Génération surdiplômée : Les 20 % qui transforment la France
181 pages
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Génération surdiplômée : Les 20 % qui transforment la France , livre ebook

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Description

Et si la principale fracture au sein de nos sociétés n’opposait pas le 1 % des superriches aux 99 % restants, mais les 20 % des surdiplômés à tous les autres ? Environ un jeune sur cinq sort du système scolaire avec un master ou un diplôme de « grande école ». Faire partie de ces 20 % est aujourd’hui la condition nécessaire pour maîtriser son avenir et intégrer les professions dans la lumière : le monde des start-up, des consultants conviés à penser le futur et, plus largement, celui des influenceurs culturels. S’appuyant sur une enquête de terrain, de nombreux entretiens auprès de jeunes actifs (25-39 ans) insérés dans le monde de l’innovation et un sondage exclusif, Monique Dagnaud et Jean-Laurent Cassely dressent le portrait de ces premiers de la classe et montrent que, loin de former un groupe homogène, ils se partagent entre tentation du pouvoir, confort et contestation du système. Alors que les 20 % se détachent du reste de la société, leurs prétentions à proposer un modèle de vie et à fixer un cap politique résisteront-elles à l’entre-soi social qui les caractérise ? Le changement peut-il avoir lieu sans le peuple ? Monique Dagnaud est sociologue, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la jeunesse et du monde numérique, auteur de nombreux livres dont Le Modèle californien (Odile Jacob, 2016). Jean-Laurent Cassely est journaliste et essayiste (Slate. fr, L’Express). Il est spécialiste des questions territoriales, de consommation et de modes de vie. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 janvier 2021
Nombre de lectures 10
EAN13 9782738154033
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JANVIER  2021
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5403-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
« J’ai reçu la même instruction qu’un enfant issu de la classe supérieure. Nul prince qui puisse faire mieux qu’obtenir des A dans toutes les matières de Stanford et à Cornell. Et même si mon patrimoine familial avoisine zéro dollar, grâce à cette instruction j’appartiendrai toujours à une classe plus haute que Trump ou qui que ce soit de moins éduqué. »
David V ANN
Introduction

Des 1 % (les superriches) aux 20 % (les superdiplômés)
Changer de regard sur la société


Les 20 %, épicentre des sociétés développées

La compétition scolaire, une compétition existentielle
Aucun enfant d’aucun pays moderne n’échappe aujourd’hui à cette fatalité. Perspectives d’insertion professionnelle, d’aisance matérielle, de qualité de vie – en un mot de souveraineté sur son destin – riment avec réussite scolaire 1 . La compétition à ne pas rater, c’est celle qui démarre sur les bancs de l’école – l’école maternelle, précisons. L’objectif est de sortir vingt ans plus tard dans le peloton des personnes qui feront des études supérieures, 45 % des nouvelles générations en France, 48 % aux États-Unis, 52 % au Royaume-Uni. « C’est maintenant un diplôme d’études supérieures qui est devenu la condition minimale d’espoirs permettant l’accès à une vie digne et en sécurité », énonce le sociologue Zygmunt Bauman 2 . En France, 23 % des jeunes accèdent au niveau du master 2 ou plus (14 % master 2, 1 % doctorat, 8 % grande école 3 ) soit un peu plus d’un jeune sur cinq ( figure 1 ). Nous retiendrons l’étiage de 20 % pour désigner les plus hauts diplômés, certains masters étant dotés d’une employabilité modeste, et aussi parce que de multiples recherches sur les surdiplômés des pays occidentaux se réfèrent au chiffre de 20 %.
Cette compétition a valeur quasiment existentielle, et au-delà de ses rétributions concrètes en statuts et revenus, elle figure dans l’imaginaire et les représentations. Les films et les médias d’images, dans l’ensemble, puisent chez les 20 % l’essentiel de leurs inspirations : un monde où s’imposent l’aisance culturelle, le voile de légèreté que procure le sentiment de pouvoir choisir sa vie, l’autorité du savoir et le plaisir du langage chatoyant où les mots s’enchaînent et ne se cherchent jamais, la maîtrise du corps et les codes vestimentaires. Même ici la tenue négligée fait l’objet d’une élaboration savante, et tous ces attributs semblent couler d’une source invisible, une sorte de talisman connu de tous, l’éducation supérieure. Dans son roman Heureuse fin , l’écrivain espagnol Isaac Rosa suggère de fabriquer des remakes de films connus, de drames sentimentaux et de comédies romantiques dans lesquels les protagonistes appartiendraient aux milieux populaires et auraient des vies aussi épuisantes que la grande majorité des gens. Ces remakes commenceraient comme le film original, emprunteraient les mêmes dialogues et les mêmes situations de départ, puis… le scénario bifurquerait vers des vies qui se crashent ; quelque chose comme : Quand Harry l’autonome rencontre Sally la smicarde .
Mark Bovens et Anchrit Wille, politologues aux Pays-Bas, dans leur livre Diploma Democracy 4 , désignent ainsi les sociétés contemporaines : des démocraties dirigées, pensées et modelées par et pour les diplômés. Cette distribution des individus en fonction des classements scolaires obéit à une loi aussi implacable que jamais affichée, dont on décèle l’empreinte partout : l’emploi que vous occupez, vos revenus, votre lieu de résidence, votre espérance de vie en bonne santé, votre opinion à propos de la globalisation de l’économie et de l’immigration et jusqu’à votre manière de vous alimenter ou aux séries et films que vous regardez dépendent, sinon intégralement, au moins en grande partie, de la durée et de la nature des études que vous avez poursuivies. Vos collègues de travail, vos amis, votre conjoint… vos cercles sociaux les plus lâches comme les plus intimes sont eux aussi les reflets de votre place dans la hiérarchie éducative.
Ce séisme déclenché par la massification des universités a suscité une pléthore d’analyses, qui n’ont cessé de s’affiner et de se recomposer au fil du temps. Parce que le boom universitaire a commencé aux États-Unis, parce que la sociologie outre-Atlantique est moins obsédée par les inégalités sociales que la sociologie européenne, et qu’elle est par contre fascinée par l’exploration des mouvements culturels et des libertés de l’individu, toujours est-il que les retombées de cette révolution ont été abondamment documentées dans les sciences humaines américaines. On observe une première salve d’essais qui tentent de saisir les facettes complexes de cette classe cultivée : ils partent des Contradictions culturelles du capitalisme de Daniel Bell 5 , de la new class d’Alvin Gouldner 6 et de La Culture du narcissisme de Christopher Lasch 7 dans les années 1970-1980, et vont jusqu’aux « créatifs culturels » de Paul H. Ray et Sherry R. Anderson 8 , puis à la creative class de Richard Florida 9 et enfin aux « bobos » de David Brooks 10 , essais tous parus à l’aube des années 2000.
Une seconde tranche d’analyses débute en 2017, elle continue à explorer les traits et le positionnement social de ces premiers de la classe, mais ses conclusions prennent un tour particulièrement critique. L’effectif de la classe cultivée a grossi, elle est devenue culturellement et économiquement dominante, elle a généré en son sein le capitalisme numérique, elle s’est drapée dans une posture morale et elle a creusé une vraie distance avec le reste de la société. Ces évolutions sont captées à travers l’ Aspirational Class d’Elizabeth Currid-Halkett 11 , The Complacent Class de Tyler Cowen 12 et le livre Dream Hoarders de Richard Reeves 13 , et bien d’autres essais. Embrayant sur cette littérature sociologique, l’économiste et essayiste britannique David Goodhart 14 a tiré une démonstration magistrale sur le clivage qui sépare les diplômés des autres strates sociales (un guide des analyses effectuées sur cette classe sociale figure en annexe II).

Les  anywhere et les  somewhere  : le partage des sociétés entre les diplômés et les autres
David Goodhart, à partir de l’exemple anglais, distingue deux catégories de population en fonction de leur mobilité sociale et géographique : les people of anywhere – « ceux qui sont de partout » dans la traduction française –, qui sont à l’aise dans la galaxie mondialisée, qui peuvent « faire leur nid » à peu près n’importe où grâce à leur expertise liée à l’économie moderne, garantie par leur diplôme, et sont donc dotés d’une « identité portative » ; et les people from somewhere  : « ceux qui sont de quelque part » et qui, faute des atouts culturels suffisants, ont les semelles attachées à un territoire, et qui donc se caractérisent par une « identité fixe » s’arc-boutant à défendre un style de vie « local » et se sentent en danger face à l’immigration.
Les premiers ont fait leurs études dans les grandes villes universitaires, travaillent en majorité à Londres, voyagent régulièrement et portent un regard bienveillant sur le monde ouvert, « des cadres BCBG aux universitaires radicaux », souligne Goodhart. À l’opposé, la catégorie de ceux qui sont de quelque part correspond à des populations plus âgées, moins éduquées, plus provinciales, résidant dans les banlieues et les villes industrielles et maritimes : fermier écossais, ouvrier de Newcastle, mère au foyer de Cornouaille, retraités de la classe ouvrière du Nord ou lecteurs du Daily Mail . David Goodhart évalue assez précisément les effectifs des « deux clans » en présence en Grande-Bretagne, et plus largement dans l’ensemble des pays occidentaux. Les anywhere représenteraient 20 à 25 % des Britanniques, quand les somewhere , plus nombreux, seraient environ 50 %.
Plus qu’un découpage sociologique fin, exhaustif et précis de la société, l’opposition schématique et binaire entre les anywhere et les somewhere décrit une polarisation des parcours de vie, des comportements et des représentations. Pour David Goodhart, la césure entre les deux mondes diplômés du supérieur/non diplômés réorganise la sphère politique, empoussiérant le clivage droite/gauche dessiné par la première révolution industrielle. Si les questions économiques ne disparaissent pas du tableau, un autre clivage vient s’ajouter à la question des inégalités et, dans certaines configurations, l’éclipse : le clivage culturel. « La question de la culture (au sens des valeurs et de l’identité) a pris autant d’importance que la traditionnelle question économique ; autrement dit, la culture “compte” autant que l’argent », écrit-il.
Assez logiquement, les 30 % qui flottent entre les deux clans subissent alternativement l’influence de l’un et de l’autre. Lorsqu’ils penchent vers les anywhere , ils élisent Emmanuel Macron ou Barack Obama. S’ils rallient les somewhere , le débouché électoral d’une telle alliance ressemble au référendum du Brexit ou à l’accession au pouvoir de Donald Trump.
La littérature aussi s’est emparée de ce thème, doué d’une tension dramatique pour dépeindre les destinées individuelles sur les deux ou trois dernières générations. La Grande-Bretagne fai

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