion aux langues naturelles, l’anglais, le français, l’allemand ou le japonais, mais véritablement à une absence de langage commun au profit d’une suite de langues tribales sinon carrément privées. Je quitte ici la fable et mon étranger fictif pour la réalité d’une observation sur pièces, faite par le rapporteur du congrès de Santiago consacré à la question des affects 3  : voilà des gens qui ont une même pratique clinique, ou à peu près identique, mais qui en rendent compte dans des dialectes différents, des idiomes, presque chacun le sien, ou du moins, propres à chaque école, ou groupe, ou tradition ; les freudiens orthodoxes, les kleiniens, les lacaniens, les tenants de l’ Ego psychology , pour ne citer que les plus connus. La situation n’est pas la même qu’entre spécialistes d’autres disciplines, y compris dans le secteur de la psychiatrie où se rencontrent également des problèmes de langage commun, par exemple dans la catégorisation nosographique.
 
N. D.  — Cela vient du fait que la psychanalyse, pour autant qu’elle est une science ou conduit à une science, n’est pas expérimentale et mathématisée comme la physique ; le seul langage commun des physiciens modernes est la langue mathématique. C’est pourquoi ils s’entendent si bien ; si on demande à un physicien : « Qu’est-ce que la masse ou l’énergie ? », il répondra par une série d’équations. En physique mathématique, il a pourtant existé et existe toujours des désaccords de fond entre scientifiques ; ils ne sont pas entre science et opinion personnelle, mais ne portent pas non plus sur des questions de langage. Toutefois, dans d’autres sciences moins exactes que la physique, comme la biologie, il peut exister aussi des désaccords sur la définition des concepts. Ce qui m’a intéressée chez Freud, c’est qu’il a tenté de créer une langue contenant des termes définis, dont la signification ne se réduit pas à leur usage spontané dans les langues naturelles ou d’inventer des néologismes. Pour ne prendre qu’un exemple, ma

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