La Distinction de sexe
258 pages
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La Distinction de sexe , livre ebook

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Description

Qui sommes-nous ? Homme ? Femme ? Homme dans un corps de femme ou femme dans un corps d’homme ? Est-ce vraiment notre sexe qui détermine notre identité ?Pour comprendre les questions d’identité que posent les nouvelles formes d’alliance et de parenté, Irène Théry repense de fond en comble les distinctions de sexe. Ce n’est pas la nature qui nous fait hommes ou femmes, c’est la société qui nous attribue des rôles masculins et féminins. On n’est pas un homme ou une femme, on agit comme un homme ou comme une femme. Mais aussi, et le plus souvent, comme une personne tout à la fois partenaire d’une vie sociale, congénère de l’espèce humaine, mâle ou femelle d’une espèce naturelle et dépositaire des valeurs humaines. Irène Théry remet en question les mythes de nos sociétés individualistes à partir d’une comparaison avec les sociétés traditionnelles. Et propose une pensée inédite des relations sociales. Son livre ouvre de nouvelles voies à notre quête démocratique de l’égalité de sexe. Irène Théry, sociologue, est directrice d’études à l’école des hautes études en sciences sociales. Elle a publié Le Démariage et Couple, filiation et parenté aujourd’hui.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 octobre 2007
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738192134
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , OCTOBRE 2007
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9213-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Introduction

Les débats contemporains sur le couple, la filiation, l’homoparentalité, la transsexualité, les nouvelles technologies de la reproduction, la transmission du patronyme, la féminisation des noms de métier, le voile islamique, la pornographie, la prostitution, la parité, ont révélé à quel point la question des sexes peut susciter aujourd’hui dissensus, dilemmes et désarrois. C’est le paradoxe de l’égalité de sexe. Nous savons très bien désigner la représentation des hommes et des femmes dont nous ne voulons plus et nous avons été capables en quelques décennies de formidables évolutions de nos manières de penser et d’agir. Pourtant, dès qu’il s’agit de dire ce que nous pensons de la distinction masculin/féminin, nous semblons prisonniers d’alternatives sans issue. D’un côté, on nous dit qu’être égal, c’est être semblable : toute différence entre un homme et une femme serait une « discrimination ». Mais qui croit sérieusement à la similitude des sexes ? Qui s’imagine vivre, aimer et danser dans le gris d’un monde indifférencié ? De l’autre, on nous dit que l’avenir se nomme « parité » entre les hommes et les femmes. Mais qui est prêt à se laisser enfermer par la différence des sexes dans une moitié d’humanité ? Qui croit sérieusement que le partage cinquante-cinquante des postes à pourvoir soit l’avenir radieux de la démocratie ?
L’hypothèse de ce livre est que ces questions révèlent en réalité deux grands problèmes. Tout d’abord, nous continuons obstinément à traiter la question des sexes comme une question à part , isolable, qu’on pourrait surajouter à notre idée de l’individu et de la société. Mais rien n’est moins isolable, et d’ailleurs rien n’est moins isolé dans la vie concrète, telle que nous la vivons. La pensée clivée qui nous amène tantôt à traiter de « l’individu » en général, en le neutralisant et en l’asexuant, tantôt des « rapports hommes-femmes » comme si chacun de nous n’était pas un individu à part entière, est un héritage de notre histoire occidentale. À l’entrée dans la modernité, la notion de différence des sexes a pris un sens nouveau et particulier, qui nous entraîne encore aujourd’hui dans les impasses du substantialisme identitaire. Nous ne le voyons pas car les débats moraux et politiques sur l’égalité de sexe sont encore fondés sur une opposition aussi simple que contestable. D’un côté, il y aurait nous , ici et maintenant, enfin émancipés de l’erreur et du mensonge ; et en face, tout le reste , notre passé moderne compris : l’universel assujettissement de la moitié de l’humanité par l’autre, tel que le présentent complaisamment les grandes théories de la « domination masculine ». Cette opposition n’est pas sérieuse et montre à quel point nous sommes prêts à céder à toutes les sirènes du sociocentrisme et du présentisme dès qu’il s’agit des sexes. Croyons-nous vraiment que, dans ce seul domaine et par une étrange exception, nous n’ayons vraiment rien en commun avec les autres sociétés humaines, rien à apprendre d’elles et tout à leur apporter ? Croyons-nous vraiment qu’il ne se soit rien passé pour les femmes occidentales avec l’entrée dans la modernité ?
L’autre grand problème concerne l’idée de la société qui l’emporte aujourd’hui. Jamais on n’a autant dit que le sexe est social. Un mot nouveau s’est même imposé peu à peu en français pour désigner ce sexe social, le « genre », traduit de l’anglais gender . Pourtant, nous sommes loin de nous accorder sur ce que signifie cet adjectif « social ». Que voulons-nous dire quand nous disons que l’individu humain est un être « social » ? De quoi parlons-nous ? Que cherchons-nous à donner à voir ? Ces questions sont rarement posées. Or elles sont cruciales à un moment où l’on oppose, comme jamais auparavant, l’individu et la société. Tout se passe comme si le social était désormais ce dont il faut se libérer pour devenir un moi émancipé . Mais si le social est par définition ce qui m’empêche d’être moi-même, si je crois vraiment que mon problème est d’avoir été conditionnée aux stéréotypes sexués dès mes premiers vagissements, si mon « genre social » est ce qui m’opprime, alors il ne me reste plus qu’à m’enfermer dans le royaume-prison de mon intériorité. Chacun bien enclos dans son ressenti intérieur ineffable, son identité de genre « authentique », n’a rien à espérer du monde social dont il est par avance la victime désignée. Tant que l’emportera une pensée aussi fascinée par le mythe du moi originel, avant la chute dans les conventions de la société, il y a peu de chances que nous puissions nous accorder sur une quelconque pensée des sexes.
Ces deux grands problèmes, relégation à part de la question des sexes et croyance à l’opposition radicale entre l’individuel et le social, n’en forment qu’un. C’est celui de notre conception anthropologique de la personne, dont les sexes sont à la fois un exceptionnel révélateur et un enjeu majeur. On parle beaucoup d’anthropologie dès qu’il s’agit des hommes et des femmes, mais l’anthropologie n’est plus vraiment prise au sérieux. Soit on l’utilise comme un réservoir d’exemples aussi variés que décontextualisés où l’on peut puiser à loisir pour montrer que tout existe, et on l’instrumentalise au profit d’un constructionnisme et d’un relativisme débridés. Soit, à l’inverse, on l’invoque comme un suprême argument d’autorité pour asseoir le dogme des grands invariants structuro-psychanalytiques, dont les majuscules grandiloquentes réduisent à rien la diversité et l’historicité des sociétés concrètes. Le débat français sur le Pacs de 1998-1999 a montré jusqu’où pouvaient aller ces tentations quand les esprits sont quelque peu déboussolés. Or l’anthropologie n’est pas tout à fait une discipline comme les autres. Certes, il s’agit d’un savoir spécialisé qui exige, comme tous les savoirs, une formation, des méthodes et des concepts particuliers, qui s’expose dans des travaux parfois très techniques publiés par des revues confidentielles. Mais si ce savoir reste enfermé dans de petits cercles de spécialistes, et si l’anthropologie devient pour le citoyen ordinaire un folklore insignifiant, une part essentielle de notre culture commune disparaît. L’anthropologie historique est un outil majeur de la réflexion démocratique parce qu’elle touche aux questions les plus fondamentales de ce que Cornelius Castoriadis nommait l’ institution imaginaire de la société 1   : la conscience de l’historicité constitutive de notre condition, celle des exigences de l’éducation dans la transmission du monde humain, celle des responsabilités que nous confère notre pouvoir instituant. Si nous croyons vraiment que la question des sexes engage notre idée non seulement des femmes mais bien de l’être humain en général, il nous faut recommencer à prendre, sur nous-mêmes, un regard éloigné. Nous voir nous-mêmes en perspective, autres parmi les autres, est la condition non seulement d’une meilleure compréhension de la dimension sexuée des sociétés les plus différentes des nôtres, mais aussi de nous-mêmes.
J’ai tenté que ce livre soit une contribution à cette perspective : la renaissance d’une anthropologie comparative et historique capable de sortir de sa tour d’ivoire, d’interroger la parcellisation des savoirs spécialisés, et de placer enfin la dimension sexuée de la vie sociale au centre d’une réflexion nouvelle sur la personne. Je crois profondément que cette démarche est essentielle dans le contexte de la globalisation mondiale de la modernité, car nous savons que la question des sexes est déjà, et sera demain, centrale dans les conflits politiques et religieux qui peuvent embraser la planète. Il dépend de nous d’en faire à l’inverse un atout du dialogue culturel. Je crois aussi que les réflexions les plus profondes et les plus novatrices sur la distinction masculin/féminin sont venues ces dernières décennies non pas de l’intérieur de nos sociétés, mais de l’ethnographie des sociétés les plus différentes des nôtres, et qu’il n’est pas normal que nous les ignorions à ce point. Je crois enfin que la philosophie contemporaine du langage et de l’action est indispensable à toute réflexion sur l’individu social et sexué : dans le sillage de Ludwig Wittgenstein, elle a su élaborer une critique décisive des apories de l’ écologie et du mythe de l’intériorité. Il n’est pas raisonnable d’ignorer sa réflexion pour revenir trois siècles en arrière comme le font aujourd’hui les apôtres du moi . Lier l’une à l’autre ces questions aujourd’hui séparées est le pari de ce livre.
Je l’ai construit comme un retour sur nous-mêmes, à partir d’une mise en perspective du débat moderne sur les sexes. Mon ambition n’est donc pas de présenter une synthèse de ce que sont aujourd’hui les conditions concrètes de vie des femmes et des hommes, ni de traiter des relations de sexe telles qu’on peut les observer. Ce serait l’objet d’un autre livre. Celui-ci a voulu prendre à bras-le-corps uniquement la façon dont nous pensons la distinction masculin/féminin, et déplier pli à pli les problèmes que nous a légués la pensée moderne de la nature humaine. Je me suis attachée à affronter des questions que je me pose depuis longtemps à propos du rapport e

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