Histoire critique des langues dites universelles
392 pages
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Histoire critique des langues dites universelles , livre ebook

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Description

Nous n'avons en fait qu'une seule et véritable passion : nous écouter parler. Dans la langue du leadership, s'entend. Aussi notre parole n'est-elle que la mise en mots de notre besoin d'apparat et de paraître. Donc, quand nous tenons le crachoir, c'est moins pour être maître de notre bouche que pour prendre langue avec les ténors de la gagne. Dommage que le dernier mot soit toujours celui des chefs et que les autres périssent dans la tyrannie des langues impériales.
Sonder, dans l'histoire ancienne et moderne, la libido verbale qui est à l'origine du faste linguistique de nos rêves de Cocagne, est enfin répondre à cette lancinante question : pourquoi souhaitons-nous ardemment que le jackpot de la pensée authentique et originale soit systématiquement remporté par la seule langue unique ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 février 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334061667
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0127€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-06164-3

© Edilivre, 2016
Citation


La langue, rien que la langue, voilà l’important.
Le reste, tout ce qu’on peut dire d’autre, ça traîne partout.
Louis Ferdinand Céline
Précision
Afin de reconstituer fidèlement les phases de vie des différentes langues-vedettes qui défileront dans ce livre et de prendre sur le vif les événements relatés, l’auteur a choisi de se servir dans la mesure du possible de documents d’époque et de faire usage dans ses textes, du présent de l’indicatif, même si pour cela il s’est avéré nécessaire de changer quelques-unes des citations utilisées.
1 Wanted : La langue phare
De 58 à 51 av. J.-C., Jules César conquit la Gaule. Les Romains n’eurent pas besoin d’apposer, sur nos murs, des affiches de leur QG : « Ordre à tout Gaulois de parler latin, dès demain, à l’aube, sous peine de mort. » Ces moustiques de Gaulois, attirés par tout ce qui brille, se ruèrent sur le phare du vainqueur 1 .
Une langue phare est une langue de grande diffusion internationale dont la puissance de séduction est absolue. Si une telle langue-vedette, comme autrefois le grec, le latin, l’arabe, l’italien, l’espagnol, le français, et … de nos jours, l’anglais, a le don de conduire l’homme au bon port, elle a aussi le défaut de lui imposer un lourd fardeau.
Le malheur que nous inflige la langue phare est, qu’à force de vénérer une altérité aveuglante, nous perdons beaucoup de notre imagination sans qu’il nous soit donné d’égaler celle qui nous sert de modèle. La langue phare est une construction mentale qui ne sort que de notre propre esprit. Elle est l’encensement extravagant de la langue internationale. Dans une première phase reflet rayonnant des bienfaits de la civilisation qu’elle véhicule, la langue phare finit par créer en nous, admirateurs non natifs, une adulation qui paralyse notre force créatrice et donc aussi notre capacité d’agir sur la réalité.
L’histoire aurait pu se dérouler avec moins de violence si nous avions eu le courage d’être infidèles à la langue phare. Sans l’admiration pour elle, nous aurions depuis longtemps, trouvé notre bonheur dans la diversité dont la préservation est urgente, vu notre essoufflement créatif devant la globalisation qui risque de faire de notre planète un champ de bataille économique. Vu surtout la nouvelle langue glamour qu’est l’anglais.
Au faîte de son impérialité linguistique, c’est-à-dire dans l’Europe du 18 e siècle, la langue phare de Versailles s’imposait dans tous les pays et dans toutes les régions, mais si la culture française qu’elle véhiculait, pouvait également
« “s’imposer partout comme l’expression la plus achevée de la culture lettrée”, son modèle par contre pouvait au mieux être imité mais “ jamais être égalé ” 2 . »
C’est avec raison que Antoine Vergote souligne que
« La parole est remémorative : elle s’inscrit dans le langage d’une histoire personnelle, et donc dans un réseau de signifiants organisé par les multiples expériences et paroles entendus 3 . »
Le même auteur insiste sur le fait que le langage est le lieu d’émergence et la forme de la pensée. Ce qui implique que les mots coexistent avec les choses, et que les choses passent dans les mots 4 . Pour le célèbre Gottfried Wilhelm Leibniz
« la langue est le lieu du sens en acte, le miroir d’un entendement agissant, à condition de maintenir et à développer une “réflexion” vivante, une vie qui lui soit propre ; de là l’importance de la langue maternelle seule capable de combiner “vigueur et saveur…”. 5 »
Depuis quelques décennies la langue anglaise est devenue si « universelle » qu’elle fragilise toutes les autres langues du monde. Bien sûr, pas toutes au même degré, puisque celles qui sont parlées par des centaines de millions de locuteurs se défendent mieux que les autres, mais toutes sont menacées dans leur fonction identitaire qui est celle de leur imaginaire populaire. L’appauvrissement culturel auquel l’homme devra s’attendre, car l’anglais est loin d’être éphémère, risque de le rejeter dans l’à peu près expressif qui caractérise les seules fonctions véhiculaires du langage.
Paraître, sublimer son désir de gloriole, voilà les pulsions fondamentales de l’homme. A ce besoin viscéral répondent toutes ses folies et tous ses fantasmes. Son ardent désir de paraître ne se traduit pas exclusivement dans ses habits et dans d’autres objets matériels de parure, mais aussi dans l’avidité avec laquelle il aspire à s’approprier la langue que parlent ceux qui, à ses yeux, représentent le pouvoir politique et économique. L’histoire nous apprend que ce constat peut être qualifié d’absolu.
Cette vérité induit une multitude de conclusions dont quelques-unes sont loin d’être anodines pour qui veut mieux comprendre pourquoi dans la société de l’homme nous observons de temps immémoriaux, le phénomène de la sublimation extravagante de la suprématie de la langue du pouvoir et pourquoi au sein des nations qui ne sont qu’indirectement sous le coup de ce pouvoir, nous notons que la langue ténor « étrangère » fait l’objet de toutes les attentions et d’une prédilection générale sans faille. Décidément, l’homme n’aime que la langue de ceux qui sont à même de lui procurer les délices, illusoires ou non, du « leadership ».
L’importance capitale de la fascination pour la langue phare enlève une bonne partie de la pertinence du concept de la langue maternelle. L’idiome de la mère, sauf quand il est aussi celui du pouvoir, n’a plus alors le rôle absolu de la matrice première dans laquelle se moule l’expression verbale de l’individu. Il est en concurrence avec la langue phare qui exerce sur l’apprenant linguistique la fascination inouïe d’un univers qui tout en étant autre que le sien, réussit à s’immiscer dans sa vie. Plus cette adulation sera amplifiée par la disponibilité immédiate d’un maximum de moyens (techniques) d’incursion dans la langue et donc dans la culture « étrangère », plus l’apprenant de la langue maternelle sera enclin à dévaluer celle-ci dans son imaginaire linguistique. Henri Gobard parle à ce propos d’aliénation linguistique 6 . Dans le monde qui est le nôtre en ce début du 21 e siècle, il n’est pas abusif de dire que cette aliénation est pour la première fois dans l’histoire de l’humanité devenue tellement omniprésente, qu’elle risque de déclasser, donc de reléguer dans la marginalité, tous les patrimoines linguistiques autres que l’anglais. Or, tous les spécialistes de la linguistique s’accordent pour souligner que l’humanité ne possède au total que quelques six milles langues et qu’à l’heure actuelle elle en voit disparaître quelques centaines par an. Preuve que cette aliénation ne se contente pas d’appauvrir mais qu’elle s’applique aussi à anéantir.
Etonnés par l’indifférence totale dont l’humanité fait preuve à l’égard de la déperdition de ses richesses linguistiques et donc de ses modes d’expression, nous ne pouvons que nous inquiéter de l’ampleur de la tragédie humaine qui s’annonce. Des millions et des millions de citoyens qui risquent de rester sur le carreau pour le simple fait de ne pas avoir une maîtrise suffisante de l’anglais. De très nombreuses cultures et civilisations frappées d’inertie à cause de leur suivisme anglo-saxon. Mais dans notre étonnement nous serons sans doute bien seuls en face de ces innombrables foules qui ne caressent qu’un seul désir : parler anglais. « Je voudrais tant que ma fille apprenne l’anglais ». Mais
« Les identités culturelles sont aussi des formes déguisées de passions politiques, et à ce titre elles dissimulent, derrière des vœux de tolérance, d’impitoyables appétits de domination 7 . »
La langue phare est donc aujourd’hui l’anglais, ou si vous voulez, l’américain. Elle est en train d’envahir le monde. Sans elle, point de salut ! Mais le lien entre la fuite en avant des Européens vers l’anglais et le déclin de l’Europe saute trop aux yeux pour ne pas y voir la cause de la perte d’influence du vieux monde. En effet
« il ne faut pas perdre de vue que les rapports de force inégaux permettent à ceux qui jouissent de l’autorité politique et culturelle de déterminer le sens 8 . »
La séduction qu’ont exercée les langues phares de jadis (le grec, latin, arabe, italien, espagnol et français) sur leurs locuteurs non natifs a fini par provoquer chez ces derniers des autodénigrements qui, à plus long terme, n’ont pas manqué de créer des psychodrames que l’histoire de l’homme a malheureusement traduits en guerres cruelles et luttes sanglantes. De tout temps, le credo de la langue unique a entériné le refus de la différence. La soumission servile au français dont les Européens ont fait preuve pendant les 17 e et 18 e siècles, a débouché sur le romantisme (la revalorisation des traditions populaires des divers pays) et, dans sa foulée, sur les nationalismes et leurs violences. Que, malgré cela, les effets pervers du credo de la langue idéale et unique, n’aient guère été étudiés par les historiens, n’a rien de surprenant puisque le langage humain, même aujourd’hui, n’est pas le phénomène physiologique et psychoculturel qui passionne les scientifiques.
Imaginez un instant, demain, les vœux de l’homme de la pensée unique, exaucés : une seule langue pour l’homme. Son vocabulaire en pâtirait tellement qu’il se réduirait comme une peau de chagrin. Comment en effet parler d’un igloo, d’un karaoke , d’une caméra , d’un kimono , d’un mocassin , d’un fjord, d’un robot , d’un polder et de l’islam si on ne dispose que des termes maison, orchestre vide, chambre, vêtement, chaussure, falaise, corvée , terre asséchée et soumission qui en sont les traductions littérales ? L’homme perdrait énormément

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