Bon appétit ! : Courts récits en menus morceaux
57 pages
Français

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Description

Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger. Pourtant, nous passons bien du temps à table, nos cuisines sont devenues « le cœur de la maison », le choix d’un restaurant fait tout le sel d’une bonne soirée. S’en passe-t-il, des choses, tristes ou gaies, autour d’une table ! Il suffit de regarder…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 mars 2022
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312119779
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bon appétit !
Fabienne Giard
Bon appétit !
Courts récits en menus morceaux
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-11977-9
À table !
« Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger. » Certes, Molière et les philosophes grecs avaient raison. Mais quand on y regarde de près, c’est fou quand même le nombre d’heures qu’on passe à table durant nos misérables petites vies. Et le nombre d’heures qu’on passe, précédemment, à préparer à la cuisine ce qu’on va manger à table pour vivre. Et le nombre d’heures qu’on passe, encore précédemment, à faire les courses avant de préparer à la cuisine ce qu’on va manger à table pour vivre. Posées bout à bout, toutes ces heures, mine de rien, nous mèneraient bientôt à vivre pour manger.
« La bonne cuisine est la base du véritable bonheur. » Certes, mais un « certes » moins affirmé que le précédent, pour ce qui me concerne. La mauvaise cuisine, c’est vrai, nous éloigne du bonheur quelques instants – et la bonne cuisine est meilleure, certes, certes. Mais Auguste Escoffier oublie, dans son aphorisme, une idée qui me paraît essentielle au véritable bonheur : le partage. Sans une joyeuse tablée réunie autour du savoureux frichti préparé avec gourmandise par le meilleur des cordons bleus, la bonne cuisine perd tout son sel. Le frichti perd sa raison d’être. La gourmandise se fait la malle avec le véritable bonheur.
« La maman des poissons, elle est bien gentille. » J’aime beaucoup cette chanson du gentil Bobby Lapointe, qui constate que la maman des poissons ne gronde jamais ses fistons, même quand ils font pipi au lit, elle ne fronce jamais les sourcils. « Ses enfants l’aiment bien, elle est bien gentille ; et moi je l’aime bien avec du citron. » Et bing, il met le doigt sur une des bizarreries de notre époque qui désormais nous interdit de « faire du mal » à la nature. Car la nature, elle, nous « fait du bien », elle aussi est bien gentille. Si on y réfléchit un peu, autrefois l’humanité était maître de son environnement et en tirait profit : elle se régalait de bons rôtis aux girolles, de coquilles saint-jacques à la crème, de poireaux-vinaigrette, de clafoutis aux cerises ; aujourd’hui, on nous invite à embrasser les arbres, à laisser vivre les agneaux, les huîtres et les artichauts – mais sous couvert de le protéger, l’humanité se place toujours en maître de son environnement.
« L’appétit vient en mangeant. » Rabelais ajoutait : et la soif part en buvant. J’invite donc qui voudra à se munir d’un verre de son meilleur vin (ou d’une carafe d’eau), et à picorer les pages qui suivent selon l’humeur du jour. Tapas, tacos, zakouskis, canapés, sandwiches, je pense en avoir mis pour tous les goûts.
Le hérisson
J’aime les grandes tablées familiales, celles qui rassemblent frères, sœurs, cousins, cousines, neveux, nièces, toutes ces brindilles réunies autour de qui va faire office de tronc d’arbre : Papé, ou Mamie, ou les deux. Ou leur souvenir.
J’aime les banquets, pour lesquels on sort la vaisselle des grands jours, les verres alambiqués, les fourchettes à poisson, les cuillères à moka, les assiettes dorées et les grandes nappes blanches.
J’aime aussi les repas des enfants, qu’on fait déjeuner avant les grandes personnes pour avoir la paix. On leur sert leurs plats préférés, steak haché, coquillettes à la sauce tomate, c’est fête aussi pour eux, et ya de la glace au dessert.
J’aime bien les enfants sauf quand ils chouinent. Et curieusement, lorsque vous placez une dizaine d’enfants autour d’une table, il s’en trouve toujours un qui s’estime contrarié, lésé, mal assis ou moins bien servi, et qui commence à larmoyer.
Donc, ça n’a pas manqué. Jour de banquet, ces dames s’affairent dans tous les sens, ces messieurs ouvrent les bouteilles, commencent à grignoter les cacahuètes, se font chasser ne-reste-pas-dans-mes-pattes. Les enfants sont à table, et l’un d’eux fond en larmes. Un gros chagrin, aussi inconsolable que subit, aussi inexplicable qu’incompréhensible. Vite, dégainer une parade ! Je saute sur la première idée qui me vient, et je demande à la tablée : qui veut entendre l’histoire d’Henri le hérisson ?
Cet animal était une charmante petite bête qui avait trouvé refuge dans nos plates-bandes mal peignées, dont j’avais découvert le museau par hasard au cours de mon jardinage matinal mais qui s’était enfui à ma vue – notre rencontre n’avait pas duré trente secondes. N’empêche, j’espérais captiver l’attention du bambin pleureur avec une belle histoire vraie : un animal sauvage a choisi notre jardin pour y faire sa maison.
Miracle ! Tous les muchachos se tournent vers moi, les yeux grands de curiosité, les oreilles prêtes à faire la connaissance de la bestiole « qui a le même prénom que tonton ». Le petit chouineur s’est arrêté sec, les joues couvertes de larmes et la bouche ouverte – ce qui permet à sa mère de le nourrir malgré ses réticences. Henri le hérisson captive la meute, efface toute trace de chagrin sur son passage, ramène le calme jusqu’au dessert.
Les plus petits le chercheront ensuite dans le jardin, pendant le déjeuner des grandes personnes, s’égosillant joyeusement : « Henri, où t’es ? »
Fantômes
L’article est paru dans « Le Monde », le 31 mai 2001. Comme j’ai participé au même voyage de presse, je peux y mettre mon grain de sel. Et détordre les faits pour les remettre dans leur vérité.
« Un claquement sec et orageux refroidit brusquement l’atmo-sphère du salon très cosy de Palé Hall , un manoir fort apprécié, dit-on, par la reine Victoria , qui y séjourna en 1889. Les livres reliés se blottissent dans la bibliothèque en bois chaud tandis que fauteuils et sofas s’enfoncent discrètement dans la douceur du tapis persan. »
Il s’agit d’un hôtel de luxe, un palace, situé au Pays de Galle. Nous avons débarqué en fin de journée dans ce lieu extraordinaire, planté comme un arbre centenaire dans un grand parc désert. Nous allons y dîner avant d’y passer la nuit.
« Dans un silence glacial, le gong sourd de la pendule victorienne sonne onze heures et demie du soir. »
Mince, l’auteur de l’article a sauté tout le dîner. Pourtant, quel moment mémorable ! Personnellement, j’ai noté dans mes petits carnets : « Pendant le repas nous avons parlé de fantômes, de phénomènes paranormaux, d’hypnose, etc. Dehors un orage a soudain éclaté… et les lumières se sont éteintes ! Super. J’étais comme dans un film. » Donc, pas de silence glacial. Nous avons même beaucoup ri. D’ailleurs, quelques instants avant notre arrivée dans cet endroit hors du temps, notre guide-attachée-de-presse avait eu l’intention de nous faire visiter une « vraie maison hantée », mais elle a dû renoncer faute de temps.
L’article raconte la suite de la soirée, « comme dans un film », pas à un cliché près.
« Deuxième claquement, plus fort encore. Les tableaux des ancêtres de Henry Robertson (un gentleman écossais qui occupa les lieux jusqu’à sa mort, en 1888) s’agitent dangereusement. Minuit rôde. Les serveurs perdent un court instant leur flegme légendaire : les verres de whisky tremblent sur les plateaux en argent. On ne plaisante pas avec les fantômes dans cette région… »
En réalité, lorsque nous avons pris l’apéritif au salon, installés devant une grande cheminée à feu de bois, les serveurs ont noté notre commande du dîner puis sont revenus une demi-heure plus tard pour nous annoncer : « Votre table est prête. » En anglais. Ce qui nous a fait comprendre immédiatement – leur accent aidant – que ces serveurs étaient français ! Pour le flegme british, c’est raté. Je vous passe quelques détails historico-géographico-touristiques, et l’article se termine :
« L’orage redouble et la lumière s’éteint. Pour un peu, on se prendrait pour Tintin dans “Les Sept Boules de cristal”. Un éclair aveuglant éblouit les convives. La plaisanterie a assez duré et les serveurs tirent prestement les rideaux tandis que la pluie fait des claquettes sur les feuilles du jardin à l’anglaise. »
J’avoue que je n’ai pas noté le bruit de la pluie sur les feuilles, mais plutôt le menu que j’ai avalé ce soir-là : avocat-crevettes, sole (bien trop cuite, dommage), crème glacée au chocolat.
Notre journaliste poète, le lendemain matin, au petit-déjeuner, s’est plongé dans la presse du jour. En l’occurrence, les pages du « Sun », journal anglais célèbre pour ses photos de nénettes à poil. Un autre, mal luné, devait commenter cette délicieuse soirée en la traitant de « glauque ». Vraiment, faites plaisir aux touristes. Le fantôme de Palé Hall a dû se retourner dans sa tombe.
Entre filles
Je suis allée au restaurant. Ça m’arrive souvent, mais je vous ouvre ma page « J’observe mes voisins au restaurant », une de mes occupations favorites. J’ai été bien servie. À ma gauche : trois copines quinquagénaires qui se retrouvent pour déjeuner ensemble ; à ma droite : un couple d’homosexuelles qui s’offre un petit plaisir gourmand. À quoi reconnaît-on que le couple n’est pas juste deux grandes amies ? Regardez.
Les trois copines ont le plaisir expressif : elles se proposent la banquette, ou la chaise, non la banquette, quand elles arrivent ; elles se complimentent, « j’adore ta nouvelle coiffure », « c’est nouveau, cet ensemble ? ça te va très bien ». Elles plongent le nez toutes les trois de concert dans la carte, échangent des suggestions, relèvent le nez toutes les trois quand le maître d’hôtel arrive et leur annonce que le chef, aujourd’hui, a préparé une bouillabaisse, « la seule vraie bouillabaisse, même à Marseille ils ne savent plus la faire comme ça », et les trois copines commandent la bouillabaisse à l’unanimité, formulent deux ou trois commentaires vécus sur des bouillabaisses antérieures à elles servies et par elles avalées, et enfin en arrivent à un sujet de conversation qui va les tenir un bon moment : une quatrième copine, qui s’en prend plein la réputation.
Rien de cette délicieuse excitation chez le couple d’homo-sexuelles : elles ne se sont pas dit trois m

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