France-Algérie : Résilience et réconciliation en Méditerranée
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Description

Qui mieux que Boris Cyrulnik et Boualem Sansal aurait pu écrire ce livre à deux voix, où l’histoire de l’Algérie est dépeinte comme une de ces entreprises humaines qu’on ne comprend qu’en mesurant le rôle structurel de la violence dans les sociétés ? Loin des discours officiels, parfois sans ménagement, ils invitent à redécouvrir l’Algérie et les Algériens, la manière dont ils ont mené ou subi leur histoire, fabriqué leurs héros, conquis leur indépendance – pour le meilleur et pour le pire, entre terrorisme et résistance, fanatisme et corruption, violence et soumission. Un livre nécessaire pour sortir des mensonges et des hypocrisies, et penser à bras-le-corps une situation complexe, pour les Algériens comme pour les Français. Et imaginer peut-être, une fois éclaircis les vieux différends, d’oublier l’amertume et les ressentiments pour rendre possible une amitié entre peuples capables de se reconnaître pour ce qu’ils sont, ayant cessé de se leurrer sur le passé. Un livre salutaire. Boris Cyrulnik est neuropsychiatre. Il est l’auteur de nombreux ouvrages qui ont tous été d’immenses succès, dont, parmi les plus récents, Psychothérapie de Dieu et La nuit, j’écrirai des soleils. Boualem Sansal est un écrivain et essayiste algérien né en 1949. Il a reçu de nombreux prix littéraires dont le Grand Prix du roman de l’Académie française. Il vit près d’Alger. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 mai 2020
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738151698
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , AVRIL  2020 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-5169-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Comment est né ce livre ?

Lancée par les jeunes Algériens le 16 février 2019, une manifestation de protestation contre le pouvoir politique a rapidement fédéré une grande partie de la population dans l’ensemble du pays. À l’occasion d’une rencontre à Hyères (Var), le neuropsychiatre français Boris Cyrulnik et le romancier et essayiste algérien Boualem Sansal ont engagé un dialogue sur ce phénomène inattendu, sur ses racines, sur son possible avenir.
Très vite, leur échange prend de l’ampleur et déborde le thème initial. Ensemble, ces deux hommes de paix creusent le sillon de l’actualité pour revisiter l’histoire longue et y retrouver les ferments de la politique récente et des rapports souvent douloureux qui se sont tissés entre la France et l’Algérie. Ils en évoquent les acteurs, ceux dont on a fait des héros – parfois de propagande –, mais aussi ceux qu’on a oubliés, dans cette Méditerranée turbulente où fleurissent les conflits, les révolutions et les espoirs déçus.
Boualem Sansal évoque sans faux-fuyants l’histoire lointaine. Il montre comment elle a sédimenté et continue de structurer certains aspects de l’Algérie contemporaine, expliquant en partie ses difficultés, pendant et après la colonisation.
Boris Cyrulnik apporte des éclairages psychologiques et anthropologiques qui se nourrissent autant du présent que de la mémoire : de ses propres expériences durant la Seconde Guerre mondiale, de ses rencontres, lors de ses nombreux voyages en Algérie, avec les hommes et les femmes de ce pays.
De leur dialogue naît un livre original par son approche des phénomènes, par la lucidité des jugements, par la pertinence des rapprochements qui mettent en relief la signification des événements actuels et les perspectives historiques dans lesquelles ils s’inscrivent.
Que José Lenzini soit remercié pour avoir organisé ces entretiens.
CHAPITRE 1
L’Algérie, une histoire complexe

B ORIS C YRULNIK –  Comme la conscience de la mort est à l’origine de l’art et de la spiritualité, la violence est à l’origine de toute construction sociale : c’est une thèse que j’ai souvent défendue. Il me semble que l’Algérie et l’ensemble de la Méditerranée en sont une illustration.
 
B OUALEM S ANSAL – Il est vrai que de très nombreuses violences se sont entremêlées au cours des siècles en Méditerranée et particulièrement en Algérie où elles ont produit la réalité complexe d’aujourd’hui. Il y a eu la violence des colonisations successives, qu’elles soient romaine, byzantine, vandale, arabe, turque ou française, auxquelles, comble de malheur, s’ajoute la colonisation du pays par les siens : je veux parler de cette oligarchie militaire compradore *1 éblouie par sa soudaine richesse et la puissance de ses armes. De même, il y a eu la violence religieuse qui a fait passer ses habitants d’une croyance à l’autre, du polythéisme berbère au phénicien, au romain, puis au monothéisme chrétien et enfin musulman. Ce dernier est un terminus car il élimine toute autre croyance pour régner en maître absolu sur les âmes et les consciences. À cela se sont ajoutées les violences inhérentes à l’organisation tribale et féodale de l’Algérie. L’histoire de la construction sociale dans ce pays n’a pas été un long fleuve tranquille. On comprend que les Algériens d’aujourd’hui aient tant de mal à se reconnaître.

Origines tribales et colonisations successives
La naissance, en 1962, d’un État libre et indépendant appelé Algérie, qui pouvait être perçue comme le début d’une stabilisation sociale, s’est avérée être, au contraire, le début d’un processus violemment régressif dans lequel la mort est redevenue ce qu’elle était : la mort d’un animal, sans signification ni conséquence. La nouvelle république est en vérité la propriété privée de seigneurs de guerre issus de la guerre de Libération. Aujourd’hui le Hirak vient dénoncer cette spoliation et repenser la construction sociale sans violence. Mais encore faut-il savoir ce que ce mot Hirak, inventé dans une rue d’Alger, dans le feu de l’action, contient de sens, de projet, de force et quelles en sont les composantes.
Il faut se souvenir que l’histoire officielle du pays, écrite par une commission d’apparatchiks du FLN est toujours au programme scolaire : elle commence avec la conquête arabe (647-709) et réserve l’essentiel de ses pages à la colonisation française (1830-1962) et à la guerre de Libération (1954-1962). Ce récit national, très minutieusement agencé visait quatre objectifs.
Le premier était de consacrer les frontières de l’Algérie héritées de la colonisation française : c’est la seule justification historique que nous pouvons évoquer pour nous identifier à un territoire et en défendre l’intégrité. Auparavant, l’Algérie n’existait pas en tant que telle, ses terres étaient les fiefs d’innombrables tribus indépendantes, ou intégrées dans différents royaumes plus ou moins éphémères, ou bien encore appartenant aux grandes puissances du moment : Damas, Bagdad, le Maroc (notamment sous le règne sanglant des Almoravides et des Almohades), l’Empire ottoman, avec à certains moments des enclaves espagnoles (notamment à Oran et Alger).
Le deuxième objectif était d’inscrire la guerre de Libération dans le djihad planétaire de la nation arabe et musulmane contre les croisés.
Le troisième visait à empêcher que la conquête arabe et la domination ottomane soient regardées comme des colonisations au même titre que toutes les autres colonisations qu’a connues l’Algérie : phénicienne, romaine, byzantine, espagnole, française. L’explication avancée était que les Arabes et les Turcs ne sont pas venus nous coloniser mais nous affranchir, nous islamiser, nous arabiser, nous éduquer, élargir la oumma *2 conformément à l’appel d’Allah.
Le quatrième objectif consistait à occulter l’identité berbère multimillénaire et le passé judéo-chrétien d’avant l’islam. Dans ce schéma, le pays est passé du paganisme à l’islam, du néant à la lumière.
La politique, comme le reste, ça s’apprend. En dehors de la période numide durant laquelle le pays a été administré par les siens, par un pouvoir central mais sous la tutelle de Rome, l’Algérie a toujours été gouvernée par des étrangers selon différents modes : par des procurateurs après que Rome eut annexé le pays, par des rois installés au pays sous la domination vandale, des sortes de préfets sous la domination byzantine, des généraux et des princes envoyés de Damas durant les dominations omeyyade et abbasside, par des beys et des deys sous la domination ottomane, puis par un gouverneur général et des préfets durant la colonisation française. Après l’invasion mongole de Bagdad en 1258 et l’effondrement de l’Empire arabe, l’Algérie éclata en une multitude de royaumes formés par des tribus berbères ou arabes plus ou moins inféodées à des pouvoirs étrangers : Le Caire, Cordoue, Bagdad, Marrakech.
Certaines tribus berbères qui ont su se fédérer, sous l’impulsion d’imams qui se pensaient investis d’une mission divine, ont fondé des empires dynastiques immenses tels ceux des Almoravides (entre le XI e et le XII e  siècle) et des Almohades (entre le XII e et le XIII e  siècle), empires nés à Marrakech et qui régnèrent sur l’ensemble du Maghreb, sur une partie du Sahel et sur l’Espagne (Al Andalus). Il faut citer aussi les puissantes dynasties Hammadides, Zirides, Idrissides, Mérinides, Hafsides, Rustumides, Zianides et d’autres encore, qui ont dominé des territoires plus ou moins importants au Maghreb.
Durant tous ces siècles, qu’elle fût libre ou occupée, l’Algérie est restée fondamentalement un monde de tribus, elles-mêmes divisées en sous-tribus disposant d’une indépendance plus ou moins grande, chacune conservant cependant son identité propre.
L’histoire longue et vraie n’est à ce jour pas écrite, sinon par bribes, à travers des démarches dissidentes. Cette violence symbolique qui empêche un peuple de se connaître à travers son histoire longue a profondément divisé la population entre Berbères, Arabes, musulmans, chrétiens, athées. Il en a résulté des conflits et des guerres quasiment en continu.
 
B ORIS C YRULNIK –  La violence est une constante. Alors pourquoi voudrions-nous que les jeunes d’aujourd’hui se comportent autrement quand ils ont besoin de changer la société et de lutter contre l’angoisse de l’avenir ? C’est ce qui a engendré les manifestations de février 2019 en Algérie. Cette éruption a ceci d’exceptionnel qu’elle s’est déroulée sans violence. Mais elle n’est sans doute pas un phénomène isolé dans l’histoire du pays.
 
B OUALEM S ANSAL – Pour bien comprendre ce point, il faut considérer l’histoire longue. À l’époque du bronze moyen, l’Afrique du Nord s’appelait Libye , qui vient de lébu ou libou , du nom d’une tribu implantée à l’ouest de l’Égypte qui a servi à désigner la région et est devenu l’appellation collective pour tous les peuples autochtones. L’entrée dans l’histoire moderne commence réellement avec les Phéniciens, des navigateurs hardis et des commerçants redoutables qui, à partir du XII e  siècle avant J.-C., accostent sur les rivages de l’Afrique du Nord et y installent ici et là des comptoirs, des emporiums pour commercer avec les tribus

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