Abécédaire de l anorexie
247 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Abécédaire de l'anorexie , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
247 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Qu’est-ce que l’anorexie, ce trouble affectif qui ne se réduit certes pas à un rapport pathologique à l’alimentation ? Le professeur Corcos, fort de sa riche expérience clinique, propose un ouvrage qui permet de mieux l’appréhender. Les 80 entrées de cet abécédaire sont autant de portes ouvertes sur la compréhension de cette affection complexe et de ses risques majeurs. Cette construction originale permet d’en montrer les multiples dimensions tant anthropologiques, socioculturelles, biologiques que psychologiques… et de les confronter l’une à l’autre pour mieux favoriser leur complémentarité. Elle témoigne aussi de la richesse de ces différentes approches qui permettent de démultiplier la compréhension des conflits psychiques en jeu à l’adolescence, symbolisés par les tourments de Mlle A. Entendre le bruit et la fureur, se projeter dans l’esprit et le corps de Mlle A., écouter ses silences, contextualiser pour mieux la comprendre et mieux la soigner, telle est l’ambition de cet ouvrage destiné à tous les soignants, les patients et leurs proches. Le Pr Maurice Corcos est médecin psychiatre, chef de service du département de psychiatrie de l’adolescent et de l’adulte jeune à l’Institut Montsouris, et professeur de psychiatrie infanto-juvénile à l’université Paris-V-René-Descartes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2020
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738147776
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , AVRIL  2020 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4777-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Pierre Fédida, dont l’absence est douloureuse par ce qu’elle laisse depuis qu’il n’est plus là.
Avant-propos

Cet essai se veut une tentative de restitution de la personnalité de Mlle A., jeune adolescente anorexique, dont le portrait est esquissé à partir du dialogue continu de l’auteur avec de nombreuses patientes, à travers et au travers de leurs choix et non-choix de vie.
Telle que cette vie est apparue et apparaît à Mlle A. et telle qu’elle la fait disparaître, lors d’une période de mue heureuse ou peureuse – l’adolescence –, qui s’avère souvent décisive en matière de goûts et de désirs, de passions et d’ambitions. En détaillant les lignes de fuite et lignes de suite au regard des besoins de l’enfance qui se sont imposées à Mlle A., plus qu’elle ne les a choisies, dessinant les rails et les rets qui ont orienté le cours de sa vie… en deçà d’elle-même.
Il a l’ambition de proposer une traduction de l’étrange surnormativité que Mlle A. donne à sa mystérieuse conduite, conformisme contraire à ses appétits, faux self qu’elle oppose au monde, et dont elle prend à cet âge charnière différemment conscience, sous forme d’un désenchantement après la levée de son occultation par l’innocence infantile.
Il vise de même à remettre en doute la légende que Mlle A. finit par se construire. Et à laquelle bon nombre de proches et beaucoup trop de médecins adhèrent platement, sans compter quelques sociologues farouchement opposés à la psychologie et aux neurosciences. Pour ce faire, il s’autorise à pointer quelques idées et sentiments sur ce qui affecte Mlle A. et qui l’affecte (lui) en retour, plutôt que de simplement compter les symptômes, en n’oubliant pas qu’il émet des hypothèses théorisées, tentant de comprendre ce qui s’est joué et continue à se jouer, en évitant de verser dans le dogmatisme explicatif en les soumettant tous les jours à l’épreuve de la réalité.
Derrière la conduite… la personnalité et le monde intérieur, tellement plus intenses et éclairants que la façade-carapace défensive des symptômes ; derrière cette étrange « maladie », qui n’en est pas une, l’affection auto-immune d’un sujet qui semble ne pas aimer sa chair et la rejette pour tenter de se respecter un peu. Et dont les cris de rage pour éviter à ses yeux une vie trop minuscule la dévorent de l’intérieur.
C’est ainsi qu’avec Mlle A. c’est tout le champ de la psychopathologie de l’adolescent qui est revisité, tant sa symptomatologie protéiforme et polymorphe renvoie à des structurations de personnalité et à des gestions diverses de la régulation émotionnelle.
Cette biographie psychique existentielle, cette entreprise phénoménologique, émane davantage de l’intuition, et donc de l’affect, que des résultats d’un ou de plusieurs des opérateurs cognitifs de l’intelligence. Elle est une tentative de se saisir, face à la massivité de ce qui est montré et démontré par Mlle A., des données immédiates tant de la conscience que de celles de l’inconscient, via l’émotion et la corporéité.
Prendre à cœur et à corps le parti pris de Mlle A. avant que de le déconstruire ; rêver et penser ce qu’elle nous dit avant que d’y réfléchir, nous semble être la meilleure chose à lui transmettre. Enfermée dans ses limites ontologiques, Mlle A. n’apprend que dans la constriction-destruction de son être ; elle devra goûter à l’art de l’évasion (et pour cela pouvoir lâcher prise) si elle veut que sa vie ne soit pas que la constatation d’une soumission à d’étranges injonctions… si elle veut trouver une façon personnelle de vivre sans obéir à un maître intérieur. C’est cet « art existentiel » qui lui permettra de dépasser cette terreur d’être et de se recréer et non de platement ou trop simplement guérir.
C’est pourquoi il sera, dans cet essai, moins question d’alimentation que d’aimantation. On y parlera essentiellement d’affect et d’émotions, d’appétence et de dépendance, et d’esquive jusqu’au refus obstiné, sans pour autant verser dans le négativisme, d’Éros combattu et d’impatience amoureuse pour la mort, de mythologie et de fiction de la femme-modèle, de saintes en extase et de maladie a-sexuellement transmise, de communauté de détresse et de conflit de loyauté parents-enfants, de vide intérieur en regard-miroir et écho d’un vide antérieur-extérieur. Bref, d’un monde où les rapports entre les sexes et les générations sont tissés de violences et de pulsions dévorantes.
Et aussi et inversement, de mémoire blessée et de fatalité de répétition d’un complexe traumatique, de tératologie érotique et d’absence d’érotaurisation, des figures d’Antigone et de Sissi revisitées…
Bref, de tout et de rien, de vie et de mort, d’une passion triste car solitaire où le sujet creuse en soi, à la force décuplée de sa rage, le vide de ses désirs déçus, le trou de l’abîme où il verse corps et âme.
Et aussi et encore…
Du remède à la mélancolie qui creuse, vide et aliène Mlle A. : soit la grâce d’une trêve avec elle-même par et pour l’irruption salutaire d’un amour absolu, exigeant, non partageable, exclusif, impossible car voulu sans calcul, sans « à charge de revanche », totalement gratuit. Celui qu’elle se désespère de n’avoir pas connu et dont elle a paradoxalement la nostalgie, celui qui serait marqué du sceau du don. Celui vrai, chaud, réel et authentique, qui lui est indispensable pour qu’elle ne reste plus à la merci d’elle-même, instrument et objet de torture d’un destin qu’elle n’a pas choisi, et qui, sans intervention extérieure, se déroulera implacable, dans une illusion de liberté, et dans le déni massif des conséquences majeures que les enchaînements-aliénations successif(ve)s provoquent.
« Nous avons affaire à une forme de Dasein (existence) dont le monde endosse de plus en plus la forme du vide ou du trou et dont la forme globale ne peut être décrite que comme être vide ou être-trou. Et assurément, il appartient à l’essence du Dasein comme être-trou qu’il puisse être vécu aussi bien comme vide que comme être-limité ou être-comprimé ou être-capturé, ou encore comme nostalgie de la liberté […]. Au sein du monde propre comme le monde de la chair enfin, nous avons trouvé l’être limité ou oppressé comme être-gros, les barrières ou écrans comme couches de graisse, contre lesquelles le Dasein, comme contre les murs, cogne avec les poings, le vide comme être-sourd, -bête, -vieux et -détestable, et même -mort, la nostalgie de liberté comme vouloir être mince, le soi comme simple boyau destiné à un remplissage matériel puis à un nouveau désemplissage 1 . »
1 . Ludwig Binswanger, Le Cas Ellen West , préface de Philippe Veysset, Paris, Gallimard, 2016.
2 . Vieira da Silva, in Pierre Schneider, Dialogues du Louvre , Paris, Denoël, 1960.
« Je ne peins pas ce que je vois, je peins ce que je pense. »
Pablo P ICASSO

« Je ne peins pas l’être, je peins le passage. »
Auguste R ENOIR

« J’aime les os, pas les nerfs, les muscles. Au Moyen Âge, on faisait les jambes toutes minces, et puis soudain voilà Rubens qui fait les jambes énormes. Devant Mme Hartmann par Auguste Renoir, je suis à genoux devant cette peinture, c’est comme un ballon soufflé, mou, moelleux, bête. Cette grosseur de ces femmes ça me donne l’impression de maladie plutôt que de santé… je veux peindre ce qui n’est pas là comme si c’était là 2 . »
Maria Helena V IEIRA DA S ILVA

 
Préambule

Notre ambition est de décrire, au plus près de l’affect et du corps, le moment existentiel qu’est l’adolescence. L’approche phénoménologique ( Phaenomenon  : ce qui apparaît) observe et révèle ce qui se présente… la posture telle quelle , ou la position adoptée , par le sujet face à un événement. Puis tente de dégager avec lui la représentation qu’il en a et celle qu’il donne à voir et à penser aux autres.
Plus…, elle est de peindre ce qui n’apparaît pas, ce qui n’est pas là… ce qui est absent, dénié, refoulé ou autoavorté… comme si c’était là. Peindre le passage périlleux de l’adolescence et son refus. Le malaise dans la transition, la révolte bruyante comme la soumission craintive, jusqu’à l’allégeance à une première loi sociale et familiale acquise, inculquée dans l’enfance, avec ce qui l’accompagne de repli régressif avant le retrait et jusqu’au retranchement.
Rassembler, et non réduire, l’enfant en partance et l’adulte en devenir chez un sujet en proie à des métamorphoses corporelles et psychiques dans un télescopage des temps : ce qui est consenti et ce qui est réprimé. En particulier, au niveau du corps… le corps d’enfance, soit le corps imaginaire du désir.
Peindre ce phénomène dans sa singulière transmutation (des substances corporelles et psychiques… et des précieux liquides que sont les humeurs) et incarnation chez Mlle A., jeune fille anorexique dont le portrait sera composé des multiples histoires de patientes 1 suivies par l’auteur, par de multiples touches impressionnistes. Il reviendra au lecteur de composer dans sa rétine et son esprit (sa biologie et son monde interne) le mélange des couleurs, au regard-miroir de sa propre adolescence, et à l’éprouvé corporel et émotionnel de l’enfant qu’il reste dans l’adulte qu’il paraît.

Derrière les apparences
Notre intention n’est pas de décrire platement l

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents