L Engagement bénévole : entre logiques altruistes et profits individuels
216 pages
Français

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Description

On estime à 13 millions le nombre de bénévoles dans les associations en 2016. Selon une étude récente de France Bénévolat, toutes formes confondues, le bénévolat a progressé de 11,6 % entre 2010 et 2016 notamment chez les 15/35 ans. Qu'est-ce qui motive les Français à donner de leur temps ou à partager leurs compétences ? Qu'est-ce qui incite de plus en plus de personnes à se consacrer à d'autres alors que chacun se plaint d'un manque de temps et d'une pression temporelle croissante ? Le travail bénévole n'est-il vraiment qu'un acte de don, une activité altruiste ou existerait-il des intérêts, des profits à être bénévole ? Un individu qui s'engage gratuitement en faveur de ses concitoyens plutôt que de défendre ses intérêts personnels n'est-il motivé que par la générosité ou cherche-t-il aussi des gratifications implicites ? Autant de questions que l'auteur, sociologue de formation et travailleur social, aborde sans détour, en déconstruisant l'idée reçue d'un engagement bénévole qui ne serait que don de soi et désintéressement. À partir d'une étude qui porte sur les Restos du Cœur et la Fondation Claude Pompidou, Dominique Denimal met au jour, finement et sans concession, les ressorts profonds et souvent inexpliqués qui motivent la plupart des acteurs bénévoles dans le domaine associatif. Il s'appuie pour ce faire sur quelques concepts pertinents de l'anthropologie, de la sociologie de l'engagement et de la sociologie du travail pour problématiser une activité trop souvent pensée à l'aune du spectre du dévouement et de l'abnégation.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 août 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342155273
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Engagement bénévole : entre logiques altruistes et profits individuels
Dominique Denimal
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
L'Engagement bénévole : entre logiques altruistes et profits individuels
 
 
 
À Sara, Jérémie et Lucie
 
Introduction
Être bénévole pour beaucoup de personnes c’est avant tout donner de son temps. Étymologiquement faire du bénévolat c’est « vouloir et faire le bien ». Il existe cependant souvent une volonté de masquer l’intention de vouloir le « bien » pour l’autre. De même, peu de personnes considèrent qu’elles donnent en étant bénévoles alors que c’est le fondement-même de la dynamique bénévole. Cette occultation de la notion de don intrinsèquement contenue dans celle du bénévolat s’explique en partie par la valeur polysémique du mot don qui est le centre de gravité d’une constellation sémiologique, voire d’une nébuleuse sémantique.
Parmi ces termes satellites on peut citer : altruisme, gratuité, oblation, présent, aumône, charité, obole, générosité, philanthropie, bienfaisance, désintéressement, bénévolat, etc. Le mot don, lui, n’est guère employé que par les chercheurs en sciences humaines (sociologues, anthropologues, philosophes, économistes) mais finalement très peu par les personnes rencontrées lors des interviews menées pour cette recherche. Nous verrons justement que c’est une des particularités du vocable « don » et du geste de la donation que d’être masqués, euphémisés par ceux qui en sont les acteurs. Il semble donc nécessaire de marquer une rupture épistémologique d’ordre sémantique par rapport à ce terme, qui est peu usité par les intéressés parce que sans doute trop connoté religieusement et moralement. Ainsi à chaque fois que je proposerais aux bénévoles rencontrés, de faire référence à ce signifiant, à chaque fois il fût réfuté comme élément explicatif de leur motivation et de leur intérêt à exercer une activité bénévole.
Cependant comme le souligne Philippe Chanial « le don comme figure de ce principe anthropologique de non-équivalence, est peut-être archaïque, mais il ne l’est qu’au sens où il est au fondement de l’humanité et de la socialité de l’homme  » 1 .
Il faut bien le constater, le don ne laisse pas insensible l’interlocuteur et c’est une de ses caractéristiques : c’est un terme lourd de sens, parfois opaque, et toujours protéiforme.
Cependant, quand on explore la planète de la sociologie du don, du désintéressement, de l’altruisme, on découvre que c’est un secteur de la discipline qui est très riche et qui comporte de nombreuses recherches non seulement en France mais aussi chez de multiples chercheurs étrangers. Je garde personnellement la conviction que les principes mis à jour par Mauss sur la base du donner/recevoir/rendre ; sont des schèmes fondamentaux de tout échange social et constituent véritablement un « fait social total » que l’on retrouve comme fil conducteur de nombreuses disciplines des sciences humaines et sociales et comme ressort primordial des activités humaines. À l’instar de Marcel Mauss nous pouvons dire «  avec le don nous croyons avoir trouvé ici un des rocs humains sur lesquels sont bâties les sociétés  » 2
Dans ce champ particulier de la sociologie appliquée aux activités régies par l’altruisme, il me semblait particulièrement intéressant d’étudier la question du désintéressement en me situant en cela dans le sillage de Pierre Bourdieu qui avait posé cette problématique sous la forme de cette question restée ouverte et maintes fois reprise : «  un acte désintéressé est-il possible ? » 3 . Appliquée au champ sociologique de l’activité bénévole cela consistait à se demander s’il pouvait exister un complet désintéressement chez les bénévoles ou si on pouvait déceler irrémédiablement de l’intéressement à être désintéressé.
Autrement dit, la raison utilitaire dissoudrait-elle les motivations de l’action humaine dans le calcul et la rationalité du profit ou subsisterait-il des formes de gratuité irréductibles que ne pourrait contenir l’universalité de l’intérêt comme mobile principal de l’action humaine et de l’action bénévole en particulier ?
L’intérêt est-il souverain comme principe de l’action humaine y compris au cœur de l’action bénévole, et qu’en disent les acteurs concernés ? Peut-on objectivement mettre au jour des formes d’altruisme que l’intérêt ne pourrait expliquer ?
C’est cette série de questions, déjà rencontrées lors de ma précédente recherche sur les communautés Emmaüs, qui a guidé ces nouveaux travaux effectués cette fois auprès de bénévoles de deux associations : la Fondation Claude Pompidou et les Resto du Cœur.
La première concerne un bénévolat hétéroclite où agissent à la fois des personnes d’un certain âge, souvent retraitées, mais aussi de jeunes adultes souvent étudiants. La seconde association présente l’intérêt de posséder une renommée nationale qui agit sur les motivations bénévoles et concerne elle aussi un panel bénévole relativement ouvert. Le but de ce livre n’est pas de préciser l’organisation ou les configurations de ces deux associations mais à partir, de ces deux exemples, de décrypter les motivations des bénévoles qui y travaillent. Pour mieux connaître ces associations je renvoie le lecteur vers leur site internet. 4
Dans la première partie de cet opus nous traiterons des aspects socio-anthropologiques du don pour voir en quoi les concepts de ce champ de la sociologie sont opérants sur le registre du fait social du bénévolat. Dans la seconde partie, c’est à partir du paradigme du travail en tant qu’organisateur des échanges sociaux que nous poursuivrons notre recherche sur l’activité bénévole. Enfin la troisième partie de cet ouvrage permettra de reprendre la question des « intéressements au désintéressement » à l’échelle de l’acteur et à partir d’une analyse micro-sociale des terrains de recherche.
Première partie
Le bénévolat et la question socio-anthropologique du don
« Le propre de la pensée sauvage est d’être intemporelle »
Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage , Plon
1. Les limites d’une mise en perspective historique
L’étymologie du terme bénévole : « bene » et « volle » (une volonté bonne ou la volonté de faire le bien, selon les auteurs) nous renseigne sur les deux concepts clefs qui existent en filigrane de cette notion, la bienveillance et la volonté (libre). L’acte bénévole désigne donc une action librement déployée dans le but de produire du bien. Historiquement selon Ferrand-Bechmann le concept de bénévolat s’enracine dans les notions de solidarité et d’altruisme : «  Les racines du bénévolat plongent très loin dans l’histoire et dans des périodes où se disaient et se lisaient plus clairement les motifs de l’altruisme et de la solidarité : des motifs mieux acceptés . » 5
Pour cette auteure, le bénévolat au sens moderne du terme, conjugue trois facettes plus ou moins présentes au fil de l’histoire : la forme « charitable », la plus ancienne qui «  prend l’aspect du bénévolat des œuvres des églises  », une forme de solidarité militante, «  le bénévolat dans la classe ouvrière qui n’avait aucun système d’assurance et de protection sociale  » et enfin une forme engagée qui consistait à «  partir comme volontaire  » et que l’on retrouve dans le statut spécifique du volontariat que nous aurons l’occasion de réexaminer comme avatar particulier de l’action bénévole.
Si nous nous arrêtons à la proposition historiciste, nous constatons rapidement les limites épistémologiques de cette perspective. En effet, chez beaucoup d’auteurs, le bénévolat est marqué par une approche ethno-centrée qui en limite l’apparition au monde islamo-judéo-chrétien, en le contenant intégralement dans la notion coranique du zakat ou juive de la tzedaka ou de la charité chrétienne. Cependant on sait aussi que la tradition de la « philia » grecque nous amène à devoir élargir notre perspective et encore plus si on y inclut les traditions d’hospitalité ou d’entraide présentent dans la plupart des religions constituées (hindouisme, bouddhisme, islamisme, etc.).On peut aussi ajouter, à l’appui de cette proposition, les études de l’historien Veyne sur l’évergétisme dans l’antiquité grecque et latine, qui indiquent l’existence d’une continuité historique du processus de « don à l’étranger ». Paul Veyne mobilise la philosophie, l’histoire, la sociologie et l’économie politique pour expliquer que ces cascades de dons unissaient par des obligations subtiles l’élite gouvernante, le peuple et la cité. L’évergétisme n’était ni une forme d’impôt, ni un substitut à la redistribution. Le peuple attendait des dons de ses gouvernants comme une chose naturelle. De là émergea chez les Romains le droit au bonheur ; le peuple réclamait des jeux et des fêtes et les obtenait. En fait, ses oligarques et ses empereurs, ne se contentant pas de régner sur des sujets obéissants, voulaient être reconnus pour généreux et splendides. 6
On voit donc que l’approche du fait social du bénévolat, du « faire du bien » en tant qu’objet de recherche sociologique ne saurait se limiter, historiquement parlant, à une approche qui prendrait racine dans la sphère socio-religieuse et qu’il faut dépasser ces limites spatio-temporelles pour pouvoir se situer dans une dimension heuristique plus vaste et semble-t-il plus pertinente. Fort de ce constat nous pouvons légitimement proposer un « saut quantique », une rupture épistémologique, en faveur d’une mise en perspective d’ordre anthropologique plutôt que socio

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