Entrez, les artistes !
87 pages
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Description

Nos combats se râpent perpétuellement sur des sols endurcis de résistances. L’histoire est là pour nous l’enseigner. Il faudrait l’ignorer pour rester vivant et la connaître pour rester entier. Tenir ce fil du non-sens de notre humanité. (…) Avec l’Art et la parole, il se fait du temps humain, dialogue du sensible, celui-là même qui nous tire hors de nos geôles faites de strass, de peurs, de résistances, de bêtise et de haine.
Cet écrit pose en continu la question de la place de la parole, de l’écoute, de l’art, de l’imaginaire, leur rôle indispensable de médiation et d’humanisation. Tenter de faire advenir l’autre comme artiste de lui-même.
Il est là question d’éducation bien au-delà des apprentissages, de l’école maternelle, d’une traversée de son histoire, de son évolution, de ses dérives politico-économiques, sociétales, éducatives. Promenade épistolaire sur des terrains d’histoires d’enfants, d’adultes.

Informations

Publié par
Date de parution 24 janvier 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312071459
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Entrez , les artistes !
Maud Roy
Entrez , les artistes !
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2020
ISBN : 978-2-312-07145-9
Eduqua Del Arte
« Que jamais la voix de l’enfant ne se taise, qu’elle tombe comme un don du ciel offrant aux mots desséchés l’éclat de son rire, le sel de ses larmes, sa toute-puissante sauvagerie. »
Louis - René Des Forêts

« Quel plaisir de parcourir ce texte léger et profond à la fois qui parle du suc de nos jeunes vies vulnérables et fidèles. J’y ai retrouvé une communauté fraternelle d’expériences dont le creuset relationnel avec les adultes faisait bien souvent l’économie de cette joie spontanée et secrète que la vie offre naturellement au détour des rencontres avec les êtres et les choses.
Votre écrit poétique qui est éminemment politique dont la théorisation implicite me parait particulièrement féconde pour ces temps menacés de déliaison sociale. »
René Jam – « Eau partagée »
Inspecteur Honoraire de l’Éducation Nationale
Prologue
« Voici venu le temps des rires et des chants, dans l’île aux enfants c’est tous les jours le printemps, c’est le pays joyeux des enfants heureux… »
Bien sûr, c’était l’indicatif d’une émission de télévision, un rendez-vous qui vous emmenait dans un pays imaginaire où il faisait bon vivre. Une île protégée par ses rivages, offrant un cadre rassurant où l’enfant pouvait rêver sans crainte.
C’était aussi une époque : les années 70-80. Un temps où l’école maternelle rêvait, elle aussi, au développement de la culture, de l’art, de l’imaginaire, tout autant qu’aux savoirs dits maintenant fondamentaux.
L’utopie n’existait qu’en pensant à la pérennité de cette dynamique. Sur les terrains, le rêve prenait corps.
C’était le temps des méthodes actives, de la reconnaissance de l’élève en tant que personne, de ses besoins tant physiologiques, affectifs, que culturels et spirituels.
C’était le temps où l’école maternelle servait de référence à l’école primaire et aux pays européens.
Et maintenant qu’en est-il de cette école maternelle ?
Promenade épistolaire sur des terrains d’histoires d’enfants, d’adultes, histoire aussi de l’école Maternelle sous influence politique, pédagogique, sociétale.
Qu’en est-il de cette éducation bien nommée institutionnellement ?
Qu’en est-il de la culture et des arts en cette école ?
Voici venu le temps des rires et des chants ?
C HER D ENIS
Quel bonheur que ta présence en ce jour de fête où je quittais ce terrain de l’école. De longues années se sont étirées et je te retrouve en père de famille. Cette joie que tu m’as offerte, j’ai voulu y répondre à ma façon, te dédier en forme de lettre cet écrit qui m’a pris tant d’années.
Tu avais cinq ans, ce jour était bon. Tu avais consciencieusement fait glisser le bas de ta culotte de pyjama à l’intérieur de tes hautes chaussettes puis tu t’étais appliqué à faire bouffer ce qui devenait un pantalon.
La chemise de ton père, col et poignets rentrés, enfilée en blouse large, resserrée à la taille par une ceinture en papier crépon, finissait de parfaire l’ensemble. Il te restait une toque à ficher sur ta tête, à sauter dans tes bottes en caoutchouc bleu, à te saisir du fusil en carton rigide, tu étais prêt à partir pour la chasse.
Vous étiez trois valeureux chasseurs, torse redressé, décidés à saisir coûte que coûte le loup qui rôdait près du jardin de Petit-Pierre .
La musique de Prokofiev scandait votre courage pendant que trois cors débusquaient de derrière l’estrade un grand loup aux gestes dégingandés qu’aucun des poils fournis du costume ne pouvait occulter la joie inscrite sur son visage.
Les timbales avaient beau claquer leurs coups de feu avec une énergie féroce, elles ne pouvaient effacer votre plaisir inscrit au rose de vos pommettes, celui-là même que vous, Petit-Pierre, le Loup, le Canard, l’Oiseau, le Chat, le sérieux basson-Grand-père et vous aussi les Chasseurs, drainez encore ma mémoire.
Vous étiez les artistes d’un jour, ceux d’un personnage endossé pour le jeu, vous étiez les artistes de chaque jour. Votre art était celui d’être.
Le jour était bon, lorsque, loin de tout objectif déterminé, nous nous coulions dans le plaisir des mots, empruntant avec bonheur les chemins de Prévert, Verlaine, Joyce, Tardieu, Paul Fort…

Le grand chemin de fer traversait nos journées. D’un wagon doré glissait une fourmi de dix-huit mètres avec un képi sur la tête. À tous les coups, elle oubliait de saluer le commandant bougon. Ça tombait bien, on aimait croiser la désobéissance des autres !
Le petit cheval blanc courageux trouvait ses compagnons de tempête : la biche, le chevalier, la chanson douce de la maman, le cortège des escargots à l’enterrement de la feuille morte et…
– Les enfants, regardez, le soleil est dans notre classe !
Le rayon fichait sa dague entre nos murs endeuillés par la barre des immeubles trop proches, alors, nous éteignions les lampes. Chacun suspendait sa tâche pour rêver ou tenter de saisir quelques paillettes fluctuant si légèrement dans la lumière. Le ciel, de par-dessus les toits, était venu nous saisir. Avec lui : la pomme, l’ananas, l’insecte, le poisson, l’oiseau et le sourire de monsieur Desnos .
Puis une énorme voix roulait, gonflait, hurlant après les fils refusant d’affronter la mer démontée. La pêche à la baleine soulevait des vagues de rire, l’oiseau-lyre pouvait aller et venir sans trop de peine, quarante-six regards lui laissaient librement le passage.
Et de Marc, t’en souviens-tu Denis, lorsqu’il nous faisait rire aux larmes en nous racontant le mariage de sa sœur ? Son visage mobile, sa gouaille, une certaine filiation spirituelle avec Fernand Raynaud sourdait là.
Et Martine qui revendiquait sa féminité en soulevant son tablier pour montrer son jupon recouvrant son pantalon. Il n’y avait pas d’erreur, elle était bien une fille puisqu’elle portait un jupon !
Bon était le jour lorsque nous arpentions les rues à la recherche des repères de notre quartier. Gare du Nord, Gare de l’Est, canal de l’Ourcq, ses passerelles l’enjambant et ses squares minuscules le bordant. Les commerçants et leurs étals, « bonjour Monsieur, bonjour Madame », habitations reconnues, la piscine qui osait recevoir nos ébats non déclarés alors à l’inspectrice…
Une fois rentrés dans nos murs, nous élaborions un immense plan où nous redessinions le trajet, où nous disposions l’emplacement de vos maisons, la gare, le canal, la piscine, les commerçants et leurs étals, Madame, Monsieur…
Et le trajet en métro pour gagner le Grand Rex ! Tant pis, trop de monde, nous envahissions les premières classes. Eh oui, Denis c’était le temps des premières et deuxièmes classes dans le métropolitain parisien.
Et la danse… branle-bas, nous poussions les lourds bureaux de chêne aux pieds de fonte contre les murs. Écarter l’espace qui nous verrait nous prendre la main, rouler au sol, sauter, tourner, s’élancer, ramper, glisser… Tant pis pour les salissures éventuelles, blouses et tabliers étaient là pour protéger les vêtements qui se changeaient de façon économe.
Et vous, les amoureux d’un printemps qui m’interrogiez sérieusement sur l’état du duvet de votre lèvre supérieure de vos six ans récemment acquis !
C’est vrai que pour être un homme il fallait une moustache. Et comment à cette époque, dans ce lieu-là, envisager d’aimer sérieusement sans se marier ? Nous jouions à l’accordéon avec les rangs que la directrice exigeait. Nous les rompions joyeusement à l’intérieur de l’espace classe devenu lieu de vie. Neuf années de découvertes joyeuses. La lumière était là, nous peignions les hauts murs sombres et lépreux.
Étions-nous heureux ?
M AIS AVANT CELA , CHER D ENIS …
« Quand on a mission d ’ éveiller, on commence par faire sa toilette dans la rivière. Le premier enchantement comme le premier saisissement sont pour soi. »
René Char
Mais avant cela, cher Denis, avant même de vous rencontrer, avant même de savoir que je serais là comme institutrice dans une classe maternelle, app

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