L'Apprentissage de la liberté , livre ebook

Odile Jacob - François Roustang

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485 pages

Français

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Extrait

Description

Thérapeute inclassable, François Roustang a changé la vie des personnes qu’il a rencontrées grâce à son approche révolutionnaire de la psychothérapie. Refusant une écoute complaisante de la plainte, il insiste sur la fécondité de l’hypnose pour entrer dans une autre perception de soi-même et du monde, pour sentir la vie. Témoignage de l’itinéraire intellectuel hors norme d’un ancien prêtre, ce livre réunit en un seul volume tous les textes de ce dissident de la psychanalyse. Ces articles et conférences, parfois inédits, sont introduits par des entretiens exclusifs, où François Roustang commente le cheminement qui l’a conduit à rompre avec l’Église, puis à s’écarter de la psychanalyse lacanienne, avant d’explorer des voies nouvelles de guérison dans la lignée de l’hypnose ericksonienne. « Vous allez vous engager sur un chemin que vous ne connaissez pas et que je connais moins encore, pour aboutir en un lieu que vous ignorez, en vue d’accomplir ce dont vous êtes incapable. » F. R. Les recherches de toute une vie, animées par la volonté d’offrir à chacun libération et guérison intérieures, la capacité de dire cette assertion fondamentale : « Je suis vivant. » François Roustang (1923-2016) a mené une réflexion unique sur les conditions du changement. Il est l’auteur de livres majeurs comme la trilogie La Fin de la plainte, Il suffit d’un geste et Savoir attendre.

Sujets

Sociologie, société et politique

Psychotherapy

Psychology

Informations

Publié par	Odile Jacob
Date de parution	05 octobre 2022
Nombre de lectures	1
EAN13	9782415003005
Langue	Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , OCTOBRE 2022 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-4150-0300-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Note liminaire

Né le 23 avril 1923 à Loisey, François Roustang s’est éteint à Paris le 23 novembre 2016, après plusieurs vies qui auront traversé le XX e siècle et une partie du XXI e . Successivement jésuite, psychanalyste et hypnothérapeute, il a laissé une œuvre impressionnante par son ampleur et sa diversité. Dans « Quelques dates », le fragment autobiographique qui ouvre le présent recueil, il raconte comment en quatrième, alors qu’il se considérait comme un cancre, un professeur de français et latin l’avait encouragé en lisant en classe une rédaction qu’il avait écrite sur le thème « Que pensez-vous des passions ? » : « Pour la première fois de ma vie je pense que je ne suis pas complètement idiot. » On peut bien dire qu’après cela Roustang n’a plus jamais arrêté : le professeur avait libéré un flot d’écriture et de pensées.
Le format préféré de Roustang était celui de la conférence, de l’article de revue, du compte rendu, de la préface, tous genres qui lui permettaient d’intervenir dans l’actualité intellectuelle et de « frotter et limer [sa] cervelle contre celle d’autrui » (Montaigne). Plusieurs de ses ouvrages sont ainsi composés de textes déjà parus séparément et transformés pour l’occasion en chapitres. Un grand nombre d’autres textes n’ont toutefois jamais été rassemblés en volume par lui, vraisemblablement parce qu’ils s’inséraient difficilement dans un ensemble plus large. Les livres publiés, qui sont pour la plupart centrés sur la pratique psychothérapique, ne donnent donc qu’une image partielle de son itinéraire intellectuel et surtout de la diversité de ses intérêts.
On trouvera dans le présent recueil, réunis en ordre chronologique (quand du moins leurs dates ont pu être établies avec précision), tous les textes « orphelins » parus séparément, ainsi que plusieurs inédits. Cela ne s’applique toutefois pas aux vingt-six articles publiés par le père François Roustang entre 1956 et 1967 dans la revue jésuite Christus et ailleurs, qui appartiennent à un univers de pensée avec lequel leur auteur a rompu par la suite. N’ont été retenus de cette période que trois textes particulièrement représentatifs et notamment « Le troisième homme », qui valut à Roustang d’être démis à la demande du pape Paul VI de sa fonction de directeur de Christus .
N’ont pas été retenues non plus, pour des raisons de place, les nombreuses interviews accordées par Roustang à différentes publications. Une exception a été faite pour quatre entretiens inédits avec l’hypnothérapeute Emmanuel Soutrenon, en raison de leur caractère particulier. Réalisés par Soutrenon en 2011 et 2012 au cours de rencontres au domicile de Roustang, ces entretiens ont ensuite été intégralement révisés et largement réécrits (jusqu’aux questions, semble-t-il) en collaboration avec Roustang lui-même, en vue d’une publication qui n’eut jamais lieu. Il s’agit ainsi d’un document fiable qui présente en outre le grand intérêt de fournir ce qui se rapproche le plus d’une biographie intellectuelle de Roustang, malgré les réticences expresses de ce dernier à l’égard de l’anecdote et du « biographique ».
Le présent recueil est divisé en quatre parties introduites à chaque fois par l’un des quatre entretiens avec Emmanuel Soutrenon, ces derniers fournissant au lecteur le contexte biographique et intellectuel dans lequel ont été écrits les textes des différentes sections.
L’ensemble est précédé d’un fragment autobiographique écrit par François Roustang à l’intention de sa fille Eve-Alice.
Nous remercions les éditeurs et directeurs de revues de nous autoriser à reproduire ici des textes publiés antérieurement par leurs soins.
Jean-Marc B ENHAIEM , Mikkel B ORCH- J ACOBSEN , Sylvie L E P ELLETIER- B EAUFOND , Claude R OMANO , Eve-Alice R OUSTANG .
François Roustang par lui-même en « quelques dates »

Né en 1923, enfance à Loisey, aucun contact avec les enfants du village. Nous vivons en circuit fermé. Les seuls enfants de notre âge rencontrés sont les cousins germains lors de vacances surtout à Bovée, à Laneuville et à Vitry. Les études primaires se font à la maison avec une institutrice. C’était la mode à cette époque-là dans les familles bourgeoises. Idem pour les cousins. On n’allait pas à l’école laïque du village. Grande envie de partir. Je suis insupportable avec les institutrices.
À cinq ans, lors de ma première communion, comme si la foudre m’était tombée dessus, appel de Dieu et les trois mots « prêtre », « missionnaire », « martyr ». Impression que je ne pourrai pas y échapper.
1932, à neuf ans, avec Pierre 1 , en pension à Juilly chez les Oratoriens. Septième. Mauvais élève, mais discipliné et pieux. Comme plus tard, jamais je n’ai souffert de la pension. Souvenir inoubliable d’un baiser affectueux et triste de mon père après m’avoir mis au lit : il nous avait reconduits jusqu’au dortoir parce que nous étions arrivés très tard à un retour de vacances.
1933, demi-pensionnaire au collège Saint-Louis de Bar-le-Duc. Toujours mauvais élève sixième puis cinquième, redoublement de la cinquième, toujours dans les derniers de la classe. En quatrième, excellent professeur de français et latin. Une composition sur le thème « Que pensez-vous des passions ? » est lue en classe par ce professeur. Pour la première fois de ma vie, je pense que je ne suis peut-être pas complètement idiot. Premier prix de latin à la fin de l’année. J’ai toujours pensé que le professeur m’avait donné ce prix pour m’encourager, mais que je ne pouvais pas l’avoir mérité.
1937, en troisième au collège des Jésuites de Reims. Résultats scolaires en dents de scie, dans les premiers et dans les derniers. Je m’intéresse surtout aux mathématiques. En seconde, poussé par Pierre, je me mets à lire. Bourget, je crois, je me souviens d’un livre intitulé La Peur de vivre 2 qui m’a marqué. Alphonse de Châteaubriant, une histoire de chevalier qui passe dans la montagne à force de la contempler. Mauriac, les carnets. Je tente de reproduire des pages par écrit. Tous les jours, j’écris quelques lignes que je fais corriger par le père Kehrig.
1939, c’est la guerre. Nous sommes pensionnaires, mais nous devons aller à vélo de Cormontreuil à Reims. Hiver terrible. Paul et Guy et d’autres cousins sont dans la même maison que nous. Je me souviens de Paul pleurant de froid et ne pouvant plus avancer. Je réussis convenablement en maths et en français. En mai, lors de la débâcle, nous quittons le collège et nous partons dans un camion avec toute la famille pour nous installer à Douadic, près du Blanc, dans un château. C’est Jo 3 qui a tout organisé. C’est là que je passe la première partie de mon bac. Il y avait alors à l’écrit quatre matières : français, maths, version grecque et version latine. Pierre faisait de l’anglais à la place du grec. Je suis reçu, mais, étant donné les circonstances, il n’y a pas d’oral. Je me souviens d’avoir appris l’armistice entre Douadic et Le Blanc. Je suis descendu de vélo et j’ai eu l’impression d’être coupé en deux verticalement. C’est tout mon rapport à la patrie qui s’est définitivement dissous.
En septembre ou octobre 1940 nous sommes remontés dans l’Est. Loisey était en zone interdite, proche de la frontière allemande qui passait alors entre Metz et Nancy. Il fallait se cacher dans les sacs de patate pour aller à Reims qui était en zone occupée. J’ai fait philo et passé mon bac sans mention. Lecture de philosophes français sur le conseil d’Henri Birault, chez qui Pierre logeait (hypokhâgne à Henri-IV). L’année suivante, j’ai préparé le bac de maths élém (mathématiques élémentaires) ; je n’avais que maths et physique à préparer. J’ai lu beaucoup de philo et fait des résumés de livres entiers, Bergson, Blondel, Lavelle, Lachelier. Reçu avec mention assez bien. Nous entendions vaguement parler de la résistance. Je pense que plusieurs de mes camarades de classe y sont allés. J’ai dû fuir dans la mystique. Je ne croyais plus en la France, surtout avec ce Pétain dérisoire.
En septembre 1942, je suis parti pour Aire-sur-l’Adour au noviciat des Jésuites. C’était en zone libre. Passage difficile en fraude. Correspondance limitée avec la famille. Ma mère croyait que j’étais heureux de partir. Je faisais très bonne figure, mais je subissais une contrainte intérieure dont j’aurais bien voulu me débarrasser. Quelques mois plus tard, mobilisation aux Chantiers de jeunesse. Au bout de peu de temps je me suis retrouvé chef d’équipe dans une ferme avec une dizaine de Landais complètement stupides, des abrutis qui ne pensaient qu’à bouffer. Je les ai fait m’apprendre à jouter des bœufs et à labourer avec un brabant. Quelques mois plus tard nous avons été envoyés à Vergt entre Bergerac et Limoges. Là je suis devenu bûcheron. Nous devions couper chaque jour un stère de châtaignier brûlé. Il faisait très froid et nous étions mal nourris. Comme je râlais souvent et que j’entraînais tous les hommes à le faire, on m’a nommé chef d’atelier, responsable des cuisines. Avec une charrette et un cheval j’allais dans les fermes échanger des patates et des cochonnailles contre des navets ou du sucre que nous avions en abondance. Quand il a été question de nous envoyer travailler en All