Inondations : évaluer la vulnérabilité sociale et vivre avec le risque
92 pages
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Description

Les inondations sont la première cause de catastrophes naturelles de par le monde. Leurs impacts matériels, sociaux, humains et environnementaux dépendent largement des sociétés, de leur organisation, de leur préparation ou encore de leurs inégalités. La notion de « vulnérabilité sociale » a été créée pour analyser comment une même inondation peut causer des impacts sociaux radicalement différents selon les caractéristiques des sociétés qui y sont confrontées. Mais comment évaluer cette vulnérabilité sociale ? Partant des travaux existants, les auteurs proposent une méthodologie originale d'évaluation de la vulnérabilité sociale et l'expérimentent dans une étude de cas. La spécificité de cette méthodologie quantitative et qualitative est de se déployer à trois niveaux : celui d'une société locale et de ses grands équilibres socio-démographiques (niveau macrosociologique), celui des collectifs humains amenés à anticiper et à gérer l'événement (niveau méso-sociologique) et celui de l'individu pris dans son contexte social et culturel (niveau micro-sociologique). Le lecteur trouvera donc à la fois une introduction conceptuelle au vaste champ de l'étude de la vulnérabilité sociale et une méthodologie socio-anthropologique pour évaluer et analyser les conséquences de catastrophes naturelles dont l'évaluation reste trop souvent réduite à leurs impacts économiques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 mars 2017
Nombre de lectures 2
EAN13 9782342151503
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0026€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Inondations : évaluer la vulnérabilité sociale et vivre avec le risque
Aurélien Allouche – Laurence Nicolas
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Inondations : évaluer la vulnérabilité sociale et vivre avec le risque
 
À la mémoire de Laurence Carré
 
Avant propos
L’observatoire permanent des catastrophes naturelles et des risques naturels dénombre 3101 inondations à travers le monde de 2001 à 2015. Le constat est sans appel : les inondations sont la première source de risques naturels. De fait, nous sommes devenus coutumiers de ces images télévisées, glaçantes et fascinantes, de troncs d’arbres charriés à travers les avenues de nos centres-villes, de voitures échouées dans les branches de paisibles platanes ou encore de personnes fragiles hélitroyées de leur maison cernée par des eaux boueuses.
Dans ces images se lit le cœur conceptuel de la notion de vulnérabilité sociale : l’ampleur d’un désastre causé par des phénomènes naturels dépend pour partie de la société qui est frappée par le sort. L’idée est déjà fort ancienne puisqu’on la retrouve dans la confrontation entre Voltaire et Rousseau au sujet du séisme de Lisbonne. Tout un chacun, sans avoir lu ces auteurs ni être philosophe, s’est déjà fait la remarque qu’un tremblement de terre au Japon, pour une même magnitude, n’a pas les mêmes conséquences que dans une nation moins préparée à l’événement, moins riche et moins bien organisée.
C’est à rendre compte de cela que se destine la notion de vulnérabilité sociale au risque d’inondation. Elle vise à saisir la propension d’une société ou de groupes sociaux à être spécifiquement atteints par une inondation en fonction de leurs propriétés sociales et culturelles. Par exemple, l’existence de réseaux de sociabilité denses réduit la fragilité des personnes inondées en permettant de mieux gérer l’événement et surtout l’après-événement lorsque, une fois les eaux boueuses retirées, il faut se confronter à un foyer dévasté où plus un seul objet ne semble à sa place, alors même que les principaux employeurs de la région ignorent quand ils pourront reprendre leur activité et même s’ils le pourront.
Pour que l’action publique puisse tenter de réduire cette vulnérabilité, des méthodes sont nécessaires pour identifier et comprendre comment se constitue la vulnérabilité des uns et des autres, à quels moments de l’inondation elle est la plus forte, quelles logiques de comportement sont à l’œuvre, etc.
Le présent ouvrage s’emploie à présenter les bases de telles méthodes, en construisant pas à pas une méthodologie d’évaluation de la vulnérabilité sociale aux risques d’inondation et en fournissant des applications concrètes à un cas d’étude, en l’espèce du delta du Rhône.
Le lecteur trouvera donc à la fois une introduction théorique au vaste champ de l’étude de la vulnérabilité sociale et une méthodologie socio-anthropologique pour évaluer et analyser les conséquences de catastrophes naturelles dont l’évaluation est trop souvent réduite à leurs impacts économiques. La méthodologie d’évaluation proposée, issue de la sociologie et de l’ethnologie, a au contraire la spécificité d’être à la fois qualitative et quantitative. De surcroît, elle se déploie à trois niveaux : celui d’une société locale et de ses grands équilibres socio-démographiques (niveau macrosociologique), celui des collectifs humains amenés à anticiper et à gérer l’événement (niveau mésosociologique) et celui de l’individu pris dans son contexte social et culturel (niveau microsociologique).
L’ouvrage s’organisera en cinq parties. Nous aborderons d’abord l’état des connaissances scientifiques sur la problématique de la vulnérabilité sociale. En plus d’un panorama de la recherche en la matière, il s’agira d’établir une définition opératoire de la vulnérabilité sociale. Nous serons alors en mesure de présenter successivement les méthodologies de niveaux mésosociologique, macrosociologique et microsociologique. Le devenir de nos sociétés s’imbriquant de plus en plus avec les enjeux environnementaux, une partie conclusive mettra en perspective la gestion de l’environnement et la vulnérabilité sociale aux risques d’inondation.
Chacune de ces étapes s’appuiera didactiquement sur une étude de cas. Le terrain choisi pour cela est le delta du Rhône, plus spécifiquement la commune d’Arles et la Camargue. Les résultats qui seront présentés sont issus d’un programme interdisciplinaire, le programme « DIGSURE », financé par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur de 2009 à 2013, placé sous la direction scientifique du centre de recherche IRSTEA d’Aix-en-Provence 1 .
Ce programme portait sur les risques d’inondation du Rhône et sur la vulnérabilité des territoires « protégés » par les digues. Cette précision est d’importance ; le lecteur devra garder à l’esprit que les méthodologies présentées dans cet ouvrage sont plus spécifiquement pensées pour les inondations fluviales, bien que les logiques présidant leur construction restent pertinentes pour d’autres types d’inondations. En effet, les inondations consécutives aux crues torrentielles et les flash floods provenant de précipitations brutales sont des aléas qui présentent une violence et une vitesse bien spécifiques. Pour leur part, les inondations fluviales se distinguent de ces dernières par l’imprévisibilité d’une rupture de digues ou d’une surverse associée à une période de décrue parfois très longue.
Enfin, le lecteur devra garder à l’esprit qu’aucune méthodologie d’évaluation de la vulnérabilité sociale n’est déterministe ni rigoureusement prédictive. Rien ne serait plus dangereux que d’accorder à une méthode la même confiance aveugle que les acteurs publics reprochent parfois aux habitants de placer dans les digues.
Chapitre I. Synthèse des recherches et des méthodologies sur la vulnérabilité sociale
Les études d’impacts économiques des inondations ne sont pas des pratiques récentes, on peut citer par exemple Holmes (1961). Les études monétarisées du coût d’un risque naturel sont également apparues très tôt dans le champ des sciences sociales, on peut se référer notamment à Wiggins (1974), estimant à cette époque le coût moyen annuel des risques naturels pour les États-Unis à 10 milliards de dollars (inflation non corrigée). Si ces pratiques d’évaluation sont utilisées depuis un temps important, c’est donc que le développement actuel de la notion de vulnérabilité cherche à couvrir d’autres besoins (théoriques et pratiques) que ne le faisaient les évaluations de ce type. Et l’on peut donc s’interroger sur l’intérêt d’évaluations actuelles de la vulnérabilité en termes strictement monétaires, n’y aurait-il pas là que de simples évaluations prospectives sans apports informationnels supplémentaires ? La vulnérabilité, a fortiori lorsqu’elle est sociale, se réduit-elle à un seul coût potentiel ? Une évaluation (exclusivement) monétaire de la vulnérabilité ne concerne-t-elle pas exclusivement la vulnérabilité économique, et non sociale ? D’autre part, ce type d’études était essentiellement réalisé a posteriori, cela se comprenant au regard de l’état encore « embryonnaire » de l’étude de l’impact des risques naturels. Ce sont les géographes américains qui les premiers soulignèrent la nature hybride des risques naturels en croisant la dimension physique et sociale du risque (l’aléa et la vulnérabilité) (White 1945 – Burton 1964). En France, ce sont les géographes qui se saisissent les premiers de cette notion (Faugères, Noyelle, 1992 – Pigeon, 1993 - D’Ercole, 1994) mais seulement à partir des années 1990. Le risque devient un objet éminemment social (Veyret, 2003). Ainsi l’enjeu affronté par les sciences sociales depuis les dernières décennies est double : d’une part, définir et évaluer une vulnérabilité proprement sociale et d’autre part, affiner une évaluation prospective de la vulnérabilité sociale au risque d’inondation.
C’est à lecture de ce double enjeu que nous abordons ci-après l’étude des travaux scientifiques sur cette question.
Quelle(s) définition(s) pour une vulnérabilité sociale ?
Il peut être utile de considérer la définition de la vulnérabilité lato sensu adoptée par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) en 2004 :
«  a human condition or process resulting from physical, social, economic and environmental factors which determine the likelihood and scale of damage from the impact of a given hazard  »
Cette définition a l’intérêt de préciser que la vulnérabilité est une condition ou un processus résultant de facteurs qui déterminent également la probabilité d’un dommage et non pas seulement l’étendue de celui-ci. D’où la double notion d’exposition et de sensibilité à l’exposition fréquemment rencontrée dans la littérature. L’exposition n’est pas une donnée extérieure à la vulnérabilité et l’on pourrait aller jusqu’à dire que la vulnérabilité est ce qui fait ou non d’un aléa une exposition. Mais la vulnérabilité se réduirait-elle à la propension à subir un dommage et à l’étendue de celui-ci ? Elle a en effet pu être comprise dans ses premiers linéaments comme la simple propension à la perte consécutive à un événement (« potential for loss » tel que le résument Mitchell et al. 1989)
Considérons quelques exemples de définitions provenant des trois grands champs d’études interdisciplinaires traitant « traditionnellement » de la vulnérabilité sociale : l’étude des risques et de l’épidémiologie, l’étude de la pauvreté et du développement, l’impact

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