Dialogue avec moi-même : Un schizophrène témoigne
101 pages
Français

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Dialogue avec moi-même : Un schizophrène témoigne , livre ebook

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Description

« Lorsque je croupissais chez moi, torturé et anéanti par une maladie dont si peu soupçonnent l’horreur et l’étrangeté, je me disais : un jour, j’écrirai un livre sur ce que j’ai traversé, pour dire au monde l’atrocité de cette guerre de l’intime. Par un bonheur que je m’explique encore mal, ce moment est enfin venu. Nous nous connaissons si peu, moi et moi-même. Comme une barrière qui nous aurait toujours séparés. L’un et l’autre, le noir et le blanc, l’angoisse et la paix. Je suis heureux que cette série d’entretiens puisse enfin nous rapprocher. Et je ne vous cacherai rien. » P. T. Présenté et commenté par le professeur Philippe Jeammet, un témoignage exceptionnel, émouvant et étonnamment lucide. Polo Tonka est écrivain. Schizophrène depuis l’âge de 18 ans, il est aujourd’hui en phase de rémission. Philippe Jeammet est professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-Descartes. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 février 2013
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738177599
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , FÉVRIER  2013
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7759-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À mes très chers parents.
Sommaire
Couverture
Titre
Copyright
Dédicace
Préface - par le professeur Philippe Jeammet
Présentation - Vous avez dit fou ?
I - L’enfance
II - L’adolescence
III - Le lycée, période charnière
IV - Les premiers signes
V - La dépression - Première partie : la descente aux enfers
VI - Les trois épreuves - Sexualité, suicide, agressivité
VII - La dépression - Seconde partie : la longue marche
VIII - Rémission
IX - L’impasse
X - Schizophrénie
XI - Le bon traitement
XII - Et maintenant ?
Épilogue - Un brûlant espoir
Perspectives et commentaires - Le regard d’un clinicien par le professeur Philippe Jeammet
Irruption et engrenage de la maladie
La maladie était-elle prévisible ?
À quoi servent les symptômes ?
Qu’est-ce que le diagnostic en psychiatrie ?
Comment traiter ? Qu’est-ce que guérir ?
Comment naît le désir de guérir ?
Préface

par le professeur Philippe Jeammet

Quelles sont les possibilités d’activité réflexive, de dialogue, avec soi et avec les autres, quand on est débordé par ses émotions, c’est-à-dire par la perturbation de la chimie de nos neurotransmetteurs cérébraux, comme on peut l’être sous l’emprise des effets psychotropes de produits toxiques – alcool ou drogues diverses ?
Qui parle ? Qui agit dans ces conditions ? Où est passé le sujet humain, c’est-à-dire capable de contrôle, de discernement et de choix ? Être débordé par ses émotions ne veut pas dire que ce sujet ait totalement disparu, mais qu’il assiste impuissant à la prise de pouvoir par un inconnu. Est-ce ce « monstre » dont nous parle l’auteur de ce livre ? Ce « fou » comme il se qualifie lui-même ? Mais alors, si le fou peut disserter sur sa folie et avec tant de pertinence et de clairvoyance, comme notre auteur, c’est qu’il n’est pas si fou que cela.
C’est pour moi l’intérêt majeur de ce livre, qui constitue à mes yeux un des plus forts documents cliniques que j’aie pu lire. Il illustre ce fait, encore trop largement méconnu, parfois même parmi les psychiatres, que la schizophrénie, et plus largement la folie, n’est pas une essence, pas plus qu’une structure, mais plus prosaïquement une maladie. Une maladie biologique, c’est-à-dire somatique, mais très particulière, en ce qu’elle concerne l’expression des émotions et le traitement par le cerveau du sens de ces émotions. De ce fait, elle met à l’épreuve la relation du sujet avec lui-même et avec le monde qui l’entoure. Elle altère ce qui fait la spécificité de l’homme, ce qu’on appelle son psychisme, c’est-à-dire cette capacité réflexive qui conditionne la représentation qu’il a de lui-même et qu’il pense que les autres ont de lui.
Cependant, sauf cas extrême, ce n’est pas en tout ou rien. Une part de conscience réflexive demeure le plus souvent, tapie au fond de soi, qui sait bien que tout ceci n’est peut-être pas aussi vrai, que quelque chose déborde qui est soi et pas soi.
C’est ce dialogue que nous propose ici Polo Tonka, dialogue dramatique au sens profond du terme, puisqu’il met en scène un échange intense entre ce qu’il nomme avec justesse, moi et moi-même pour nous rapporter son parcours de vie : ses souffrances d’enfant, l’épreuve de l’adolescence, les premiers signes de la maladie, son évolution, les hésitations du diagnostic, leurs effets sur le traitement, les rechutes et la situation présente, avec ses espoirs et ses difficultés.
Il est exceptionnel de se trouver face à une histoire de vie aussi bien analysée et aussi criante de vérité. Elle témoigne de l’acuité du regard de son auteur sur lui-même, sur son entourage et sur les soignants, tantôt obscurci par l’orage émotionnel, tantôt distancé et non dépourvu d’humour. C’est un miroir pour l’entourage qui peut y trouver une occasion unique de s’interroger sur son attitude.
En fait, sont posées ici toutes les questions actuelles auxquelles sont confrontés le milieu psychiatrique, mais aussi la société et chacun d’entre nous sur le sens et la nature de la maladie mentale, la difficulté et les effets du diagnostic, la place laissée au sujet et sa capacité de libre arbitre. Les réponses ne sont pas simples, mais la qualité de ce témoignage, sa véracité, l’intelligence de son auteur, sa capacité réflexive retrouvée, comme sa sensibilité et ses émotions à fleur de peau, permettent à mon avis de les ébaucher.
Ce n’est pas le moindre intérêt de cette œuvre autobiographique. Polo Tonka nous entraîne de façon émouvante et clairvoyante dans le monde de la folie, non pas pour le romantiser, ce qui est trop souvent le cas, mais pour témoigner de ce qu’est la maladie : une contrainte appauvrissante par les limites qu’elle impose, d’autant plus triste et inacceptable qu’elle concerne toujours un sujet particulièrement riche par sa sensibilité et le plus souvent par son intelligence. Il nous montre que si on ne choisit pas sa maladie, on peut choisir de se donner les outils nécessaires pour ne plus en subir les contraintes. Mais, pour pouvoir choisir, il faut qu’un minimum de confiance en soi et dans les autres soit retrouvé.
Présentation

Vous avez dit fou ?

Lorsque, huit années auparavant, je croupissais chez moi, anéanti par une dépression d’une épaisseur ahurissante, torturé, malmené, ballotté entre larmes amères coulant chaque jour sur mes pauvres joues pâles et cette épée qui meurtrissait ma chair d’un si brûlant désespoir, je me disais : « Un jour j’écrirai un livre sur ce que j’ai traversé, pour dire au monde l’atrocité de cette guerre de l’intime, pour faire comprendre combien la douleur psychique peut être aussi intense qu’une torture physique comme si le nerf des émotions intérieures était trituré par un sadique invisible. »
Je me souviens, alors, de cette sensation que j’avais de vivre sous terre, dans un labyrinthe obscur de galeries excavées à la main, et de mes doigts ensanglantés par la marche à tâtons contre les rocs et la terre rugueuse qu’il me restait à creuser.
Et puis, par un heureux bonheur que je m’explique encore mal, alors que j’étais arrivé au point de rupture, celui qui affirme qu’on ne peut plus vivre dans cet enfer absolu, qu’on a atteint la dernière des limites de la douleur pourtant mille fois repoussée, soudain, la rémission ! Or, avec la joie retrouvée, cette ambition d’écrire et de décrire l’horreur s’est affadie. Je ne voulais plus que cette joie enfin abordable et, avant toute chose : oublier…
Mais la maladie a fini par reprendre ses droits. Et me voilà une nouvelle fois au pied du mur avec l’envie brûlante de témoigner.
J’ai pour cela décidé d’une rencontre singulière entre deux parties de mon être que je nomme moi et moi-même, afin de mieux enseigner cette division de l’être qu’est la schizophrénie et pour me permettre d’initier en moi, par ce travail salvateur, une réunion de mon âme tellement nécessaire.
En fait, nous nous connaissons peu. Comme une barrière qui nous aurait toujours séparés. L’un et l’autre, le noir et le blanc, l’angoisse ou la paix…
Je suis heureux que cette série d’entretiens puisse enfin nous rapprocher.
J’attends ainsi beaucoup de cette relation à naître, comme une réunification des profondeurs.
Et je ne vous cacherai rien.
*
Cela fait à présent une petite demi-heure que j’attends.
L’appartement, ou plutôt, le studio, est traversé par une lumière froide qui vient du dehors dans la baie vitrée. L’hôtel en face est vide et les stores sont tirés. Il est onze heures du matin et le café de huit heures est déjà loin. Mon estomac me tire, hésitant entre fringale et angoisse.
Cette fois-ci, je me suis douché. J’ai même fait du rangement. La moquette est toute propre et les meubles sont à leur place. J’ai fourré mes habits derrière le lit, entre ma table et mon traversin, et j’ai ramassé les ordures traînant autour de la poubelle avant de les descendre dans un grand sac au local-déchetterie.
C’est assez rare une telle propreté chez moi, mais je dois recevoir ce personnage que je connais si mal. Or mon bazar, c’est une partie intime de mon être. Je ne le réserve qu’aux grands amis et à ceux qui connaissent vraiment la nature et l’intensité de mes troubles.
Ça y est ! On sonne à la porte.
Aujourd’hui, ce sera juste un entretien informel afin de préciser le projet.
Mon estomac se serre davantage. Ce n’est pas la faim, mais l’obscure angoisse de rencontrer un inconnu. Je me lève et file vers le fond de l’appartement.
Pas de Judas.
Je tourne la clé dans la serrure et tout commence enfin.
Il me salue.
 
–  M OI  : Entrez, entrez. Laissez-moi prendre votre manteau. Vous pouvez vous asseoir sur le fauteuil près de la fenêtre. Là. Tout au bout.
–  M OI-MÊME  : C’est bien délicat de votre part. Avez-vous réfléchi à ce que vous voulez aborder aujourd’hui ? En ce qui me concerne, j’avoue que je suis interloqué par le titre que vous voulez donner à notre travail. L’histoire d’un fou, quand même ! Est-ce là ce secret que vous cachez en moi-même ?
– M OI  : Je suis prêt à écouter vos questions.
–  M OI-MÊME  : Dans ce cas, commençons. Voici ma première interrogation. Vous vous présentez comme fou. Pourtant vous ne hurlez pas en criant des propos sans queue ni tête, vous ne courez p

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