De près et de loin
227 pages
Français

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Description

Anthropologue célèbre, reconnu comme l'un des plus grands esprits de notre temps, Claude Lévi-Strauss est un homme discret, avare de confidences personnelles et dont les écrits autobiographiques sont rares. En acceptant de parler avec Didier Éribon de son itinéraire intellectuel, de ses voyages et de ses rencontres, de ses goûts et de ses aversions, il ne livre pas seulement au lecteur les clés pour accéder à son œuvre, mais donne un éclairage nouveau sur notre époque, ce XXe siècle qui est celui de toutes les découvertes et de toutes les catastrophes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 1988
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738162489
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

OUVRAGES DE CLAUDE LÉVI-STRAUSS
LA VIE FAMILIALE ET SOCIALE DES INDIENS NAMBIKWARA (Paris, Société des Américanistes, 1948).
LES STRUCTURES ÉLÉMENTAIRES DE LA PARENTÉ (Paris, Presses Universitaires de France, 1949. Nouvelle édition revue et corrigée, La Haye-Paris, Mouton et C ie , 1967).
RACE ET HISTOIRE (Paris, Unesco, 1952).
TRISTES TROPIQUES (Paris, Librairie Plon, 1955. Nouvelle édition revue et corrigée, 1973).
ANTHROPOLOGIE STRUCTURALE (Paris, Librairie Plon, 1958).
LE TOTÉMISME AUJOURD’HUI (Paris, Presses Universitaires de France, 1962).
LA PENSÉE SAUVAGE (Paris, Librairie Plon, 1962).
MYTHOLOGIQUES * LE CRU ET LE CUIT (Paris, Librairie Plon, 1964).
MYTHOLOGIQUES ** DU MIEL AUX CENDRES (Paris, Librairie Plon, 1967).
MYTHOLOGIQUES *** L’ORIGINE DES MANIÈRES DE TABLE (Paris, Librairie Plon, 1968).
MYTHOLOGIQUES **** L’HOMME NU (Paris, Librairie Pion, 1971).
ANTHROPOLOGIE STRUCTURALE DEUX (Paris, Librairie Plon, 1973).
LA VOIE DES MASQUES (Genève, Éditions d’Art Albert Skira, 2 vol., 1975. Édition revue, augmentée et allongée de trois excursions. Paris, Librairie Plon, 1979).
LE REGARD ÉLOIGNÉ (Paris, Librairie Plon, 1983).
PAROLES DONNÉES (Paris, Librairie Plon, 1984).
LA POTIÈRE JALOUSE (Paris, Librairie Plon, 1985).
En collaboration :
Georges Charbonnier, ENTRETIENS AVEC CLAUDE LÉVI-STRAUSS (Paris, Plon-Julliard, 1961).
DISCOURS DE RÉCEPTION D’ALAIN PEYREFITTE A L’ACADÉMIE FRANÇAISE ET RÉPONSE DE CLAUDE LÉVI-STRAUSS (Paris, Gallimard, 1977).
DISCOURS DE RÉCEPTION DE GEORGES DUMÉZIL A L’ACADÉMIE FRANÇAISE ET RÉPONSE DE CLAUDE LÉVI-STRAUSS (Paris, Gallimard, 1979).
© O DILE J ACOB , AOÛT  1988
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6248-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Prologue

D.E.  : Avez-vous toujours tenu des journaux, des carnets, des « feuilles de route » comme celles qu’on trouve citées dans Tristes Tropiques 1  ?
C.L.-S.  : En expédition, bien sûr, je prenais beaucoup de notes. Il y a dans Tristes Tropiques quelques passages qui sont très exactement recopiés.
D.E.  : Mais vous n’avez pas tenu un journal au sens où Malinowski l’avait fait avec son Diary in the strict sense of the term 2  ?
C.L.-S.  : Je n’attachais pas tant d’importance à mes états d’âme !
D.E.  : Je vous posais cette question parce que vous affirmez dans Tristes Tropiques que vous n’avez aucune mémoire…
C.L.-S.  : J’ai une mémoire ravageuse, autodestructrice. Je supprime au fur et à mesure les éléments de ma vie personnelle et professionnelle. Et je n’arrive pas ensuite à reconstituer les faits.
D.E.  : Et pour remédier à ce défaut, si toutefois vous considérez cela comme un défaut…
C.L.-S.  : … En tout cas, c’est très gênant dans l’existence.
D.E.  : … Vous n’avez jamais été tenté de noter quotidiennement vos faits et gestes ?
C.L.-S.  : Jamais. Peut-être par une sorte de défiance instinctive envers ce que je fais et ce que je suis.
D.E.  : Une défiance ?
C.L.-S.  : J’ai dit dans Tristes Tropiques que j’ai l’intelligence néolithique : je ne suis pas quelqu’un qui capitalise, qui fait fructifier son acquis ; plutôt, qui se déplace sur une frontière toujours mouvante. Seul compte le travail du moment. Et très rapidement, il s’abolit. Je n’ai pas le goût et ne ressens pas le besoin d’en conserver la trace.
D.E.  : C’est presque paradoxal de vous entendre dire que seuls le moment et l’événement comptent pour vous.
C.L.-S.  : Subjectivement, oui, c’est cela qui compte. Mais je m’en tire dans le travail en accumulant les fiches : un peu sur tout, des idées saisies au vol, des résumés de lectures, des références d’ouvrages, des citations… Et quand je veux entreprendre quelque chose, j’extrais de mes casiers un paquet de fiches et je les redistribue à la façon d’une réussite. Ce genre de jeu où le hasard joue son rôle m’aide à reconstruire une mémoire défaillante.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Nous remercions M lle  Éva Kempinski qui, outre la frappe du manuscrit, a beaucoup contribué à mettre de l’ordre dans la transcription surchargée de ratures, d’ajouts et de repentirs que nous lui avons livrée.
PREMIÈRE PARTIE
Lorsque revient Don Quichotte
CHAPITRE 1
D’Offenbach à Marx

D.E.  : Vous êtes né à Bruxelles, en 1908.
C.L.-S.  : Par hasard. Mon père était peintre. Portraitiste surtout. Il avait, de jeunesse, des amitiés en Belgique qui lui ont procuré quelques commandes, et il est allé s’installer avec sa jeune femme à Bruxelles. Je suis né pendant ce séjour. Mes parents sont rentrés à Paris quand j’avais deux mois.
D.E.  : Ils habitaient Paris ?
C.L.-S.  : Mon père était parisien. Ma mère, née à Verdun, avait été élevée à Bayonne.
D.E.  : Donc vous avez passé votre enfance à Paris. Dans le XVI e arrondissement, je crois.
C.L.-S.  : Dans un immeuble qui existe toujours, 26 rue Poussin, près de la porte d’Auteuil. Quand j’y passe, je revois le balcon de l’appartement, au 5 e  étage, où j’ai vécu mes vingt premières années.
D.E.  : Et aujourd’hui, vous habitez également dans le XVI e . C’est un quartier que vous aimez ?
C.L.-S.  : C’est un quartier que j’ai aimé dans mon enfance parce qu’il avait gardé beaucoup de pittoresque. Je me souviens qu’au pied de la rue Poussin, à l’angle de la rue La Fontaine, on voyait encore une sorte de ferme. La rue Raynouard était à moitié campagnarde. En même temps, il y avait des ateliers d’artistes, des petits antiquaires… Maintenant, c’est un quartier qui m’ennuie.
D.E.  : Votre famille était très portée sur les arts ?
C.L.-S.  : Il y avait tout un atavisme ! Mon arrière-grand-père, père de la mère de mon père, s’appelait Isaac Strauss. Né en 1806 à Strasbourg, il monta, comme on dit, très jeune à Paris. Il était violoniste et avait créé un petit orchestre. Il a joué un rôle pour faire connaître la musique de Beethoven, de Mendelssohn et de quelques autres. A Paris, il a collaboré avec Berlioz qui parle de lui dans ses Mémoires ; et aussi avec Offenbach pour lequel il écrivit certains de ses fameux quadrilles. On savait Offenbach par cœur dans ma famille ; il a bercé toute mon enfance.
   Strauss devint chef d’orchestre des bals de la cour à la fin du règne de Louis-Philippe. Puis sous Napoléon III, organisateur du Casino de Vichy, qu’il dirigea longtemps. Par la suite, il a succédé à Musard à la tête des bals de l’Opéra. C’était en même temps une sorte de Cousin Pons, passionné d’antiquités dont il faisait le commerce.
D.E.  : Votre famille en a-t-elle conservé quelques-unes ?
C.L.-S.  : Il avait une importante collection d’antiquités judaïques qui se trouve actuellement au musée de Cluny. Divers objets, qui ont passé entre ses mains, furent acquis par des mécènes qui les donnèrent au Louvre. Ce qui subsistait a été vendu à sa mort ou partagé entre ses filles. Le reste fut pillé par les Allemands pendant l’occupation. Je conserve quelques débris ; ainsi le bracelet que Napoléon III offrit à mon arrière-grand-mère pour la remercier de l’hospitalité de la Villa Strauss à Vichy. Cette Villa Strauss, où séjourna l’empereur, existe toujours. Elle est devenue un bar ou un restaurant, je ne sais plus, mais elle a gardé son nom.
D.E.  : La mémoire de ce passé-là se transmettait-elle dans la tradition familiale ?
C.L.-S.  : Certes, car ce fut la période glorieuse de la famille : elle était près du trône ! Mon arrière-grand-père fréquentait chez la princesse Mathilde. Ma famille paternelle vivait dans le souvenir du second Empire. Il restait proche, d’ailleurs : enfant, j’ai encore vu – de mes yeux vu – l’impératrice Eugénie.
D.E.  : Vous m’avez dit que votre père, lui, était peintre.
C.L.-S.  : Oui, et deux de mes oncles aussi. D’abord prospère, mon grand-père paternel mourut ruiné. De sorte qu’un de ses fils – il y avait quatre garçons et une fille – dut travailler très jeune pour aider les siens.
   On mit mon père à l’École des hautes études commerciales. Au début de sa vie active, il a commencé à travailler à la Bourse dans des emplois modestes. Il y a connu Kahnweiler, et ils sont devenus amis. Dès qu’il a pu, il s’est orienté vers la peinture pour laquelle il se passionnait depuis l’enfance.
   D’autre part, il se trouve que mon père et ma mère étaient cousins issus de germains. A Bayonne, la sœur aînée de ma mère épousa un peintre qui eut son heure de célébrité, Henry Caro-Delvaille ; une autre sœur a épousé aussi un peintre, Gabriel Roby, qui était basque. Pour celui-ci, de santé fragile et qui mourut jeune, la vie fut encore plus difficile que pour mon père.
   Est-ce en raison des liens de famille, ou à cause des rapports entre peintres, que mes parents se connurent ? Je ne sais plus. Toujours est-il que ma mère, avant son mariage, vivait à Paris, en partie chez les Caro-Delvaille. Pour devenir secrétaire elle apprenait la sténo-dactylographie.
D.E.  : Votre père n’a pas gagné beaucoup d’argent dans son métier de peintre.
C.L.-S.  : De moins en moins, à mesure que les goûts du public changeaient.
D.E.  : Votre enfance n’a donc pas été celle d’un fils de la bourgeoisie parisienne ?
C.L.-S.  : Elle l’a été par la culture, la vie dans un milieu d’artistes ; elle fut intellectuellement très riche. Mais on se débattait dans les difficultés matérielles.
D.E.  : En avez-vous des souvenir

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