L'Ouragan sanitaire , livre ebook

Odile Jacob - Didier Houssin

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147 pages

Français

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Extrait

Description

Sommes-nous condamnés à subir le risque épidémique ? Malgré les alertes, le virus du Covid-19 est parvenu à prendre de court le monde entier, nous surprenant dans un état de grave impréparation et provoquant une crise sanitaire, sociale et économique sans précédent. Comment avons-nous pu être aussi désarmés face à la maladie ? Quelles failles cette pandémie révèle-t-elle dans nos systèmes sanitaires ? Alors que l’on espère la décrue épidémique, quelles leçons tirer et comment mieux préparer l’avenir ? Quelles étapes pour réussir la sortie de la crise ? Quelles réformes pour notre système sanitaire ? À quoi ressemblera la cohabitation avec le virus ? À ces questions, le professeur Houssin répond avec la précision du scientifique, l’expérience des politiques publiques et une vision internationale, pour guider nos efforts et nos pas vers le monde d’après. Didier Houssin est professeur de chirurgie. Directeur général de la Santé et délégué interministériel pour la préparation à une pandémie grippale de 2005 à 2011, il préside depuis janvier 2020 le Comité d’urgence Covid-19 de l’OMS. Il a été nommé auprès de Jean Castex à la mission pour le déconfinement du printemps 2020. Il est membre de l’Académie nationale de médecine et préside la filiale internationale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Il a publié aux éditions Odile Jacob Soignons la science ! (2018) et Face au risque épidémique (2014).

Sujets

Sociologie, société et politique

Essays

Social Science

Informations

Publié par	Odile Jacob
Date de parution	26 mai 2021
Nombre de lectures	0
EAN13	9782738156464
Langue	Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , MAI 2021 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5646-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pour Christine, Lorraine, Ludivine, Lucille, Louise, Naomi.
Avertissement

Le lecteur agile, ou désireux de ne porter son attention que sur le coronavirus, pourra enjamber la première partie et se rendre directement à la deuxième, qui est dédiée à une chronique raisonnée de la pandémie de Covid-19. Elle se caractérisa par la survenue de nombreux désordres et par des efforts de remise en ordre. Ce lecteur pressé manquera cependant tout ce qu’une connaissance des grandes épidémies anciennes ou récentes peut apporter à la compréhension de ce qui s’est passé dans le monde en janvier 2020.
Après ces premiers bilans et ces évaluations, la troisième partie s’oriente vers l’avenir. Même si toute épidémie a une fin, rapide ou lente, dans un estompement progressif ou dans une cohabitation, une habitude de la fréquentation entre l’agent infectieux et l’être humain, ce dernier chapitre n’est pas le fruit d’un exercice de divination. Il s’efforce de dégager quelques perspectives, en dévoilant les leçons que les êtres humains ont d’ores et déjà tirées, les actions qu’ils peuvent préparer, mais aussi oublier de préparer : les ressources insoupçonnées du virus pourraient encore nous surprendre…
Certains jugeront inutile d’en savoir aussi long sur les épidémies passées et contemporaines sans être capable de prédire précisément les futures épidémies. Ce livre prend le parti selon lequel, face au risque épidémique, l’ignorance de ces précisions ne doit pas servir de prétexte à l’impréparation et à l’oubli.
Introduction

« Non plus fuir, vite, loin et longtemps, mais se préparer, sans délai, avec force et plus de constance. »

Peste, choléra, typhus, variole… Lors des grandes épidémies de son histoire, l’humanité était face à un effrayant mystère qui se dénouait dans la maladie ou la mort, la fuite ou le confinement, l’imploration des dieux pour le pardon des fautes ou l’invention de causes environnementales, la pestilence, le vent mauvais, les miasmes…
À la fin du XIX e siècle, après la validation de la théorie microbienne et quand la virologie, science des virus, commença d’exister, il devint possible d’attribuer la cause et l’impact de certaines épidémies à un virus.
Prendre toute la mesure de cette attribution ne fut cependant pas immédiat. Il fallut des décennies avant que l’on puisse affirmer que la pandémie de grippe espagnole de 1918-1919, qui fit environ 50 millions de morts dans le monde, avait eu pour cause un virus influenza, et que l’on comprenne les raisons de son extrême virulence. L’épidémie de sida avait commencé au milieu de l’année 1981, mais le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), responsable de cette épidémie, ne fut découvert que deux ans plus tard.
Au début de 2020, la virologie ayant fait de grands progrès, la compréhension de ce qui se passait à Wuhan fut plus rapide. Le 3 janvier, les autorités sanitaires chinoises informèrent l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de la survenue de cas groupés de pneumonie aiguë de cause inconnue dans la capitale de la province de Hubei. À peine six jours plus tard, l’OMS rapporta que les virologues chinois avaient attribué ces cas à un nouveau virus de la famille des coronavirus. À peine avait-il été identifié, que le génome de ce coronavirus fut séquencé et rendu public. Très vite, on en sut donc assez long sur le virus lui-même.
En dépit des progrès scientifiques et techniques, et de la rapidité à comprendre une partie de ce qui se passait, l’humanité resta cependant largement impuissante. En deux temps trois mouvements, le nouveau coronavirus révéla sa vraie nature, celle d’une puissance de désordre. La pandémie liée au coronavirus créa un chaos mondialisé de portée inédite, qui allait marquer le début du XXI e siècle.
J’ai déjà raconté 1 les crises sanitaires de nature épidémique auxquelles j’avais été confronté, en tant que directeur général de la santé, entre 2005 et 2011 : épidémie de chikungunya à la Réunion ; épizootie de grippe aviaire et menace pandémique liées au virus H5N1 ; cas répétés de méningite chez l’enfant en Seine-Maritime ; pandémie grippale due au virus H1N1 en 2009.
En ouvrant une fenêtre sur la gestion de ces crises de santé publique, je souhaitais contribuer à la compréhension de crises qui avaient pris un relief particulier dans notre pays, du fait de leur retentissement politique et médiatique. Je voulais surtout souligner combien il était important de se préparer aux épidémies de grande ampleur. En particulier, je formais l’espoir que l’accusation d’en avoir trop fait en matière de préparation à ce type de risque, qui avait été portée à l’encontre des pouvoirs publics après la pandémie de 2009, n’aurait pas de conséquences graves du fait d’une démobilisation quant à la préparation ultérieure à ce type de risque.
Espoir déçu ! Parce que cet espoir fut gravement déçu je compte, dans le présent ouvrage, revenir à la charge et évoquer en détail à nouveau les leçons qui auraient pu et dû être tirées des épidémies à virus émergent du passé récent, c’est-à-dire de la fin du XIX e siècle et du début du XX e . Même si elles n’effacent pas les nombreuses nouveautés et effets de surprise causés par SARS-CoV-2, ces enseignements auraient permis d’être mieux armés face à la pandémie de Covid-19.
Le piège tendu par la pandémie grippale de 2009, moins sévère que redouté initialement, a malheureusement fonctionné. Bousculée dans le désordre créé par le nouveau coronavirus de 2020, l’humanité a subi un grave choc sanitaire. Elle aura du mal à se remettre des conséquences politiques, économiques, sociales et humaines de la pandémie.
Nourri des expériences passées, ce livre en forme de chronique de la pandémie de Covid-19 prend aussi appui, d’une part, sur le vécu des conséquences individuelles, familiales et professionnelles de la pandémie, d’autre part, sur les diverses approches collectives scientifiques, d’expertise et de gestion auxquelles j’ai eu l’occasion de participer lors de cette pandémie : en France, en tant que membre de la cellule de veille mise en place par l’Académie nationale de médecine et de l’équipe dirigée par Jean Castex pour élaborer, en avril et mai 2020, la stratégie nationale de sortie du confinement ; au niveau international, comme président du Comité d’urgence coronavirus de l’OMS.
Ce témoignage, qui veut faire œuvre pédagogique, est évidemment contraint par un devoir de réserve et l’obligation de confidentialité. Qu’est-ce qui, en pratique, ne pourra pas être mentionné ? Finalement, peu de choses : certains aspects de la circulation des informations environnant les prises de décision politique en vue de la définition de la stratégie de déconfinement en France au printemps 2020 et l’intimité des débats au sein du Comité d’urgence de l’OMS.
J’ai l’espoir que ce témoignage sera utile aux futurs « participants », contre leur gré, d’une autre grave épidémie à venir, et qu’il constituera la trace, parmi d’autres, d’un événement grave qui n’est pas terminé, que l’on voudra bien vite oublier, mais qu’il faudra, un jour, raconter à ses petits-enfants, car il restera comme un des grands désordres du XXI e siècle.
L’oubli serait dommageable, car la liste des virus candidats pour une autre pandémie n’est pas close. La prévention des épidémies est un enjeu essentiel de la sécurité sanitaire et un défi, qui doit être relevé avec force et constance. En raison de la nature imprévisible et éminemment variable des épidémies et de leur grande aptitude actuelle à la mondialisation, ce défi ne peut être préparé, ni relevé, sans une volonté politique forte, soutenue en dépit des alternances politiques, accompagnée de moyens financiers pérennes, et n’hésitant pas à recourir aux alliances sur la scène internationale.
Longtemps considérées comme des fléaux à accueillir avec terreur, mais fatalisme, les épidémies, loin d’être à oublier, doivent aujourd’hui être considérées, à la fois, comme des catastrophes naturelles réclamant anticipation et préparation, pour ne pas trop subir, et comme des accidents technologiques invitant à réfléchir au développement des activités humaines et à les infléchir.
Lors d’une telle crise, de nombreux décès prématurés, de grandes souffrances et de graves conséquences économiques et sociales pourront être évités si, dans chaque pays, tous les acteurs, de l’État à l’ensemble des citoyens, en passant par tous les professionnels concernés, bien préparés, informés et motivés, deviennent, dans l’unité, acteurs dans la prévention et la gestion de ce risque.
PREMIÈRE PARTIE
L’homme face aux pandémies : un combat de Sisyphe
La pandémie de Covid-19 aura eu un tel impact international que, pour les générations actuelles et à venir, elle fixera un avant et un après.
Pour tenter de discerner ce que sera l’après, il importe d’abord d’essayer de comprendre ce qui s’est passé avant et de préciser la perception que l’humanité avait du risque pandémique. Il faut alors distinguer la mémoire de la dimension internationale des épidémies du passé lointain, c’est-à-dire des siècles qui ont précédé le XIX e siècle, de la perception récente du risque pandémique au niveau mondial, depuis la pandémie grippale