La lecture à portée de main
246
pages
Français
Ebooks
2022
Écrit par
Elena Pasquinelli
Publié par
Odile Jacob
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2022
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Publié par
Date de parution
19 octobre 2022
Nombre de lectures
2
EAN13
9782415002473
Langue
Français
Publié par
Date de parution
19 octobre 2022
Nombre de lectures
2
EAN13
9782415002473
Langue
Français
Titre original : Irresistibili Schermi
© 2012 by Mondadori Education S.p.A., Milano, Italy Tutti i diritti riservati – All rights reserved www.mondadorieducation.it
Pour l’édition française : © O DILE J ACOB , OCTOBRE 2022 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-4150-0247-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
INTRODUCTION
Dépendants, violents, mutants ?
La diffusion des jeux vidéo, des ordinateurs, des tablettes, des téléphones, d’Internet et des réseaux sociaux dans la société se double de sentiments aussi forts qu’opposés. D’une part, un sentiment de panique lié au risque que les écrans nous rendent dépendants ou violents et, d’autre part, un sentiment d’enthousiasme lié aux merveilleuses vertus des écrans lorsqu’ils sont utilisés pour muscler le cerveau ou pour apprendre sans s’en rendre compte, ou du moins en s’amusant.
Le potentiel impact des nouvelles technologies concerne une portion importante de la population, bien qu’elle n’en touche pas encore la totalité. Plus de la moitié de la population mondiale utilise en effet Internet – pour rechercher des informations, faire du shopping, jouer en ligne, communiquer et accéder aux réseaux sociaux du moment –, et presque tous les utilisateurs d’Internet recourent au moins une fois à un équipement mobile pour leurs activités en ligne. Du reste, les deux tiers des personnes qui habitent sur notre planète possèdent un téléphone portable, et un tiers joue de temps en temps à des jeux vidéo. En 2020, année marquée par la pandémie de Covid-19, les chiffres relatifs à l’utilisation des nouvelles technologies ont connu une augmentation significative par rapport à la tendance – déjà à la hausse – des années précédentes 1 .
En raison de l’impact « mondial » de ces nouvelles technologies et de la grande variété des usages (et potentiellement des abus) qui en sont faits, il nous faut répondre à de nombreuses questions concernant notre relation à ces technologies. Les réponses devront se fonder sur des recherches empiriques, en mesure de prouver, ou non, l’existence de phénomènes tels que la dépendance aux technologies, le lien de causalité entre violence de ces médias et violence réelle, l’éventuelle nocivité ou efficacité de certaines pratiques sur nos capacités mentales.
Si nous nous en tenons là, la réflexion sur les jeux vidéo, Internet et les écrans risque toutefois de revêtir un caractère manichéen (« ça fait du bien » versus « ça fait du mal ») dont il semble difficile, bien que fortement souhaitable, de sortir afin de tirer profit de médias qui seront, sans aucun doute, amenés à changer, mais pas à disparaître de nos vies. Il s’agit alors de s’interroger sur les raisons qui rendent les écrans irrésistibles et de prendre conscience de celles qui conduisent parfois à des formes d’usage que nous préférerions éviter. De façon plus générale, il est nécessaire de mieux comprendre la relation qui existe entre notre façon d’utiliser les écrans et notre cerveau.
Dans cette perspective, nous serons davantage en mesure de désamorcer, d’enrayer, voire de prévenir les effets les moins désirables, afin de favoriser les plus intéressants.
Dans le même temps, l’observation de nos réactions face aux jeux vidéo, nos usages d’Internet, ou notre façon de céder (ou de résister) aux tentations des téléphones et des réseaux sociaux, à l’appel de la télévision et éventuellement à celui du cinéma (toute une famille très variée de médias, de contenus et de pratiques que nous regrouperons sous le mot « écrans ») permet d’ouvrir une fenêtre sur notre cerveau, et de prendre ainsi conscience de ses préférences, de ses besoins et de ses intérêts.
Dans notre cerveau est inscrit notre goût pour les sucres, les protéines et les lipides. Pour nos ancêtres, il était d’une importance vitale de savoir reconnaître les sources de ces trois substances et de savoir se les procurer sous forme de nourriture, souvent au prix de grands efforts. Aujourd’hui, le supermarché de notre quartier nous en propose de pleins rayons, nous n’avons plus qu’à nous servir. Le monde a changé, mais, si nous partons du principe que notre cerveau est, sous bien des aspects, resté le même que celui de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, nous comprenons mieux pourquoi nous éprouvons souvent une telle attirance pour les sucreries.
Dans cet ouvrage, nous nous interrogerons à propos des préférences de notre cerveau que vient révéler notre usage des écrans. Pour ce faire, nous supposerons que les comportements que nous observons au quotidien sont – du moins en partie – le fruit d’anciennes prédispositions, capacités et intérêts que nous avons acquis au fil d’un lent processus de sélection. L’évolution, dont la sélection naturelle constitue un mécanisme fondamental, n’a pas en réalité seulement concerné les traits directement visibles de notre corps, elle a aussi agi sur notre cerveau. Elle a structuré les fonctions de notre esprit qui nous permettent aujourd’hui de percevoir, d’agir, de penser, de raisonner, de communiquer, de parler et de nous émouvoir… Ces fonctions portent donc en elles les traces de notre passé, et ces dernières se manifestent lorsque nous devons affronter des défis inédits, tels que ceux représentés par le large éventail des technologies numériques et leurs multiples usages.
Bien que notre passé joue un rôle important dans notre façon d’interagir avec les nouvelles technologies, l’omniprésence des écrans produit sans aucun doute des effets majeurs sur notre culture et notre société. Mais dans quelle mesure notre cerveau est-il en train de changer ?
Est-ce que les écrans ont le pouvoir de nous transformer au point de nous rendre dépendants ? plus violents, moins sociables ? plus stupides ? ou au contraire, plus intelligents ?
Certains préjugés sont à l’origine de nos craintes à propos des effets des écrans. Le premier de ces préjugés consiste à voir notre cerveau comme une masse malléable à l’infini que l’expérience viendrait modifier à sa guise. Le mythe de la plasticité infinie du cerveau se marie parfaitement à cette image de « natifs du numérique » (la génération née après les années 1990) qui constitueraient une nouvelle espèce, dotée d’un cerveau différent de celui de leurs parents ou de leurs enseignants.
Le second préjugé consiste à penser le cerveau comme un muscle extensible à l’infini. Cette métaphore se retrouve dans l’idée qu’il est possible de soumettre le cerveau à un entraînement mais aussi que les écrans rendent idiots. Les jeux vidéo et Internet constitueraient alors une sorte de salle de sport qui maintiendrait notre cerveau en forme ou qui, au contraire, atrophierait ses capacités les moins sollicitées.
Ces préjugés se révèlent tous deux erronés, du moins dans le cas où les idées de plasticité et d’entraînement font l’objet d’une interprétation trop littérale. Au cours de notre vie, notre cerveau est, en effet, capable de modifier, du moins en partie, sa propre structure fonctionnelle, voire anatomique. Seule la pratique délibérée d’une capacité particulière permet son amélioration. Toutefois, même dans le cas de changements produits par de nouveaux apprentissages et par l’acquisition de pratiques ou de connaissances expertes, les mécanismes impliqués dans les fonctions cognitives demeurent ceux que l’évolution a sélectionnés afin de nous rendre plus flexibles et donc capables d’apprendre par le biais de l’expérience.
Le troisième préjugé consiste à croire que la génération née dans un monde dominé et facilité par les technologies numériques dispose spontanément de la compétence et de la capacité à utiliser ces mêmes technologies. Ou que la simple présence des écrans entraîne un changement d’habitudes et de pratiques, et qu’en nous immergeant dans un bain technologique nous devenons instantanément compétents en la matière.
La facilité d’utilisation des interfaces tactiles nous laisse penser que nous pouvons sans effort mettre les nouvelles technologies au service de nos besoins ; et le fait de baigner dans la technologie est considéré comme une forme d’apprentissage par imprégnation. En réalité, tout apprentissage requiert un effort délibéré et structuré : les nouvelles technologies n’ont pas le pouvoir de transformer par magie (ou par science-fiction) cette aptitude particulière ou toute autre de nos aptitudes.
Tout changement exige un effort.
Pour nourrir notre discussion, nous exploiterons les résultats scientifiques disponibles concernant l’impact des écrans sur notre fonctionnement cognitif ainsi que la recherche fondamentale décrivant le fonctionnement de la cognition et du cerveau. Nous nous y emploierons avec prudence, car ces deux champs de recherche sont relativement récents, et les connaissances qu’ils produisent sont périodiquement mises à jour et enrichies.
L’une des pires erreurs lorsqu’on souhaite s’appuyer sur la recherche scientifique pour orienter et fonder nos décisions réside dans ce que l’on appelle le cherry picking. Cela consiste à choisir soigneusement – comme lorsqu’on choisit un fruit – l’article ou le résultat d’une recherche qui étayera notre thèse et à ignorer, en revanche, ceux qui iraient à son encontre. Le cherry picking a pour résultat de renforcer la fausse impression de consensus au sein de la communauté scientifique et donc d’orienter, outre l