Aimer ses enfants ici et ailleurs : Histoires transculturelles
94 pages
Français

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Description

Partout, on dit aimer les enfants. Pourtant, on les aime bien différemment si on en juge par les mille et une manières de les élever, de les éduquer, de les protéger ou de leur apprendre l’usage du monde. En multipliant les points de vue, en croisant les regards, qu’apprend-on sur le métier de parent, la façon de le concevoir, la manière de l’exercer ? Qu’est-ce qui change d’un pays à l’autre ? Qu’est-ce qui ne varie pas d’une culture à l’autre ? Et cet amour dont on se targue partout suffit-il ?Bref, de quoi les enfants, tous les enfants, ont-ils vraiment besoin pour bien grandir ?Psychiatre pour enfants et adolescents, psychanalyste, professeur à l’université Paris-XIII, Marie Rose Moro est chef du service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Avicenne de Bobigny (AP-HP). Elle est consultante depuis plus de quinze ans.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 février 2007
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738191953
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection « Comment l’esprit vient aux enfants » dirigée par Bertrand Cramer et Bernard Golse
Bernard Cramer, Christiane Robert-Tissot, Sandra Rusconi Serpa, Du bébé au préadolescent. Une étude longitudinale, 2002.
Serge Lebovici, Le bébé, le Psychanalyste et la Métaphore, 2002.
Laurence Vaivre-Douret, La Qualité de vie du nouveau-né. Corps et dynamique développementale, 2003.
Blaise Pierrehumbert, Le Premier Lien. Théorie de l’attachement, 2003.
Pierre Ansermet et Philippe Magistretti, À chacun son cerveau. Plasticité neuronale et inconscient, 2004.
Claire Brisset et Bernard Golse (dir.), L’École à 2 ans : est-ce bon pour l’enfant ? , 2006.
© O DILE J ACOB, FEVRIER  2007
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-9195-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À Ramona de Arriba Perancho, ma mère, con cariño . À Lola, ma fille, écrivaine en herbe , con cariño .
Avant-propos
On dit aimer les enfants partout…

« Seulement, pour contourner l’oubli, j’ai choisi d’emprunter le pont de l’écriture plutôt que la passerelle de l’oralité. Et cela, mes ancêtres sauront me le pardonner. »
Z AARIA ,
La Nuit est tombée sur Dakar .

« Immobiles, changer un petit peu de place. »
S UPERVIELLE .

On n’aime pas les enfants, on n’aime pas tous les enfants, même si, partout, on dit les aimer. On n’aime que certains enfants, les nôtres et ceux qui leur ressemblent ; les autres, ceux d’ailleurs, ceux qui sont différents, singuliers, vulnérables, au mieux, on voudrait qu’ils soient comme nos enfants ou comme l’idéal qu’on s’en fait.
Cette observation s’est imposée à moi, au détour de mes voyages et de mes rencontres, ici et ailleurs, mais aussi dans le travail quotidien avec les enfants et leurs parents. J’ai longtemps été passionnée, et je le suis plus que jamais, par les enfants de migrants, les enfants d’ici venus d’ailleurs, ces enfants sont des précurseurs, ils préfigurent le statut des enfants de demain. J’ai appris avec eux, avec leurs parents et les mondes qu’ils transportent, des leçons précieuses sur la multiplicité, sur la difficulté et la créativité de leurs différences, de leur modernité aussi. Sans même que j’en sois toujours consciente, ces enfants m’ont amenée à aller voir comment naissent et grandissent les enfants, ailleurs. Par ce double voyage, d’abord ici avec les enfants de migrants et ensuite par mes voyages de par le monde, j’ai appris à poser un regard éloigné, décentré, modifié sur les enfants d’ici et sur ceux qui les portent.
Ce détour par l’ailleurs a profondément transformé mon regard ; je peux même murmurer, car c’est immodeste, qu’il l’a rafraîchi au sens qu’il a rendu conscients des éléments implicites. Je partais là-bas avec les questions d’ici et je revenais ici avec les questions de là-bas. Une sorte de voyage à la Don Quichotte, où il faut se battre davantage avec des ombres et des projections qu’avec des faits, mais un voyage initiatique sans nul doute. J’ai donc regardé et écouté les enfants, leurs parents, ceux qui les font grandir, ceux qui les éduquent, ceux qui les soignent, ceux qui les jugent… Ici, ailleurs, entre les deux, c’est-à-dire aussi sur le chemin, les enfants de voyageurs.
Ce livre est le fruit de ce chemin, du regard posé sur les enfants d’ici et d’ailleurs, sur leurs parents, sur les difficultés et les malentendus qui naissent de nos demandes souvent implicites à leur endroit. Comment voit-on ces enfants devenus, ici, rares et précieux ? Comment les pense-t-on ? Que demande-t-on au psychologue ou au psychiatre d’enfant et d’adolescent quand on vient le consulter ? Et pourquoi les réponses proposées déçoivent-elles très souvent les parents ou ne sont-elles pas toujours efficaces ? Pourquoi, aussi, est-il si difficile de penser l’enfant comme singulier, comme enfantin ? Et que faire pour tous ceux qui sont différents, qui ne satisfont pas leurs parents ou leurs éducateurs, qui ne peuvent se séparer de leurs parents ou devenir indépendants, ceux qui ne sont pas comme les autres ?
*
À en croire l’opinion générale, aujourd’hui, en Occident, on aime forcément ses enfants, d’autant qu’on les a « désirés », comme il est convenu désormais de dire. La réalité est loin de cette belle, trop belle simplicité, de cette fausse évidence. Nous qui avons désiré nos enfants, nous les aimons et savons ce qui est bien pour eux à l’intérieur de la famille et dans le vaste monde – mais les autres, ceux qui subissent, croit-on, l’ordre de la nature, n’aiment-ils pas leurs enfants ? Et il nous suffirait de les aimer pour qu’ils grandissent bien, qu’ils s’épanouissent, qu’ils éclosent, comme on dirait d’une fleur – mais ailleurs, là où les parents ne « désirent » pas forcément les enfants, là où la règle n’est pas de désirer les enfants sur le même mode qu’ici, ce « manque » hypothèque-t-il le statut et l’avenir des enfants ?
Chez nous, croit-on toujours, si les enfants désirés ne grandissent pas avec bonheur et harmonie, s’ils rencontrent le monde extérieur sans joie et même parfois avec un sentiment de violence fondamentale qui les paralyse ou les fait souffrir, c’est que ce monde extérieur n’est pas assez aimant, pas assez reconnaissant de la personnalité de l’enfant, qu’il ne fonctionne pas comme un tuteur de résilience, selon un terme souvent utilisé aujourd’hui et qui rassure plus qu’il ne rend compte du processus de développement des enfants : l’« enfant précieux » devient alors un « enfant-problème » (Gauchet, 2004). Ailleurs, pourtant, l’enfant n’est pas considéré comme un individu, mais comme un membre de la catégorie « enfant » qu’il faut socialiser et inscrire dans la filiation et dans un système d’appartenances intellectuelles, familiales, sociales, culturelles – en un mot, humaniser… Ailleurs n’est pas ici, me direz-vous, mais comment accéder, sinon par le détour, à tous ces a priori que nous entretenons sur les enfants et leurs parents dans nos sociétés occidentales ? Le détour est la voie que nous avons choisie dans cet ouvrage pour regarder nos enfants et apprendre à comprendre leurs besoins.
Nous nous identifions toujours à nos enfants et nous projetons sur eux nos attentes parfois les plus contradictoires. De ce statut, de ces attentes, de ces représentations, découlent nos exigences par rapport à l’« élevage » de nos enfants, par rapport à leur éducation, aux loisirs, par rapport à la loi ou encore par rapport aux soins, ceux du corps, mais aussi ceux de l’esprit. De fait, parents, travailleurs sociaux, éducateurs et enseignants sollicitent de plus en plus la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, preuve d’un désarroi grandissant et d’un paradoxe : alors que nos bébés, nos enfants et, plus encore, nos adolescents sont de plus en plus compétents, indépendants, créatifs, on ne les a jamais pensés aussi vulnérables, victimes ou fragiles. Mais les paradoxes ne s’arrêtent pas là : si, en Occident, où ils sont devenus rares et précieux, on consulte de plus en plus en pédopsychiatrie, on les déscolarise aussi parfois bien vite ou on les punit dans les tribunaux, durement quelquefois, contrairement à ce que l’on avance trop souvent, oubliant ainsi la force de l’éducation et de l’élan de vie à constamment réanimer… On les condamne dans tous les sens du mot souvent trop vite sans leur laisser une seconde chance, celle de devenir des adultes dans une société qui leur donne une place. Cette condamnation est d’abord symbolique avant que d’être judiciaire. Il faut ce détour par l’ailleurs, pour mieux voir l’ici et le maintenant de nos enfants et de leurs parents, pour les penser de manière moins idéale et théorique ou affective, mais peut-être plus concrète, sensible et complexe.
*
En Occident, donc, on voudrait que les enfants soient de petits savants qui cultivent à la fois l’esprit et le corps, et qu’ils nous maintiennent « jeunes ». Ailleurs, on attend des enfants qu’ils travaillent le plus tôt possible pour aider les parents à survivre et, ensuite, qu’ils deviennent leur bâton de vieillesse. Partout, quoi qu’il en soit, des enfants poussent. La seule question qui vaille de notre point de vue, où que l’on se trouve, est celle-ci : quels sont les ingrédients dont cet enfant, ici et maintenant, a besoin pour grandir et comment peut-on aider ses parents à les lui donner ?
Cette passion pour l’ infancia (Youf, 2004) n’est certes pas nouvelle. D’une manière sans doute multiple et variée, les sociétés, pour continuer le mouvement, doivent penser et protéger leurs enfants. Peut-être, toutefois, avons-nous, aujourd’hui plus que jamais, obligation de réfléchir et d’agir collectivement pour redéfinir l’enfance et ses nécessités, en tenant compte de l’immensité des possibles, des contextes et de l’intimité des enfants, de leur besoin d’être portés par les adultes et de jouer, ces deux fonctions essentielles que partagent tous les enfants du monde (Lachal, 2006). La question que nous nous posons est donc à la fois intime et collective.
Pour certains philosophes, comme le métaphysicien Conche, quelle que soit la position philosophique que l’on prenne, on est obligé de penser la condition des enfants. Or arrive au premier plan la place des violences qu’on fait subir aux enfants partout au nom de ce que chaque société considère comme nécessaire pour grandir et devenir un adulte. Et, que

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